11 février 2025

Entretien Avec Kamel Oumnia, Coordinateur du projet ‘IncubeMe’ «Nous sommes en train de fédérer des personnes, des idées et des moyens autour d’une saine émulation»

Quand nous avons reçu l’email pour la conférence de presse de ‘IncubMe’ avec cette dimension africaine, je me suis dit ‘très intéressant, il faut que j’y aille pour jeter un œil’. Il y aura environ deux milliards de personnes en Afrique d’ici 2040. C’est une opportunité pour une croissance exponentielle de la créativité, et une explosion de l’innovation entrepreneuriale pour le continent.
Début de la conférence de presse, Kamel Oumnia prend la parole et tout devient clair. Il avait un chemin et une histoire.
Je ne le connaissais pas. Je connais plus Karim, son frère et sa success story. Je l’ai approché et il m’a écouté. Nous nous sommes donné un rendez-vous. Deux jours après, je le revois dans une journée technique. Je lui rappelle notre rdv. Il acquiesce et me donne son numéro de téléphone.
Quelque temps après je le rappelle. On se rencontre à l’Hôtel El Djazair et j’entame cet entretien.

IT Mag: Je voudrais que vous vous présentez à nos lecteurs même si beaucoup vous connaît ou plutôt connaît vos sucess story et marques.
Kamel Oumnia: Merci pour votre question. J’ai une licence en droit avec un magister en criminologie ce qui m’a permis de pouvoir postuler pour être avocat. J’ai fait ma prestation de serment en 89. J’ai exercé plusieurs années, jusqu’à mon agrégation devant la cour suprême et le conseil d’Etat. Je suis venu à l’entreprise sous l’impulsion de Karim, mon frere, avec lequel nous avons monté notre aventure internationale avec Baliston. Présentement, je suis aussi le responsable légal de notre entreprise en France qui est spécialisée dans la chaussure connectée. Nous sommes leader dans le monde.
Mais avant d’en arriver là, j’ai fait mes armes en tant qu’avocat pour lequel j’ai effectué mon stage au cabinet de Maitre Amara avec Me Akli Bencheikh. Une école. J’ai tellement aimé que j’ai prolongé mon stage en deux ans. C’est là que j’ai appris les subtilités des textes où les mots sont déterminants. Mais pas que cela. En ce temps-là, une fois que vous êtes avocat stagiaire, nous devions faire au moins une quinzaine de visites de courtoisie aux avocats membres du conseil de l’ordre. Cette fonction de transmission n’existe plus. Je l’a déplore. A la fin de mon stage, j’ai ouvert un cabinet à Hydra avec un ami.
Aujourd’hui, Je me suis spécialisé dans la data, les IoT, l’intelligence artificielle, la crypto et les alternatives data. Tout cela me permet aujourd’hui de pouvoir suivre l’évolution de la technologie d’un point du point de vue du droit et faire face, même si pour certains domaines très pointus dans le cadre de nos compagnies Digitsole ou Zhortech nous faisons appel à des spécialistes.

Comment êtes-vous passé de responsable du légal dans une compagnie internationale à IncubMe.
Chaque année, mon frère et moi faisions un tour au CES aux États-Unis. Et à chaque fois nous voyons de nouveaux stands de pays comme le Maroc, la Tunisie ou le Sénégal qui présentent des startups et leurs produits ou services, mais point de stand d’Algérie. Alors depuis deux années, nous nous sommes posé, d’abord, la question de «pourquoi personne ne prend d’initiatives pour l’Algérie?». C’est Adel Amalou, un startuper, qui m’a suggéré l’idée de l’incubateur. Je lui avais répondu qu’en termes de business il y avait mieux. Adel a continué a m’en parler et nous avons décidé de constituer une équipe autour de ça. Le business modèle était mon vrai problème, j’ai commencé à y réfléchir très sérieusement. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai imaginé un business modèle cohérant que nous avons commencé a travailler sur différents aspects, communication, marketing , finances,….
Il fallait absolument que notre modèle soit innovant. Nous nous sommes engagés à réaliser un modèle qui soit aux normes mondiales et c’est exactement la même chose pour les startups qui y seront. De plus, ils devront délivrer quelque choses aux normes internationales, en produits ou en services. Je dis ça je ne veux même pas penser à la possibilité de réaliser de l’exportation pour nos startups, mais j’y pense très très fort et j’espère qu’on y arrivera.
Nous avons donc été au-delà de l’idée de départ, puisque en termes d’innovation, vous devez savoir qu’il n’existe nulle part ailleurs ce type de modèle pour un incubateur. Il faut savoir qu’un incubateur est un lieu de travail ouvert qui permet en bout de course de créer des entreprises fiables, viables et rentables.

