23 mars 2025

Entretien avec Zine Seghier, CEO de Issal «Notre datacenter peut traiter jusqu’à 40GB de bande passante Internet et près de 500.000 connexions simultanées »

Le PDG de Issal, passionné mais aussi éloquent, a bien voulu nous accorder un entretien après plusieurs rencontres. Il nous dit tout de Issal, son entreprise, de sa stratégie et sa vision. Écoutons-le.

IT Mag: Bonjour,
Vous avez investi dans la création d’un Data- Center où tout le monde veut se faire héberger à l’étranger. Pourquoi car au départ, et c’est un peu ce que vous m’avez dit lors de notre première rencontre, vous saviez que ce sera très difficile. Pouvez-vous nous éclairer et nous en dire plus sur votre aventure qui a donné lieu à la naissance de Issal.
zineZine Seghier: Ça a été effectivement long et difficile et nous avons beaucoup investi pour doter Issal d’un Data-Center aux normes internationales. Notre Data-Centre est basés sur les plateformes VBlock de VCE et nous avons été les premiers à avoir implanté ce type de plateforme dans notre pays. Nous disposons de plus de 4000 GHz de puissance et de près de 200TB de stockage… and counting. Notre routeur Edge peut traiter jusqu’à 40GB de bande passante Internet et près de ½ million de connexions simultanées. Nous avions dimensionné notre Data-Centre pour répondre à deux projets : L’accès à Internet et les services Cloud.

Nous parlerons plus tard de l’accès. Quels sont les services Cloud que vous proposez concrètement ? C’est-à-dire ceux qui tournent et non pas ceux que vous allez faire dans l’avenir. Je m’explique. Je voudrais savoir concrètement ce que vous proposez aujourd’hui.
Nous avons deux services pour le moment qui sont la location de la puissance informatique pure (IaaS) et la protection de données et reprise d’activité après désastre pour les entreprises. Ce service est unique en Algérie et nous le proposons en SaaS (DRaaS) à partir de notre plateforme et non pas à partir d’un Cloud public à l’étranger via Internet. Nous le proposons également en format cloud privé pour les entreprises ou institutions qui sont soumises à des réglementations les obligeant à garder leurs données dans leur environnement. Enfin, nous le proposons en format cloud hybride pour une plus grande résilience et offrons un site de repli pour démarrer leur processus à distance en cas de crash.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la partie protection de données qui est en effet très importante pour une entreprise qui veut aller sur le Cloud
Dans un monde de plus en plus numérisé, les entreprises et institutions sont fragiles face à un crash informatique. Protéger un fichier en procédant à un backup classique quotidien n’est plus suffisant. De plus, un backup ne garantit pas l’intégrité de la donnée copiée, ni ne protège le reste de la chaîne à savoir, les BDD, applications critiques comme les ERP, applications métiers, systèmes d’exploitation ou un crash physique des serveurs. Une entreprise, qui dépend de son informatique et qui ne la protège pas correctement, risque simplement de disparaître en cas d’accident. Un désastre, ce n’est pas l’arrêt du système, c’est l’impossibilité de le redémarrer en temps et en heure…lorsqu’on peut le redémarrer.

Est-ce que nos entreprises et institutions sont conscientes que protéger leurs données est essentiel à leur activité sinon à leur survie ?
Nombre d’entreprises prennent conscience de l’importance de leurs données et de la fragilité de leur processus. 80% des accidents qui arrivent ne sont pas le fait des attaques extérieures mais de fautes ou négligences intérieures. Une simple clé USB malencontreusement introduite dans une machine connectée au réseau de l’entreprise peut faire des dégâts énormes lorsqu’ils ne sont pas irrémédiables. Le problème est que lorsque c’est l’application ou le système d’exploitation qui sont touchés, les remises en route…prennent énormément de temps et peuvent coûter très cher à l’entreprise. Des fois, sa survie même s’en trouve engagée. Un ERP et ses bases de données détruites, c’est l’ensemble de la chaîne de productivité qui est à l’arrêt.

On s’éloigne un peu de notre sujet, qui sont les investisseurs sur les Data-Center, néanmoins c’est très intéressant ce que vous dites. Alors dites-nous comment Issal adresse-t-il ce problème ?
Comme je l’ai dit précédemment, une simple solution de backup ne suffit plus. ISSAL met en place une solution de protection complète et pour l’ensemble de l’environnement informatique, logiciel et équipement. Notre solution vient avec un contrat de niveaux de services (SLA) complet et qui n’a rien à envier aux providers Cloud dans le monde. Nous procédons à des crash-test périodiques qui simulent de vrais accidents. Nous pouvons faire ça, parce-que nous avons le Data-Centre adéquat.

