26 mars 2025

GeekWeek: Le numérique au gouvernement

Plongés dans la torpeur ramadhanesque, les Algériens se sont réveillés un beau matin avec l’annonce d’un remaniement partiel du gouvernement. Il a fait les gorges chaudes de tout un chacun dans les marchés la journée et dans les cafés pendant la Sahra entre deux bouffées de cigarette et kalb elouz. Dans la foulée, certains se posent la question essentielle de l’heure : va-t-il y avoir une rupture réelle ou s’agit-t-il d’un simple changement dans la continuité ?
Un ami, féru des technologies, attire mon attention sur ce qui lui parait être une chose importante : «Houda-Imane Feraoun, ministre de la poste et des TIC, a passé son examen avec succès. Elle a été reconduite au gouvernement. Elle pourra ainsi mener à terme le processus de lancement de la 4G en Algérie et peut être limoger quelques DG ou PDG au passage, bien sûr, pour insuffler une nouvelle dynamique dans un environnement extrêmement concurrentiel pour un secteur qui connaît des évolutions et des transformations rapides». Mais aura-t-elle les mêmes coudées franches qu’avant ?
Pourquoi cette interrogation ? Parce qu’il a été procédé à la création d’un ministère délégué auprès du ministre des finances chargé de l’économie numérique et de la modernisation des systèmes financiers, avec à sa tête Mouatassem Boudiaf, ex-directeur de l’organisme de régulation de la monétique. Et le défi à relever est énorme. En Algérie, la carte bancaire sert essentiellement au retrait quand les terminaux fonctionnent bien sûr. La monétique en Algérie, en particulier les Dab, ne représente même pas ce qu’on retrouve dans une ruelle commerçante d’un pays développé ! La vente en ligne n’est pas réglementée. «Alors que le secteur est incapable de décoller, les discours de nos décideurs nous donnent l’impression que l’Algérie joue directement en Champion’s League!», ironise un jeune. Le paiement en ligne est une opération limitée à certaines grandes entreprises, comme les entreprises de téléphonie mobile, Air Algérie et quelques administrations.
Pourtant sous d’autres cieux, des progrès substantiels ont été réalisés et particulièrement en Afrique. Les paiements par téléphone portable ou le «mobile banking» est un mode de paiement qui s’est développé depuis 2007 au Kenya. Avec son produit M’Pesa – M comme mobile et Pesa comme monnaie en swahili-, l’entreprise Safaricom a connu très vite un succès phénoménal. Selon des statistiques récentes, M’Pesa compterait maintenant quelque 17 millions d’abonnés – soit un Kenyan sur trois- et plus de deux millions de transactions quotidiennes, celles-ci représentant en une année environ 1/10ème du Produit Intérieur Brut (PIB) national. Hors du Kenya, le mobile banking, maintenant maîtrisé par tous les plus grands groupes internationaux de télécommunications, est surtout utilisé dans les pays en développement où il se substitue aux guichets bancaires pour l’importante clientèle non bancarisée. Pour justifier le retard, les responsables sortent toujours une excuse de type : «l’opération a besoin de réglages» mais force est de constater que la monétique n’a pas suivie le même rythme d’évolution que la téléphonie mobile.
D’autre part, le Bac n’est plus ce qu’il était : fuites des sujets sur Internet et utilisation frauduleuse de téléphones portables dans les centres d’examens, l’implication des TIC dans la triche est de plus en plus répandue.  Certains élèves redoublent d’ingéniosité pour parvenir à leurs fins. L’année dernière, une candidate avait été surprise avec une oreillette satellitaire sophistiquée en train de se faire dicter les réponses par un correspondant extérieur. Ce n’est pas la première fois que la triche entache les épreuves du bac en Algérie. En 1992, des fraudes massives avaient contraint le ministre de l’Éducation à rendre son tablier. Ce phénomène est bien entendu mondial. Le New York Times évoque le cas de ces gadgets, notamment de montres et stylos avec minuscules caméras intégrées qui transmettent des signaux à des complices à l’extérieur, lesquels relaient les réponses correctes.
La triche met à jour les contradictions de notre société, piégée de plus en plus par la perte des repères, une crise d’autorité, crise du savoir, du lien social et absence d’éthique. Vouloir réussir coute que coute poussent à emprunter des raccourcis dangereux et des solutions simplistes.

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