9 juillet 2025

L’IA, nouvelle entité géopolitique <br> De l’usine à la souveraineté

Cette stratégie, incarnée par le partenariat d’accélération de l’IA de 600 milliards de dollars de Trump et des projets comme Stargate, marque un alignement croissant entre intérêts commerciaux et politiques nationales. Le paysage de l’IA est en pleine mutation et la compétition s’intensifie également dans la vidéo générative, tandis que les évolutions géopolitiques transforment la notion de souveraineté en une dimension informatique, où la maîtrise de l’infrastructure et des données devient primordiale.

Le concept d’« usine à l’IA » est devenu la métaphore centrale d’une nouvelle course géopolitique et économique, où les infrastructures d’IA sont considérées comme des éléments stratégiques de construction nationale, au-delà de leur simple fonction technique. Cette réorientation est portée par la Silicon Valley et les décideurs politiques américains, avec Jensen Huang de NVIDIA comme figure de proue, affirmant que les centres de données sont désormais des « usines à IA ».
Ce changement de paradigme vise à relocaliser la production d’IA, à l’image de la démondialisation des années 90 pour d’autres industries, et s’aligne sur une politique industrielle nationaliste. Le partenariat d’accélération de l’IA de 600 milliards de dollars de Trump en est un exemple concret, avec des projets d’envergure comme le centre de données Stargate au Texas.

Dynamiques concurrentielles des laboratoires d’IA
Le paysage de l’IA est marqué par des évolutions contrastées des principaux acteurs. Tandis que Meta semble stagner avec des défis internes autour de son modèle, Anthropic connaît une forte croissance. En effet, Anthropic a signé des accords majeurs avec Apple et Amazon, et a lancé Claude 4 (notamment Claude Opus 4), un modèle très performant qui surpasse ses concurrents sur des benchmarks et excelle en raisonnement hybride et en mémoire à long terme.
Cette dynamique contraste fortement avec les tensions récentes autour de l’acquisition de Windsurf par OpenAI. Bien qu’OpenAI domine le marché des abonnements professionnels, capturant 81 % des entreprises américaines selon les données de Ramp, la question de l’intégration et du développement de modèles d’IA propriétaires reste une préoccupation centrale pour de nombreuses entreprises.

Réorientation militaire et multimodalité
Une transformation majeure est en cours avec la réorientation militaire de Meta. L’entreprise collabore désormais avec Anduril, une société de technologie de défense réputée pour ses systèmes autonomes et ses solutions de sécurité, dirigée par Palmer Luckey, le fondateur d’Oculus. Ensemble, ils développent du matériel et des logiciels de réalité étendue pour l’armée américaine, dont le casque de réalité augmentée (RA) EagleEye. Cette alliance marque une normalisation de l’intégration des géants de la technologie dans la défense nationale, levant ainsi un tabou historique concernant l’implication ouverte des Big Tech dans les affaires militaires.

Parallèlement, la compétition dans la vidéo générative s’intensifie. Google a lancé Veo 3, capable d’ajouter des bandes sonores aux vidéos générées avec une fidélité cinématographique impressionnante. Des startups comme Lightricks et Odyssey innovent également, cette dernière proposant des expériences vidéo génératives interactives en temps réel, permettant d’explorer des mondes virtuels.

Évolutions techniques et géopolitiques
La recherche en IA continue de progresser avec des initiatives comme le modèle R1 de DeepSeek, combinant des corpus chinois avec des bases Qwen3. Google a également lancé Gemma 3B et MedGemma (pour la santé), ainsi que Gemma Diffusion, une approche open source qui utilise la diffusion pour la génération de texte, offrant une alternative plus rapide et autocorrective aux méthodes autorégressives.

Sur le plan géopolitique, les contrôles à l’exportation évoluent vers une traçabilité et des régimes de licences pour les semi-conducteurs et les modèles avancés. NVIDIA, avec son programme NVLink Fusion, permet une modularisation de sa pile technologique pour s’adapter aux besoins spécifiques des États-nations et des entreprises, au-delà des grandes entreprises technologiques.
La notion de souveraineté s’étend désormais à la possession de l’infrastructure, des corpus d’entraînement et des politiques régissant l’utilisation de l’IA, définissant une nouvelle forme de souveraineté non plus territoriale, mais informatique. La métaphore de l’« usine à l’IA », bien que techniquement imparfaite, s’avère un puissant levier politique pour façonner l’avenir de l’IA.

En somme, l’IA est en train de redéfinir les stratégies industrielles et géopolitiques, avec des avancées technologiques rapides et une intégration croissante dans les sphères étatiques et militaires. Quels seront les prochains domaines transformés par cette vision de l’IA comme infrastructure nationale ?

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