Mais il y a aujourd’hui des services de protection de données disponibles sur le web, qu’est-ce qui vous différencie ? Ou plus prosaïquement, pourquoi une entreprise va vous choisir ?
La différence est fondamentale ! ISSAL a un Data-Centre implanté en Algérie et connecté sur le RMS d’Algérie Telecom. Une entreprise qui protège ses données via notre Cloud, est connectée directement chez nous via une liaison sécurisée et privée. Nous ne dépendons pas de la connexion internationale à Internet. Lors de la coupure récente du câble sous-marin (SWM4) par exemple et pour rester dans l’actualité, nos services ne se sont pas arrêtés. Si vous aviez un provider à l’étranger vous auriez été simplement déconnecté et donc absent. Imaginez qu’un crash vous soit arrivé à ce moment-là. C’est important de le souligner, car la protection de données pour les entreprises et organisations via Internet et sur des serveurs à l’étranger peut être dangereuse très vite !

Avec qui travaillez-vous dans ce domaine ?
ISSAL est le Managed Service Provider (MSP) exclusif pour la région MENA de ASIGRA qui est le fournisseur de solutions de protection et reprise après désastre par excellence. Il s’agit de la solution qui protège des entreprises de renom, comme VW Audi, Telecom Italia, Cisco, VMWare, Intel, Oracle ou Sales Force pour n’en citer que quelques-unes. Le choix de ce partenariat répond à une exigence essentielle, à savoir la solution la plus sécurisée et celle qui nécessite le moins d’intervention humaine. À cela ajoutez la plus haute certification en termes de sécurité de l’industrie. ISSAL offre également un site de repli sécurisé et nos clients sont les seuls à accéder à leurs données. Nous garantissons le fonctionnement continu du système et monitorons leur environnement pour être sûr que tout fonctionne tout en leur garantissant une sécurisation extrême et une non-intrusion dans leurs données sauvegardées. Voici l’exemple même d’une utilisation précise de notre Data-Centre.Nous pouvons ainsi protéger les données des PME qui n’ont pas une IT très sophistiquée à partir de notre Cloud, comme nous pouvons protéger des entreprises et institutions disposant d’une infrastructure complexe et critique en leur construisant un Cloud sur mesure. Enfin, ces services s’étendront et seront étoffés dans un avenir proche.

Merci pour toutes ces explications même si vous avez fait un peu de pub pour des compagnies internationales. Ma question est simple, pourquoi vous choisissez Oran et pas Alger.
Pour différentes raisons. D’abord il nous semblait normal qu’il y ait une distribution régionale plus juste, des projets IT en Algérie. L’Algérie ne se limite pas uniquement à la capitale, à Alger où tout est concentré ou seulement au sein de son cyberparc. Oran, grande ville de l’Ouest, bénéficie de toutes les infrastructures nécessaires et c’est une région dynamique avec un tissu économique en pleine expansion. De plus, comme nos clients sont justement basés dans la capitale, il est plus intéressant pour eux d’avoir certains services délocalisés physiquement ailleurs. Dans une autre région.

Je suis totalement d’accord avec vous sur ce point. Continuons, nous avons compris que Issal propose du Cloud. Offrez-vous d’autres services Cloud?
Nous offrons également de la puissance informatique pure sous forme de IaaS. Les clients peuvent louer de l’infrastructure pour leurs applications. Nous avons des clients prestigieux qui utilisent notre infrastructure pour outsourcer leurs applications. Il est dommage que les coûts de la bande passante Internet restent prohibitifs pour le hosting de site web. Ces coûts sont simplement insupportables dans l’état actuel des choses. Il faut que l’ARPT et le ministère des PTIC revoit cela pour permettre l’émergence d’entreprise algérienne dans le domaine des services Internet à valeur ajoutée. Si les tarifs d’Algérie Télécom étaient plus bas, Issal serait l’hébergeur des hébergeurs. Aujourd’hui, ces derniers louent des serveurs au black chez OVH et ailleurs pour leurs besoins de hosting. Nous avons l’infrastructure pour le faire, mais nous avons décidé de ne pas offrir ces services actuellement parce que les coûts des liens ne nous permettent pas d’être compétitif avec les gros fournisseurs étrangers. Nous ne maîtrisons pas cette partie et sommes totalement dépendants et vulnérables en face de l’opérateur historique.
Heureusement que nous utilisons notre infrastructure pour d’autres applications qui ne nécessitent pas une liaison up systématique. C’est notre infra qui a, par exemple, exécuté le «rendering» de la Renault Symbol fabriquée à Oran. Le studio chargé de la réalisation avait besoin d’une grosse puissance pour pouvoir tenir ses délais et nous l’avons aidé à tout livrer dans les temps.
Par ailleurs, nous sommes le partenaire entreprise certifié de Google pour la suite Google Apps for work que nous proposons aux entreprises directement et à travers un partenaire local prestigieux. Convaincre Google de s’ouvrir à notre marché n’était pas gagné d’avance et il a fallu beaucoup d’arguments et de persuasion. Nous y sommes arrivés et nous avons déjà commercialisé quelques milliers de licences Google Apps dans le pays.

