Bien que les autorités publiques aient facilité et allégé les procédures de création de centres de contact, il faut croire que l’acte destiné à voir l’émergence d’un nouveau type de débouchés et d’investissements en Algérie prend davantage l’allure d’un coup d’épée dans l’eau tant les visées escomptées peinent à voir le jour. De 10 millions de dinars, nous en sommes arrivés à 10 000 dinars d’autorisation à payer auprès de l’ARPT pour prétendre être à la tête d’un call-center et entrer de plain-pied dans ce qui avait été considéré comme le nouvel eldorado des télécoms dans la mesure où nos voisins marocain et tunisien en sont arrivés à la saturation de leurs marchés, particulièrement offshore. A défaut d’être la terre promise, l’Algérie en est restée au stade de «niche potentielle» pour une activité de services entourée de suspicion tant l’incompréhension habite les spécialistes en la matière.
Pourquoi les services d’appels, de télémarketing, de téléconseils… ne décollent-il pas ? Pour Didier Fontaine, expert et spécialiste en la matière, à la tête d’AlgeriaVision, dont le métier est l’aide à la création et l’intégration de centres de contact, «sur le papier, l’Algérie avait tous les atouts en main pour devenir une terre d’accueil recherchée pour les sociétés de centres de contacts, en recherche de solutions de délocalisation et ou de partenariats». Et d’énumérer ces atouts : «Un secteur des télécommunications déjà bien dérégulé et très en avance, sur ce point, sur ses voisins ; une dizaine d’opérateurs alternatifs autorisés de VoIP, un coût de main-d’œuvre particulièrement bas, de bons techniciens de l’informatique et des réseaux ; une très bonne maîtrise de la langue française, parlée souvent sans accent ; une bonne connaissance de la France et de sa géographie et une volonté gouvernementale affichée pour favoriser les IDE.» A bien des égards, la réalité est différente. A défaut d’être une alternative «salvatrice» dans le processus de diversification des revenus nationaux, massivement assurés par l’exportation des hydrocarbures, le marché tend à se limiter à quelques intervenants privés qui accaparent une «clientèle» à convaincre et à en faire une chasse gardée une fois celle-ci acquise. Une clientèle majoritairement issue du milieu de l’entreprise ou d’institutions qui ne peuvent se passer de ce genre de structures d’accueil téléphonique, entre autres missions des centres de contact.
Poursuivant son analyse, M. Fontaine dira qu’«alors que le Maroc et la Tunisie ont su faire de ce marché un secteur d’activité fort, lucratif et générateur d’emplois, l’Algérie est à la peine et cette activité reste balbutiante». «Qu’on en juge ! Le Maroc, première destination cible, héberge aujourd’hui plus de 140 centres de contacts, employant près de 25 000 personnes et réalisant un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros, tandis que la Tunisie, partie plus tardivement, a su rattraper une bonne partie de son retard et compte maintenant parmi les destinations ‘‘reines’’ des spécialistes français de la profession ; plusieurs dizaines de centres se sont ouverts ces dernières années, dont l’un ne dispose pas moins de 650 positions. Avec seulement 5 centres d’appels référencés à l’ARPT, le plus gros revendiquant 120 positions, l’Algérie fait figure de lanterne rouge», poursuit-il.
Quant au pourquoi du comment, M. Fontaine le résume en affirmant que «[…] les investisseurs français demeurent frileux pour des motifs de sécurité [à tort] et des motifs de difficultés administratives et bancaires [à raison]. D’ailleurs, peu nombreux encore sont ceux qui sont prêts à tenter l’aventure, malgré la conviction profonde de l’importance du potentiel de développement. Ensuite, et plus spécifiquement pour cette activité, le pays souffre selon moi de trois principaux handicaps : le coût du locatif de standing sur la capitale est très élevé. La qualité de la production reposant totalement sur le travail des téléopérateurs, les conditions de travail sont essentielles. La solitude des opérateurs ;le développement des acteurs ne peut se faire qu’avec l’accompagnement des autorités du pays qui doivent en faire la promotion et mettre en place les ‘‘facilités’’ techniques, administratives, fiscales qui vont séduire les investisseurs. Aussi, le manque de visibilité. Dans les technologies de la communication, il faut être ‘‘visibles’’ : sites Internet accrocheurs, présence dans les salons, publicité dans la presse spécialisée, appartenance à des groupements et organismes ‘‘métier’’, etc.»
Illustrant son propos, il «assène» : «Du 3 au 5 avril se tiendra, à Paris, la 11e édition du SECA, le salon européen des centres de contacts et de la relation client. 180 exposants se partageront 10 000 m2 d’exposition […] Pour le Maroc, Maroc Telecom et Meditelecom seront présents ainsi que de nombreux centres de contacts marocains. Pour la Tunisie, Tunisie Telecom, la Poste tunisienne, le Centre tunisien de la promotion des exportations [CEPEX] et une dizaine d’opérateurs seront exposants. Et qui représentera l’Algérie ? A l’exception de Access Call Center et de son dirigeant Djamel Korchi, je n’ai trouvé personne dans la liste des participants». Réticence, incertitude… dans un monde des affaires qui n’en a cure !