Par Angie Graves*
L’ICANN, le régulateur mondial pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet, a tenu sa 55ème réunion du 5 au 10 mars dernier à Marrakech.
S’imposant imperceptiblement sur les règles traditionnelles de l’économie mondiale, l’institution en charge de la Gouvernance de l’Internet a avancé de manière considérable en imposant des jalons majeurs qui, demain, présideront à l’évolution de l’Internet mondial.
L’histoire ne se rappellera probablement pas de la réunion ICANN55 de Marrakech pour le climat agréable et l’environnement culturel riche dans lequel elle s’est déroulée, mais plus certainement pour le fait qu’elle a été marquée par l’achèvement de plus d’une année de travail en vue de la transition du contrôle de l’IANA (Internet Assigned Names Authority – Autorité mondiale chargée de la gestion de l’adressage sur Internet) au profit de l’ICANN.
L’IANA est essentielle au fonctionnement du système des Noms de Domaine (DNS) qui lui même est au cœur de ce à quoi ressemble l’Internet et la façon dont il opère.
Il est important de rappeler que l’IANA est actuellement contrôlée par le Ministère du Commerce des Etats Unis, un fait largement connu et toléré par les gouvernements du monde entier depuis 1998, lors de la création de l’ICANN aux Etats-Unis et ce, jusqu’à l’été 2013. En effet, c’est à cette période que les révélations d’Edward Snowden ont soulevé des soupçons au sein de nombreux pays au sujet de la mainmise du Gouvernement américain sur l’Internet mondial.
Quelle soit réelle ou symbolique, la relation étroite de l’Internet avec le Ministère du Commerce des Etats Unis a contribué à augmenter de manière importante le nombre d’Etats désormais devenus très inquiets et prêts à risquer l’apparition d’un Internet éclaté et divisé par les frontières nationales.
L’on sait qu’en tant qu’organisation mondiale, l’ONU a formulé depuis longtemps un vif intérêt à diriger l’IANA. Mais la large Communauté de Gouvernance d’Internet n’a également eu de cesse d’exprimer le fait que l’administration de l’Internet serait beaucoup mieux réalisée par une institution qui serait composée des représentant des gouvernements et de ceux des autres secteurs de la société civile, technique, universitaire et commerciale.
Il était prévu que le gouvernement des États-Unis, au moment de décider vers qui transférer l’IANA, choisirait un corps qui reflète le mieux la composition des utilisateurs d’Internet, lesquels ne sont pas nécessairement segmentés en fonction de la géographie ou d’un État en particulier mais au regard de leurs intérêts, qu’ils soient techniques, académiques, non-lucratifs ou autre.
Le gouvernement américain a finalement décidé, début 2014, que le transfert des attributions de l’IANA se ferait au profit d’une organisation non gouvernementale pluripartite.
La seule organisation correspondant étroitement à cette description était l’ICANN.
Depuis cette date, l’ICANN et la communauté de l’ICANN ont travaillé sans relâche pour parvenir à un accord sur les facteurs qui permettraient le transfert de l’IANA du Gouvernement américain vers elle.
C’est donc lors du dernier jour de l’ ICANN55 (la 55e réunion de l’ICANN à Marrakech), que la communauté de l’ICANN a finalement soumis son Plan au Conseil d’Administration de l’ICANN pour approbation.
Une fois approuvé par le Conseil d’Administration de l’ICANN, ce plan sera soumis au Gouvernement des États-Unis qui est censé répondre au courant de cet été. Dès lors, les étapes relatives au processus d’approbation et du transfert concret de l’IANA prendront forme à compter du mois de septembre.
Une fois ce processus terminé, l’ICANN sera habilitée à accepter le contrôle administratif des fonctions clés à la base du fonctionnement prévisible et fiable de l’Internet.
* Program Manager Web Group Inc. et Membre du Comité de l’ICANN.