C’est désormais possible, partout, même à Sidi Mhamed Ben Aouda ou à Aïn Echrob Wahrob ! Vous entrez, vous dites « essalamou âlaïkoum » et vous demandez les mémoires du président Chadli Bendjédid. Le libraire se connecte à une base de données, par exemple, On Demand Books, et télécharge le texte. Vous avez à peine le temps de siroter un café ou un « noss noss » et votre EBM, l’Espresso Book Machine, tout chaud, aux feuilles bien serrées, vous est servi, avec le sourire, des remerciements et des « Yarham waldik, ya khô » en prime ! Toute l’opération dure à peine quelques minutes : l’EBM imprime le livre en noir et blanc pour le texte et en couleurs, avec photo si vous le voulez, pour la couverture. Il colle la reliure, et le recrache dans une corbeille. Vous payez et vous repartez avec le livre. Un vrai livre qui sent l’encre et la cellulose, que vous pourrez lire sans liseuse électronique, sans connexion Internet, sans vous abimez les yeux. Que vous pourrez prêtez à vos amis, mettre dans votre bibliothèque ou offrir en cadeau. L’Espresso Book Machine, c’est 70 000 euros pour le prix et à peine un peu plus de 2 mètres carrés au sol dans votre garage. Comme pour les ordinateurs IBM, l’EBM est née aux Etats-Unis, à New York précisément, en 2007, année de son sacre comme invention de l’année, d’après le Time Magazine. Et, comme toutes les inventions révolutionnaires, il lui a fallu du temps pour imprimer les esprits et conquérir les territoires, à défaut de vastes marchés. Il y en aurait aujourd’hui une trentaine aux Etats Unis, une seule en Afrique, sur la grosse soixantaine à travers le monde. Pour l’instant, ce n’est pas encore le nirvana éditorial, car tous les éditeurs n’ont pas cédé les droits sur leurs catalogues. Mais qu’à cela ne tienne, il y a le magique « Hadj Mohamed Google » et son providentiel fonds de livres épuisés, mais qui constitue un trésor imprimé finalement inépuisable. Là où il est installé, l’EBM a un nom, comme le veut la coutume : Gutenberg, Opus, Homer… en Algérie, vous pourrez même le baptiser Alilou. Génial, rapide et efficace, sa maintenance n’est cependant pas simple, mais Xeros, son inventeur, travaille à faire en sorte que le libraire-éditeur-express, s’en sorte tout seul. Chez On Demand Book on affirme à son sujet : « Ce que la presse de Gutenberg a fait pour l’Europe au XVe siècle, la numérisation et l’Espresso Book le feront pour le monde de demain. » Sauf que l’imprimerie de l’Allemand Gutenberg s’est répandue alors à la vitesse de la lumière, au point que des villes comme Venise ou Paris ont été saturées d’imprimeurs deux ou trois décennies à peine après son invention. C’est que le prix de l’EBM et le temps de fabrication, même assez rapide, lui interdisent pour l’instant ce succès fulgurant. Un site américain a calculé qu’un imprimeur d’EBM en imprimant un livre par heure, qui est une base de calcul théorique, un libraire mettrait plus de dix années pour rentrer dans ses fonds. Pour que le prix baisse, il faudrait améliorer les technologies que la machine utilise, de manière à ce que plus de gens l’achètent. Pour l’instant, elle connait un succès d’estime et n’arrive pas à concurrencer le livre qui sort des grosses presses d’édition ou même les liseuses électroniques, malgré leur prix, plus élevé. Mais qu’à cela ne tienne, l’Espresso Book a une seconde vocation, celle de faire de vous votre propre éditeur. Il court-circuite les éditeurs classiques. Vous êtes un auteur en herbe, vous avez recueilli les mémoires de Kader Japoni ou vous avez réalisé la traduction des Précis de Bokhari ou de Muslim. Personne ne veut vous publier en Algérie et à l’étranger ça n’intéresse personne ou ça vous coûtera trop cher. Vous copiez alors votre opus magnum sur une clé USB, vous allez voir votre EBM de Bab Ezzouar ou de Said Hamdine ; et hop, vous l’imprimez, vous le brochez ou le reliez, le temps de lire une chronique ou un article dans ItMag. Votre maman ou bien votre copine seraient finalement fières de vous. A l’étranger, l’EBM est même un concurrent direct d’un site comme lulu.com qui fait la même chose : vous faites la mise en page et la couverture, choisissez votre format, votre reliure, la qualité et le grammage de votre papier, envoyez en ligne les fichiers du texte et de la couverture, et le site vous prépare votre livre. Vous fixez vous-même le prix, incluez le numéro d’ISBN, et voilà, vous être vous-même votre propre éditeur ! Et vous pouvez commander autant d’exemplaires que vous voulez offrir ou vendre. Mais ce que fait Lulu EBM vous l’offre en express. A la différence que Lulu assure la vente et son suivi. D’autres sites offrent des services analogues d’impression à la demande, tels thebookedition.com, ondemandbooks.com qui a conçu l’EBM de Xeros. Ils vous mènent par la même occasion à Google Books, Lithning Source, Open Content Alliance ou EspressNet. Ce qui vous permet de trouver votre bonheur livresque dans un fonds de plus de 3,5 millions de titres, dans différentes langues. Mais, avec l’EBM, les choses sont encore plus simples. Vous allez à l’Espresso Book du coin ou vous l’installez vous-même en bas de chez vous, devenant ainsi auteur-éditeur libraire. Comme vous le voyez, férus de littérature et amateurs d’arabicas que vous êtes, amis des TIC, avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, vous êtes toujours dans la caverne d’Ali Baba ou plutôt dans un concours Lépine grandeur nature : jamais à court de surprise ou d’émerveillement ! Alors, cette semaine où c’est encore Net @vec vous, vous constaterez que le livre, telle une bactérie mutante, qui apprend à résister aux antibiotiques, mue, transmue, s’adapte et retrouve une seconde jeunesse malgré la concurrence envahissante des liseuses électroniques et des tablettes. La vie en TIC, de surcroît avec un EBM, bien chaud, bien serré, riche en mots crémeux, et c’est votre bonheur en reliure !