C’est du moins la position du professeur Amor Zahi qui adosse ses motifs aux nouveaux rapports internationaux qui se dessinent. Le corpus juridique algérien dédié à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur résulte beaucoup plus d’une pression de l’environnement international qui avait appelé à plus de protection de ce qu’il crée et, donc, de son investissement intellectuel
Nous l’avons vu, lu et entendu, la planète est en pleine effervescence autour de nous. Internet et XXIe siècle obligent; nous ne faisons que trop partie de ce même monde et il est impossible de rester à l’écart. Aucun domaine n’y échappe et nous voyons peu à peu en Algérie, avec une récurrence plus ou moins soutenue, se tenir des rencontres durant lesquelles des « temps d’arrêt » sont marqués afin de comprendre ce qui se produit autour de nous et situer notre positionnement par rapport à tout cela. C’est dans ce sens que la Faculté de droit de Ben Aknoun avait marqué son « temps d’arrêt » à elle afin de s’interroger sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur ; touts deux transposés à de nouvelles réalités numériques. Sous l’impulsion du professeur Amor Zahi; directeur du Laboratoire de la propriété intellectuelle et directeur de chaire de l’Unesco sur les droits d’auteur, cette rencontre devait faire le point sur ce domaine précis et ouvrir un débat franc sur la réalité des choses. Des réalités qui ne se confinent plus à un niveau local. Et il a été beaucoup question de relations internationales lors de ce séminaire. A vrai dire, l’Algérie naissante avait accordé la priorité à la propriété industrielle afin de protéger ses marques ainsi que ses brevets d’invention. Le corpus juridique dédié à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteur résultait, pour sa part, beaucoup plus d’une pression de l’environnement international qui avait appelé à plus de protection de ce qu’il crée et, donc, de son investissement.
Nous le voyons jusqu’à présent, une agitation s’en est prise de l’Europe lorsque l’Union européenne l’Union européenne fut invitée à ratifier l’une des conventions les plus controversées du moment; l’Accord commercial anti-contrefaçon ou ACTA. Une « excitation » qui se ravive chaque fois qu’il en est fait part. Parlementaires, juristes, associations de consommateurs, société civile… tous font front commun contre un accord dont on ne veut plus entendre parler. Initialement, l’Anti-counterfeiting Trade Agreement est un traité international multilatéral sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle négocié depuis 2006 par une quarantaine de pays. En 2011, l’accord définitif qui en a résulté a été signé par huit pays (Etats-Unis, Australie, Canada, Corée du Sud, Japon, Maroc, Nouvelle-Zélande et Singapour).
Que lui reproche-t-on ? Simplement qu’il dépasse ses seules prérogatives commerciales et « incite » les Etats à établir un nouveau cadre juridique à connotation répressive à travers des pourparlers bilatéraux dont le contenu est rarement public.
Comme il s’agit d’un traité international, l’Algérie pourrait parfaitement faire l’objet d’une invitation par ses partenaires internationaux à le ratifier. Officiellement ; aucune demande n’a été faite en ce sens. Toutefois, l’une des dispositions contenues dans l’ACTA contiendrait tout un chapitre, voire tout « un plan pour inciter les pays en voie de développement à adhérer à cette entente ». Cette dernière touche tous les volets ainsi que toutes les industries liés à la marque, à la propriété intellectuelle et aux droits d’auteurs. Y compris sur Internet. C’est l’autre aspect de l’ACTA décrié quand, sur cette question, il impose de nouvelles obligations aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) qui les enjoint à divulguer directement « aux supposées victimes », constitués en groupes d’intérêt, d’« informations touchant leurs clients tout en restreignant l’usage d’outils informatiques protégeant leur vie privée ». L’ACTA va plus loin, jusqu’à « exiger des FAI qu’ils préviennent et mettent fin à la contrefaçon, au risque de sanctions décidées par l’Etat » signataire.
L’hypothèse de voir l’Algérie adhérer à ACTA ou du moins lancer un débat général en vue de le ratifier est-elle crédible ? C’est la question posée au professeur Amor Zahi, très à l’aise dans les relations internationales ! « A partir du moment où l’Algérie s’est lancée dans la mise en place d’un cadre juridique dans le domaine des nouvelles technologies, l’adhésion à l’ACTA pourrait être inévitable ; répond-il, à cause des rapports qui s’internationalisent où il est devenu impossible à un Etat de vivre en autarcie ».
A considérer ces propos; c’est on ne peut plus crédible dans la mesure où « l’environnement international s’impose sur les Etats ». Pour preuve, il revient sur la « lex mercatoria » qui a fini par s’imposer d’elle-même, reposant sur un rapport de force qui était à l’avantage des pays industrialisés. Le professeur Amor Zahi fait le parallèle avec ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui la « lex electronica », dont l’évolution est assujettie par le développement des rapports de force. Et l’Algérie n’y échappe pas.
Son arsenal juridique lié à la protection de la propriété intellectuelle en a déjà « fait les frais » depuis 2003 lorsque, sous pression internationale, notamment de l’OMC, qui avait appelé à renforcer davantage le cadre législatif, l’Algérie a dû « refondre tous ses textes de loi ». Mais est-il concevable d’aller jusqu’à criminaliser le téléchargement illégal par exemple ; ce que suggère l’ACTA ? « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont été dès le départ considérées comme une menace pour la propriété intellectuelle, surtout les téléchargements.
Il y a de plus en plus de téléchargements qui se font à l’insu des titulaires des droits.
Les criminaliser ou les sanctionner pénalement; je crois qu’il faut trouver un équilibre entre les intérêts des titulaires des droits et le consommateur », estime-t-il. Dans les faits, seule la copie privée est permise tant qu’elle se destine à un usage strictement personnel.
De toute façon, l’Algérien paye déjà une taxe sur la propriété intellectuelle en achetant le support de gravure ; l’équipement qui sert à produire la copie ; le DVD ou encore support de stockage. « Néanmoins, il faut des sanctions pour les téléchargements abusifs. » Il y a deux réalités qui s’entrechoquent, « des dépenses sont engagées pour la création et il faut les amortir », d’une part, mais, d’autre part, un défaut technique, qui se matérialise dans notre incapacité à pourvoir acheter en ligne en toute légalité. « Aucune piste ne doit être exclue pour arriver à l’équilibre recherché », affirme encore Amor Zahi.
Il y a une autre vérité. « Aujourd’hui, dans la Constitution, il a été admis le fait que la norme internationale prévaut sur les lois nationales.
Maintenant ; tout dépend des modalités de pression ; une pression pour obtenir le maximum de protection dans les législations internes. Mais l’Algérie peut s’adapter dans les limites compatibles avec sa souveraineté, c’est ce qui lui permettra d’adhérer moyennant des réserves », affirme-t-il encore.