S’asseoir face à son ordinateur et y passer de longues heures, même s’il n’y a aucun besoin, ni une nécessité «utile» à cela est, aujourd’hui, une attitude enracinée et partagée par un grand nombre d’Algériens, tous âge et sexe confondus. Mais seulement lorsque le web est fonctionnel, car, lorsqu’internet est indisponible, on préfère s’adonner à d’autres activités, plus utiles dans la plupart des cas. La cyberdépendance s’est constituée en un vrai phénomène qui s’est emparé de notre société, essentiellement les classes juvéniles qui ne trouvent pas moyen d’y échapper. La disponibilité d’internet, à grande échelle et à différentes formules (fixe, mobile, cybercafés, universités et milieu professionnel) est, certes, l’élément «perturbateur» à l’origine de cette cyberdépendance, mais la fausse approche qu’ont les internautes algériens vis-à-vis de la toile y est également pour beaucoup de choses. Sur les réseaux sociaux, par exemple, des citoyens, lorsqu’ils ne trouvent rien d’intéressant à publier, ils partagent leur humeur de l’instant. On croise le plus souvent de petits mots comme «fatigué (e)», «heureux (se), «indigné (e)»…etc. Ils attendent, bien évidemment, des réactions de leurs amis virtuels. D’autres se contentent de poser des questions frôlant la banalité, comme pour attirer l’attention des autres. L’essentiel pour cette catégorie d’internautes est de ne pas rester «oisif» sur la Toile, ce qui se répercute négativement aussi bien sur leur santé mentale et physique que sur leur activité professionnelle. «Il y a à peine un mois, j’ai reçu un avertissement en raison d’un grand retard pris dans la réalisation des bilans de l’entreprise. J’ai commis cette erreur à cause de ma connexion quasi-ininterrompue sur les réseaux sociaux et d’autres sites. J’ai juré de ne plus récidiver, mais je n’y parviens pas. Dès que je m’installe dans mon bureau, je me trouve connecté, sans m’en rendre compte», avoue Hamid, comptable dans une société privée à Alger. «Je suis devenu otage du web et je crains sérieusement sur mon avenir professionnel», ajoute notre interlocuteur, sur un ton d’inquiétude. Un grand nombre d’entreprises publiques et privées ont, d’ailleurs, limité la disponibilité d’internet uniquement pour les hauts cadres, pour s’assurer de préserver les performances habituelles des employés. Raisonnable, au vu de l’attachement aveugle de certains citoyens au web, baignant, ainsi, dans le monde virtuel au détriment de leur milieu professionnel.
Exagérer, c’est nocif pour la santé !
La connexion excessive à internet commence à démontrer ses effets néfastes sur la santé psychologique et physique des citoyens. Cela engendre le stress, l’anxiété et l’insouciance vis-à-vis de l’entourage «réel et immédiat». Se mettre longtemps face à son ordinateur et naviguer sure la Toile fait, ainsi, perdre à la personne ses reflexes naturels. «A la fin de journée, je me sens souvent stressée, nerveuse et extrêmement fatiguée. Pourtant, mes tâches professionnelles ne sont guère épuisantes. J’ai consulté un médecin, récemment, et il m’a conseillé de réduire le temps de ma connexion pour retrouver mon équilibre psychologique», avoue Lila, réceptionniste dans une école privée. Des études ont, d’ailleurs, montré l’effet néfaste de la cyberdépendance. «La cyberdépendance est génératrice de techno- stress, qui, ajoutée à la tension propre au travail lui-même et à une vie trépidante, pourrait provoquer le burn-out ! La raison est toute simple : le cerveau humain n’évolue pas de manière aussi rapide que les technologies», ont souligné une équipe de psychologues, cogniticiens et sociologues du travail, dans une étude effectuée, récemment, en Suède. Des chercheurs britanniques ont comparé, dans une étude réalisée en août 2014, la cyberdépendance à l’addiction tabagique, mettant l’accent sur l’existence d’une victime collatérale : l’entourage. L’impact négatif de cette dépendance « se fait ressentir au sein de la famille à travers une réduction sensible des rencontres entre les membres, et c’est la communication familiale qui prend ainsi un sacré coup», ont noté les mêmes auteurs. Certains internautes algériens ont qualifié les réseaux sociaux, notamment Facebook, devenu, il faut l’admettre, un phénomène de société à part entière, de «drogue, dont il est difficile de s’en débarrasser».
Internet et les réseaux sociaux ont failli détruire sa vie sur les plans familial et professionnel. Mais, il a pu, en fin de compte, de se débarrasser des mauvais réflexes et mettre, ainsi, un terme à une longue histoire de stress, d’angoisse et de multiples soucis. Adel, la trentaine, archiviste dans une entreprise publique a vécu deux années de cauchemar à cause de sa cyberdépendance. «D’abord, j’ai frôlé le divorce à trois reprises à cause de mon attachement illimité aux réseaux sociaux. Mon épouse doutait de mes connaissances, car même à la maison je n’arrêtais pas de discuter avec mes amis virtuels. Au travail, j’ai été averti à deux reprises à cause de la négligence de mes devoirs professionnels et mes retards successifs. Durant cette période, je tentais de mettre fin à cette attitude, en vain», se souvient ce jeune dynamique et féru des nouvelles technologies. «J’ai alors décidé de prendre un congé sans solde de deux mois. Je me suis déplacé en compagnie de mon épouse à mon village natal de Bougâa (Sétif), et j’ai passé toute cette période sans me connecter à internet. Cela m’a aidé à m’éloigner graduellement de ce mal. A mon retour, j’ai entamé une activité sportive régulière, ce qui ne me laisse nullement le temps au web. Au travail, j’ai complètement débranché mon ordinateur d’internet. C’était un combat difficile, mais, Dieu merci, je suis parvenu à me mettre en dehors des griffes de cette maladie incurable», poursuit notre interlocuteur, conseillant les autres victimes de la cyberdépendance à «s’armer de courage et de volonté pour pouvoir mener une vie tranquille». Adel termine sur un adage populaire bien de chez nous. «Même le miel, lorsqu’on en abuse, finit par perdre son goût». A bon entendeur…
