Accusé de pratiques anticoncurrentielles, Google pourrait être contraint de céder son navigateur Chrome et de revoir l’utilisation d’Android, marquant un tournant dans la régulation des géants technologiques.
Le 21 novembre, le gouvernement américain a officiellement demandé à la justice d’ordonner à Google de se séparer de son navigateur Chrome, une mesure qui, si adoptée, représenterait une sanction historique pour le géant technologique déjà accusé de pratiques anticoncurrentielles.
Cette demande marque un tournant dans l’approche des autorités américaines envers les grandes entreprises technologiques. Jusqu’à présent, ces dernières ont bénéficié d’une relative indulgence depuis l’échec du démantèlement de Microsoft dans les années 2000. Les intentions du futur gouvernement de Donald Trump sur ce dossier restent floues, mais cette initiative reflète une volonté croissante de réexaminer la domination des grandes entreprises de la tech.
Dans un document soumis au tribunal, le ministère de la Justice exige une scission des activités de Google, filiale du groupe Alphabet. Cela inclurait l’interdiction pour Google de conclure des accords avec des constructeurs de smartphones pour imposer son moteur de recherche par défaut. Les autorités veulent également empêcher Google d’utiliser son système d’exploitation Android comme levier pour promouvoir ses autres produits. En cas de non-conformité, elles vont jusqu’à envisager de forcer Google à céder Android.
Cette action judiciaire fait suite à une décision rendue l’été dernier par le juge fédéral Amit Mehta, à Washington, qui a reconnu Google coupable de pratiques illégales visant à établir et à maintenir son monopole dans la recherche en ligne.
Kent Walker, président des affaires mondiales chez Google, a dénoncé ces propositions, accusant les autorités de poursuivre un « programme interventionniste radical ». Cette affaire souligne les tensions croissantes entre les régulateurs et les grandes entreprises technologiques, alors que la concurrence et l’innovation sont au cœur des préoccupations du XXIé siecle.
Quoi qu’il en soit, Google a un long combat devant lui, et il se pourrait qu’il ne sorte pas de cette bataille juridique en un seul morceau.
Comment Google est devenu un mastodonte
Google, leader mondial de la recherche en ligne, fait face à des accusations d’abus de position dominante, une situation où une entreprise utilise sa puissance pour limiter la concurrence. Au cœur de son succès se trouve un cercle vertueux : un phénomène économique où chaque avantage alimente un autre. Dans le cas de Google, il propose les meilleurs résultats, ce qui attire davantage d’utilisateurs. Cette popularité lui génère des revenus publicitaires massifs, qu’il réinvestit dans ses technologies, renforçant encore la qualité de ses résultats.
Cette domination repose sur l’analyse des signaux utilisateur, des données comportementales comme les clics sur des liens, les modifications de requêtes ou les recherches connexes. Ces signaux permettent à Google d’affiner en continu ses algorithmes pour offrir des résultats toujours plus pertinents. De plus, la société s’appuie sur une infrastructure gigantesque et coûteuse, capable d’indexer et d’analyser des milliards de pages Web. Pour donner une idée de l’ampleur, Apple a estimé qu’il lui faudrait 6 milliards de dollars par an pour concurrencer Google, en plus des investissements déjà nécessaires pour maintenir une infrastructure comparable.
Malgré ces barrières, des entreprises comme Microsoft tentent de rivaliser. Avec Bing, Microsoft a investi près de 100 milliards de dollars pour se faire une place sur ce marché. Cependant, Bing détient seulement 5 % du trafic de recherche américain. Cela s’explique par l’incapacité de Bing à briser le cercle vertueux de Google. Avec moins d’utilisateurs, Bing génère moins de données pour améliorer ses résultats, et ses revenus par requête restent inférieurs. Cet écart illustre un monopole naturel, un concept économique où une entreprise domine un marché en raison d’avantages structurels difficilement réplicables, comme des économies d’échelle ou une infrastructure exclusive.
Google domine le marché grâce à un écosystème solidement ancré dans des dynamiques d’effets de réseau et d’investissements massifs. Ses concurrents, même puissants comme Apple ou Microsoft, peinent à rivaliser dans ce marché structuré autour de la performance, de l’échelle et de l’innovation continue.