Oui mais quel est le montant de votre investissement? Et allez vous créer un fonds d’investissement
Les aménagements et la mise en route devraient coûter entre 15 et 20 millions de dinars à cela s’ajoutera le fonctionnement sur une année qui sera autour de 50 millons de dinars. Nous ne créerons pas de fonds d’investissement. Ce n’est pas dans nos statuts. Par contre, dans un premier temps, nous allons travaillé à encourager les nouveaux types de financements et faire en sorte de rapprocher les startups des investisseurs sous nos hospices.

Vous ajouter la dimension Afrique alors que la perception est qu’il n’y a aucune attente de croissance dans tout type de développement technologique sur le continent africain. Pourtant, l’innovation est en train de se produire et des centres d’incubation d’entreprises surgissent partout sur le continent. Pourriez vous nous en dire un peu plus ?
Adel rentre de Paris où il a assisté à un salon en France. Selon ce qu’il m’a dit au téléphone, il a pu constater l’énergie et le dynamisme des startups en Afrique. Comme je le dis partout, l’Algérie s’est écarté du reste du monde, nous nous sommes isolés, non pas pour mieux revenir, mais plutôt pour être oubliés.
Personne ne parle de l’Algérie depuis la décennie du terrorisme. Pourtant, depuis, les choses ont bien évolué ; des réseaux se sont constitués, des liens, des partenariats. Il y a des échanges qui se font, des événements, des manifestations, qui peuvent nous enrichir d’expériences et de nouveautés, qui peuvent nous motiver et nous ouvrir les portes de la modernité et du développement sur le continent et dans le monde.
Nous devons absolument en être et c’est une de nos priorités. Les porteurs de projets africains résidents en Algérie sont éligibles à l’incubation au même titre que les algériens. Nous nous sommes déjà inscris dans des hubs technologiques, des réseaux d’incubateurs, d’entrepreneurs, pour prendre une place et participer activement au nom de l’Algérie au développement de l’entrepreneuriat dans notre pays et en Afrique parce que nous y sommes chez nous et nous y sommes légitime.

Est-ce aussi pour cela que IncubMe est avant tout une entreprise ? Et qui sont vos associés?
Oui. Il fallait absolument que l’incubateur soit une entreprise. C’est une startup aussi. (Rire). Nous sommes sept associés, tous algériens, cadres supérieurs et dirigeants d’entreprises internationales, deux sont basés à l’étranger.
Pour IncubMe, on y a réfléchi longuement et surtout on a fait une veille de ce qui se fait au plan mondial. On a opté pour la création d’une entreprise d’incubation qui va aider les porteurs de projet à réussir à mettre sur le marché leur produit ou service avec une création d’entreprise. Pour cela, on va prendre des startups qui nous intéressent et nous allons non seulement les coacher, mais aussi leur apprendre à gérer une entreprise, à travailler avec l’écosystème, mais aussi à savoir parler et expliquer son projet. Pour cela, nous allons mettre en place des masterclass qui expliqueront le management, le marketing, la comptabilité, mais aussi la gestion de la publicité ou la gestion de la ressource humaine. Je cite cela, mais il y a une multitude de thèmes que nous allons aborder avec nos startups. Tous les speakers des masterclass doivent être des pointures dans leur domaine.
Si je dois faire quelque chose alors je l’a fait bien. Comme je suis un passionné, je dois réussir et les startups qui sont dedans doivent aussi réussir.

Vous ne vous faites pas une grosse pression
Non. Si nous faisons quelque chose, cette chose doit être faite dans les règles de l’art. On y met du coeur et de l’intelligence. Il va de soi que pour arriver là, moi aussi j’ai fait des fautes. J’ai raté des entreprises et j’en ai réussi avec d’autres. Je veux faire de la transmission. Montrer comment éviter les erreurs. Donner de mon expérience d’entrepreneur. Je ne dois pas juste fournir de l’Internet, des espaces et des master class à nos startups. Je veux transmettre pour faire gagner du temps, de l’effort et être pertinent.

Noble décision. Vous rejoignez Jack Ma, le patron d’Ali Baba qui dit qu’à partir d’un certain âge, on doit transmettre ce que nous avons appris. Comment voyez-vous IncubMe. Avec quel concept?
Au cours de la préparation du business modèle d’IncubMe, nous avons vu et rencontré des génies qui ont été découragés parce qu’il n’arrivait pas à monter leur projet alors il abandonne son idée et pour gagner sa vie, il entre dans une administration ou une entreprise pour devenir salarié. Nous voudrions éviter cela et offrir une chance à toute startup qui désire aller loin.
Il y a un manque d’initiatives dans ce sens de la part des entrepreneurs. Il faut former sans arrêts que ce soit au sein de son entreprise ou à l’extérieur. Je suis content d’apprendre que des chefs d’entreprises vont dans des écoles comme l’ESI ou HEC pour rencontrer les élèves. J’y suis d’ailleurs déjà convié pour «transmettre » et j’en suis content.
Notre équipe et moi voyons les choses en plus organisé et plus pérenne donc nous avons pensé au format entreprise pour former et «produire des entreprises», c’est un peu ça l’idée.