Pour aboutir à cela, il faut de la ressource humaine et bien formée. Comment avez-vous fait pour créer une équipe comme la vôtre ?
Trouver de bons ingénieurs est très difficile, trouver des bons ingénieurs motivés et indépendants l’est encore plus. Mais nous avons fait le pari que l’Algérie recèle des talents qui ne demandent qu’à s’exprimer et nous avons quelques profils assez particuliers qui collaborent avec Issal. Afin de pallier à la carence de l’expertise, nous favorisons une automatisation poussée de nos processus. Mais nous cherchons toujours des personnes un peu «particulières» qui sont créatives et autonomes. Nous ne sommes pas intéressés par les diplômes mais plus par l’intelligence et le savoir-faire. On est un peu particuliers chez Issal et nous réfléchissons différemment.

C’est cette différence qui vous a permis d’investir à Oran qui possède un très grand vivier d’ingénieurs avec l’USTO.
Il n’y a pas que l’USTO, il y a également l’INTTIC. Mais comme je vous l’ai dit, nous ne jugeons pas par les diplômes, nous sommes intéressés par les personnes vives d’esprit, créatives et indépendantes. Nous ne recherchons pas des personnes expérimentées forcément. Nous donnons leur chances à ceux et celles qui veulent démarrer une carrière dans un environnement différent.

Si vous le permettez, je reviens à l’accès. Avez-vous abandonné ou gelé l’accès pour le moment
(Rire). Nous ne l’avons pas totalement abandonné et nous pensons y revenir à un moment ou un autre et certainement sous une autre forme. Nous avons été obligés de mettre au placard le projet d’accès parce que nous n’avons malheureusement jamais pu faire aboutir les discussions avec l’opérateur historique. La bureaucratie et la lourdeur des procédures ont eu raison de nous et nous avons perdu beaucoup de temps et d’argent. C’est dommage et triste.
Aujourd’hui nous nous concentrons exclusivement sur nos services Cloud. Mais nous avons des idées pour l’accès, nous les mettrons en œuvre en temps opportun…

Avec votre choix d’aller vers l’entreprise, choix judicieux au demeurant, je dirais même vers une niche de la demande de l’entreprise, ce qui sous-entend que vous touchez très peu d’entreprise, comment, alors, vivez-vous et comment faites-vous pour maintenir vos investissements.
Le marché de l’entreprise est énorme. Notre économie dépend de la compétitivité de nos PME en premier lieu et de nos grands groupes en second lieu. Pourquoi je parle de PME? Parce que c’est là qu’on créera les champions de demain. Or les entreprises, aujourd’hui, ne peuvent pas être compétitives si elles ne sont pas informatisées et connectées. Nombre de PME voudraient avoir des solutions analogues aux grands groupes. Seulement elles n’ont pas les moyens d’acquérir une IT aussi sophistiquée que ces derniers, ni les ressources humaines pour la faire fonctionner. Le cloud est la solution. Elles peuvent avoir accès à des solutions économiques et puissantes sans gros investissements et rester très compétitives. C’est vers ces marchés que nous tendons.
Aujourd’hui nous avons des clients prestigieux comme Djezzy, NCA-Rouiba, LaBelle , Sinal, N’Gaous, Fertial, CDIS, AOA, Benamor, Condor, Socop, Ennahar, Allegorie… et plein d’autres noms et je m’excuse auprès de ceux que je n’ai pas nommé. Nos clients vont de la toute petite PME à la grande entreprise et toutes bénéficient du même service peu importe leur taille. Nous avons toutefois besoin de grandir et de procéder à plus d’investissements, mais nous gérons nos dépenses selon nos coûts et ils ne sont pas négligeables. Nous avons créé un service qui nécessite de gros investissements et nous avons consenti à les faire. Nous avons un savoir-faire unique et un service concret.
Nous ne palabrons pas dans ce qu’il y a à faire dans le numérique. Nous le faisons et nous traçons notre sillon. Et pour paraphraser un président américain décédé…nous ne nous demandons pas ce que notre pays pourra faire pour nous. Nous nous demandons ce que nous pouvons faire pour lui. C’est la nôtre, cette mission !

equipe issal

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