Les nouvelles technologies ont modifié nos comportements habituels, au point qu’elles s’imposent dans nos vies à notre insu. C’est ainsi pour Internet. Il est impensable d’imaginer une journée sans consulter sa boîte e-mail, du moins pour les habitués du Net. Désormais, tous les opérateurs offrent leurs services sur le Net ; espace où il est plus facile de payer sa facture que d’attendre une heure devant le guichet. Pour acheter un livre, il suffit d’un clic sur n’importe quel site de vente et vous avez le livre que vous voulez. Pour communiquer avec nos cousins et amis dans les pays lointains, il est encore plus facile de les contacter par le Net, avec des prix raisonnables, voire gratuits pour certains, que d’utiliser les moyens traditionnels. Alors en quoi le Net peut-il être dangereux ? En effet, on peut rester plusieurs heures sans faire attention qu’on est devenu « dépendant ». L’utilisation des termes dépendance et addiction est en cours de débat1. Selon certains spécialistes, en 2011, le terme de dépendance va céder la place à « l’addiction ». Qu’est-ce que l’addiction ? L’addiction n’est pas caractérisée par la dépendance physique à un produit, mais par la recherche compulsive de drogue. C’est Otto Fenichel en premier (1949) qui avait soulevé la question des « toxicomanies sans drogues ». Cependant, l’état addictif correspond à un dysfonctionnement du circuit cérébral de la récompense et à des modifications dans les zones impliquées dans la prise de décision. Sur le plan neuro-anatomique, la transition vers l’addiction ne se produit que chez une fraction des consommateurs. La perte durable de plasticité synaptique jouerait un rôle dans cette transition. Ainsi, le terme « addiction à Internet » a été utilisé pour la première fois à Toronto en 1996, lors du colloque de l’American Psychological Association (APA). A cette occasion, la psychologue américaine Kimberly Young, présentant ses recherches dans un article intitulé « Internet Addiction : The emergence of a New Clinical Disorder », a démontré que certains consommateurs manifestent une dépendance à Internet, de la même façon que certaines personnes deviennent dépendantes de substances toxiques, de l’alcool ou du jeu. De fait, comme pour les autres formes d’addiction, celle à Internet conduit à une diminution de la performance au travail2 et provoque des désordres conjugaux pouvant aller jusqu’à la séparation. L’addiction à Internet se manifeste sous quatre formes, selon Jean-Charles Nayebi, docteur en psychologie et auteur de « Cyberdépendance en 60 questions »3: le cyberjeu, une dépendance ou la forme de dépendance à Internet qui concerne les joueurs sur un ordinateur en réseau ; la cyberdépendance relationnelle, intéressant le champ de la communication et qui concerne l’établissement de relations via Internet et le suivi de ces relations par les moyens offerts par la technologie d’Internet ; le cybersexe, dépendance qui concerne la fréquentation assidue de sites pour adultes à contenu pornographique et, enfin, le cyber-amassage ou « cyberhoarding », une addiction qui concerne le comportement d’« amassage » outrancier des contenus et des informations sur le réseau. En quoi l’addiction à Internet (la cyberdépendance) peut-elle être néfaste pour l’individu ? Comme nous l’avons souligné plus haut, il s’agit d’un comportement addictif. Ainsi, le système neuro-fonctionnel qui est impliqué est le système de récompense. En plus des troubles pathologiques connus pour la recherche compulsive de drogue (Internet, sexe, alcool, etc.), des études ont montré que les enfants qui utilisent, par exemple, les jeux vidéo sur le Net ont des troubles du sommeil, favorisant les cauchemars4. Que faire ? La prévention est le maître mot de la lutte contre l’addiction à Internet. Très souvent, l’incursion de l’informatique dans les foyers ne donne lieu à aucune mise en garde : aucune « hygiène » de la consommation n’est dispensée à l’égard des jeunes utilisateurs. Il faut donc informer et sensibiliser sur les dangers du Net (la moyenne normale de navigation sur le Net est estimée à 8 heures par semaine). Lorsque l’addiction à Internet est instaurée chez une personne, des thérapies brèves et la participation aux groupes de parole peuvent permettre des progrès notables dans un temps relativement bref, pour changer ses comportements de consommation. Il s’agira pour le thérapeute et pour son patient de comprendre ce que signifie réellement cette dépendance dans la vie du sujet, quels en sont les mécanismes et comment s’y prendre pour démonter ces mécanismes pathogènes.
Yazid Haddar *
*Neuropsychologue
1 Cf. La recherche N°40, Août 2010.
2 http://www.statcan.gc.ca/bsolc/olc-cel/olc-cel?catno=56F0004M2006013&lang=fra
3 Cf. «Cyberdépendance en 60 questions», RETZ, Paris, Mars 2007.
4 Cf. Cerveau et psycho N° 34. 2010.