Nous reviendrons sur le concept d’IncubMe mais comme vous parlez des startups, comment allez-vous les choisir. Est ce le projet ou est les hommes et les femmes qui portent les projets ?
Le projet est la première des choses que nous regarderons, mais on peut se tromper et passer à côté d’une opportunité. Si le projet est intéressant, je me focalise sur ceux qui le portent. Est-ce qu’ils sont convaincus de leur projet ? Est-ce qu’ils veulent réellement le porter jusqu’à le faire aboutir ? En bref, ,j’ai envie de travailler avec ceux qui ont faim. Je veux leur donner la chance de leur vie en leur disant qu’il faut être courageux et patient, car un projet peut planter pour manque de clientèle ou ce n’est pas le moment ou pour d’autres choses.
Dans notre business plan, nous savons qu’il y a un risque de déperdition de plus de 50%. Je suis un homme de l’entreprise et j’ai planté des entreprises et j’en ai fait grandir d’autres. Je connais. IncubeMe est un Incubateur avec un chef d’entreprise aux commandes.

Donc pour vous l’apprentissage est important
Oui mais il faut aller plus loin Pour moi, ça s’appellera du coaching ou de l’accompagnement. Parce qu’il sera individualisé. Bien sûr il y a un accompagnement collectif qui s’adresse à toutes les startups pour que les porteurs de projets puissent comprendre les différentes strates communes de l’entreprise. Mais il y a des situations spécifiques comme les aspects techniques, marketing, de réseaux,…. Et c’est là que l’on devra faire la différence.
De plus, nous allons créer une saine concurrence entre les startups, mais aussi un échange entre eux. Nous allons organiser tout le temps des standups de startups où ils vont expliquer à tout le monde où ils en sont. Que font-ils ? Où veulent-ils aller ? C’est d’abord une façon de communiquer entre eux, mais aussi c’est un apprentissage pour pouvoir parler devant une assistance. Expliquer ce que l’on veut, car un chef d’entreprise doit être aussi un communicant. Leur donner de l’assurance. Je parle de psychologie. Eh bien oui, IncubeMe fera aussi de la psychologie, car un porteur de projet peut être un génie dans le codage, mais il est timide ou même timoré. Comment alors fera-t-il pour expliquer son projet ? Pour le défendre ? Pour faire un tour de table ? C’est un apprentissage et la psychologie c’est important à ce stade.

Mais alors vous ne faites pas que de l’incubation
Rire. L’Incubation c’est sélectionner le bon projet avec les bonnes personnes et leur donner des outils pour aller plus loin encore. Pour revenir à notre concept. Je résume. Notre concept est de type WWW. Win.Win.Win ou 3G. C’est-à-dire la startup gagne, l’incubateur gagne et le partenaire gagne.
Et pour cela nous nous entourons de partenaires et de contributeurs qui constituerons notre écosystème privé. Nous y aurons des experts dans toutes les sphères de l’entreprise, de l’intérieur à l’extérieur, du local à l’international.
Mais pas que cela. L’entreprise du XXIè siècle a besoin d’une image sociale. IncubMe leur donne cette image très positive qu’aucun spot publicitaire ne pourra jamais égaler.
Ils contribuent à la création d’entreprises et a aider des jeunes a réaliser leur rêve et grandir, briller,…réussir.
C’est une dimension humaine et sociale sans pareil et déjà certaines sont très motivées pour peu qu’elles s’assurent que notre démarche est vraiment professionnelle et sérieuse.

