Pour notre interlocuteur, il ne s’agit pas d’une guerre où une seule entreprise l’emportera sur toutes les autres, mais plutôt d’un écosystème où chacun trouverait chaussure à son pied en fonction de ses besoins
Intel, fabricant de processeurs et de plates-formes informatiques, s’est doté d’une filiale en Algérie. « L’ouverture du bureau Intel d’Alger confirme le potentiel de développement du marché Algérie dans la région », nous avait dit Hacen Bensaïd, responsable auprès d’Oasys et de l’association AITA, il y a plus d’une année. Nous avons voulu en savoir plus sur ce que veut faire Intel en Algérie et nous nous sommes rapproché de Bibi-Triki Karim, Country Manager au sein de cette multinationale et leader du marché des puces électroniques. En effet, d’après les chiffres des compteurs internationaux, la société Intel, qui est née en 1968, demeure leader de la production de microprocesseurs et de la vente de semi-conducteurs. « Cependant, les activités de la firme tendent à se diversifier », nous précise Bibi-Triki en ajoutant que « les investissements d’Intel se sont multipliés lors ces dernières années » suite à un conseil d’administration houleux qui a fait presque vaciller Paul Otellini. Apres cela, les acquisitions du groupe se sont diversifiées. Différents marchés nouveaux pour la firme en deviennent la cible. Il y a eu quelque 20 milliards de dollars d’achat ou de participation à des start-up. Bien que la firme ne paraisse pas en danger, les dirigeants sentent le vent tourner et activent la redirection stratégique de l’entreprise. « Intel en Algérie peut faire beaucoup de choses », nous dit le Country Manager d’Intel Algérie tout en insistant sur « écosystème ». Pour Bibi-Triki, il ne s’agit pas d’une guerre où une seule entreprise l’emportera sur toutes les autres, mais plutôt d’un écosystème où chacun trouverait chaussure à son pied en fonction de ses besoins. Allant plus loin, Bibi-Triki revient aux fondamentaux : stratégie, compétence, application et objectifs. Robert A. Burgelman, professeur de management stratégique de la technologie et de l’innovation à l’université de Stanford au Etats-Unis, écrit que « toutes les organisations ont un concept stratégique global, implicite ou explicite, essentiellement déterminé par quatre critères, qui constituent le credo de la direction au sommet : la compétence propre de l’entreprise (ou plutôt l’idée, pas nécessairement figée, que s’en fait la direction, à l’aune de laquelle tout nouveau projet sera examiné) ; son application dans un domaine du marché ; les valeurs fondamentales (core values) ; enfin, les objectifs ». Objectifs ? Nous lui avons posé la question de savoir ce que pouvait faire Intel. « Intel doit savoir ce qui va être fait ou demandé », nous répond-il avant d’ajouter immédiatement : « Ce projet ou cette demande a déjà, peut-être, été faite ailleurs dans un des pays du monde. Il y a aussi des règles qui permettront d’allouer tel ou tel budget à tel ou tel projet sans oublier les systèmes de mesure : évaluation, retour… et le positionnement pays » mais, ajoute-t-il d’un trait, « il faut que l’on nous dise quels secteurs choisir ». Quand Andy Grove, Chief Executif Officer Intel disait : « Les gros processeurs ont besoin de gros tuyaux », la formule tient un peu de la lapalissade. La matière première des processeurs, ce sont les informations, les bits. D’où proviennent ces bits ? De projets et de projets bien ficelés. Et pour cela Bibi-Triki parle d’« éducation-formation » qui sont, à ses yeux, très importants pour le développement futur. Mais pour cela, il dit que « nous avons besoin de cadres d’évaluation qui doivent principalement mesurer, d’une part, le degré de compatibilité en termes de capacités existantes, à acquérir, futures, etc., et d’autre part, l’importance stratégique ». Il fait une boucle en riant en disant qu’« Intel est avant tout une entreprise d’ingénieurs et elle a été fondée par des ingénieurs » tout en résumant par « si nous parvenons à une vue claire sur ces deux points, nous avons des chances raisonnables d’aller très loin ». Intel est ici en terre algérienne, essayons d’en profiter au maximum. Thomas Watson Sr., qui fonda IBM, aimait s’adresser à ses cadres par des discours, qu’il concluait invariablement par ces mots : « Souvenez-vous, nous aimons les canards sauvages. Certes, mais à condition qu’ils nous ramènent des informations. »