Votre réflexion sur le sujet a été très fine. Pourriez-vous nous parler des partenariats que vous allez nouer.
Effectivement, un incubateur sans partenaires académiques, scientifiques, économiques sera toujours insuffisant. Je m’explique. L’incubateur est la pièce maitresse dans le dispositif et les entreprises sont le fer-de-lance. Si je résume, nous avons deux grands types de partenariats. Un partenariat académique et un partenariat institutionnel. Et en plus des contributeurs.
Pour ce qui est des partenariats académique, nous sommes déjà en train de le mettre en place avec l’ESI, HEC, l’université de Glouchestershire, le Boston consulting group et d’autres écoles et instituts, ceci pour favoriser l’apport en savoir. Il y aura aussi des partenaires qui parleront de design thinking, stratégie, banque, de fiscalité, de management, de comptabilité, ressources humaines,…
Aussi de l’expertise dans les domaines techniques, TIC, mécanique, chimie, agriculture,…
Le partenariat institutionnel quant à lui touchera la partie financière et de réseau ; Ce sont des entités comme la banque mondiale, la BAD, Alger SmartCity, les wilayas, l’ONU, UIT,… qui nous permettent d’avoir une visibilité internationale et de bénéficier des avantages que ces institutions accordent à l’entrepreneuriat.
Pour cela nous sommes très contents d’avoir à nos côtés Oxford Business Group, qui est un soutien précieux et de la première heure. Il nous oriente, nous conseille et nous ouvre son réseau d’entreprises en Algérie, en Afrique et dans le monde.
Pourquoi nous tenons à nous entourer de partenaires? Parce que chacun apporte quelque chose; du savoir, de l’expertise, de l’expérience, du réseau ou tout simplement du financement. Nous leur offrons de la visibilité et une image sociale d’exception. Le groupe EPSILON, nous apporte de l’expertise et un réseau mondial à travers la notoriété de Karim Oumnia, les laboratoires Frater Razes grâce à monsieur Embarek Cherfaoui, apportent du financement et une solide connaissance du marché algérien. Ceux là sont ceux de la première heure, et bien d’autres veulent aussi participer à cette grand messe de l’entrepreneuriat en Algérie.
Avec les entreprises, nous avons pensé à un autre type de collaboration, nous leur offrons de la visibilité et surtout de l’image en contrepartie de quoi nous recevons des contributions et de l’expertise via des ateliers, des talks et la présence dans l’incubateur de chefs charismatiques, inspirants et motivants. Les contributeurs ont aussi accès directement à notre portefeuille startups qui leur ouvre le droit à la présence aux tours de table que nous organiserons à l’occasions de levées de fonds et ouvertures de capital de nos startups qui recherchent du financement.
Nous ne faisons aucune différence entre les entreprises publiques et privées, seuls leurs statuts respectifs limite l’accès aux services et avantages que nous offrons.
Toutes les entreprises contributrices peuvent faire des demandes de développements spécifiques à nos startups spécialisées dans le même domaine d’activité. Cela ouvre la possibilité aux startups de s’ouvrir des marchés et de commencer à se constituer un portefeuille clients.

Votre premier centre, nous a-t-on dit se trouve à Bouchaoui. Est-il pret? Et à quelle date allez vous commencer ?
Effectivement, notre premier centre sera à Bouchaoui et nous entamerons les travaux dans quelques jours. Nous comptons être opérationnels à la rentrée en Septembre 2018.

Avez-vous déjà des startups dans les starting blocks ?
Figurez-vous, que ça n’arrête pas. Les gens sont impatients de tenter leur chance et je suis sûr qu’il y aura de belles surprises.

Beaucoup de travail vous attend. Que dites-vous pour terminer cet entretien
Effectivement c’est beaucoup de travail, et cela va nous prendre beaucoup de temps. Mais c’est aussi un challenge très excitant avec à la clé la satisfaction d’avoir réalisé une bonne œuvre sociale et entrepreneuriale. Nous allons faire tout cela étape par étape. Pour le moment, nous terminons le premier incubateur de Bouchaoui et lançons l’appel à candidature, puis sélection et installation des startups. Ce qu’il faut savoir c’est que nous sommes une équipe et nous échangeons sur tous les points que nous rencontrons. La richesse est dans les différentes expériences, les réseaux et le vécu de chacun. Nous sommes en train de fédérer des personnes, des idées et des moyens autour d’une saine émulation dont je coordonne les actions. Cette émulation, elle émane d’une entreprise qui croit fort dans son triptyque 3G ou WWW. Dans la boucle tout le monde est là pour gagner quelque chose et je le dis, c’est celle là la saine émulation et la bonne motivation. Nous ne devons plus avoir honte ou se taire lorsque en tant qu’entrepreneur on dit qu’on travaille pour gagner de l’argent. L’important c’est de gagner et faire gagner. La honte serait de gagner de l’argent en profitant des autres, de l’Etat, des partenaires ou le faire au détriment d’autres personnes. Dans notre pays, l’Etat a beaucoup investit dans les infrastructures, l’enseignement, la formation et l’éducation. On ne peut pas attendre de lui encore de prendre en charge ce type d’actions. C’est le rôle des entrepreneurs qui ont de l’expérience et de la pédagogie de le faire, par devoir et envie de transmission intergénérationnel. J’y crois très fort et j’espère que nous trouverons des oreilles attentives pour comprendre ce concept et nous encourager pour le bien de tous .

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