Il peut arriver que les Algériens éprouvent, ces derniers temps, un engouement sans pareil pour l’acquisition des tous nouveaux modèles de téléphones portables et de micro-ordinateurs portables, mais ne sont pas initiés aux moindres détails techniques de ces appareils de haute technologie. A la simple panne, ils recourent aux services des réparateurs, le plus souvent malveillants, qui ont ainsi trouvé une occasion inouïe pour s’enrichir en adoptant une attitude cynique vis-à-vis d’une clientèle de plus en plus nombreuse
Ces derniers font croire aux usagers que le dysfonctionnement nécessite le placement de pièces coûteuses, en plus des frais de réparation qui frôlent des seuils imaginaires. Avec l’arrivée de la dernière génération des iPhone et iPad, les gains de ces réparateurs sans scrupule ont pris une dimension de plus en plus ascendante. Il est vrai que le propriétaire de l’appareil préfère payer par exemple 5 000 DA pour la réparation, mieux que d’en acheter un autre à plus de 30 000 DA, mai les « techniciens » devraient avoir la moindre intégrité morale en appliquant des tarifs à la mesure de la panne. La réalité est malheureusement tout autre et les victimes de cette attitude préjudiciable sont nombreuses. L’histoire de Hakim, étudiant à la faculté de droit à Alger, est très illustrative. « J’ai acquis un iPhone à près de 40 000 DA, après avoir travaillé durant toutes les vacances d’été comme serveur dans des restaurants. J’ai tellement tenu à disposer de cet appareil dernier cri, que j’ai négligé même l’achat de vêtements neufs pour la rentrée universitaire. Après une semaine, j’ai appuyé sur une touche et l’appareil s’est arrêté. Je me suis vite dirigé vers le réparateur le plus proche. Ce dernier m’a indiqué que je devais payer 3 000 DA pour la réparation, arguant du fait que la mémoire de l’appareil était sérieusement altérée. Un autre réparateur m’a demandé 4 000 DA, affirmant qu’il s’agit d’un sérieux problème de batteries et d’afficheur. J’ai été alors contraints de céder au tarif du premier », témoigne ce jeune étudiant. Quelle était la stupéfaction de notre interlocuteur lorsqu’il a compris par la suite qu’il s’agissait en réalité d’un petit problème de « switcher » dont le coût ne dépasse pas les 800 DA. « Le comble est que c’est un cousin à moi, réparateur lui aussi, qui m’avait expliqué, me qualifiant d’ignorant ! Le principe disant que nul n’est censé ignorer la loi, devrait aussi s’appliquer sur les nouveaux équipements technologiques. Car seule une connaissance parfaite des détails de ces appareils permet de nous mettre à l’abri de ces vautours ». Hakim n’est pas le premier et il ne sera certainement pas l’ultime proie de la nouvelle catégorie d’escrocs, eux-mêmes pas suffisamment formés pour la réparation convenable de certains appareils de haute technologie.
La gent féminine « déplumée » !
Les femmes représentent la plus grande partie des victimes des pratiques malveillantes des réparateurs car elles sont moins initiées, il faut le reconnaître, aux données techniques des téléphones portables et des micro-ordinateurs. Une virée dans quelques locaux de réparation de ces appareils à Alger-centre, El Biar et Boumati nous a permis de constater un afflux important des femmes, qui ne lésinent pas sur les moyens pour remettre leurs produits en marche. « Cet appareil s’est soudainement éteint, je ne sais pas ce qu’il a. Je croyais qu’il s’agissait de faiblesse de la batterie, mais finalement je me suis trompée. Réparez-le s’il vous plaît et je voudrais le reprendre dans les plus brefs délais », lancent-elles, quasi unanimement. Une situation qui mettent les réparateurs dans une situation de « puissance », leur donnant de larges prérogatives d’imposer le prix qu’ils veulent sans risquer d’être contrariés. « On aime bien utiliser ces outils technologiques, mais on n’est pas du tout informées sur leurs détails techniques. Lorsqu’ils tombent en panne, on sollicite les techniciens. Même si ça revient souvent trop cher, mais cela vaut la peine », avouent plusieurs clientes interrogées sur le sujet. Nos interlocutrices reconnaissent qu’elles n’ont jamais lu les manuels expliquant la façon idoine pour préserver intacts ces appareils, car cela demande trop de temps. Elles se contentent, en effet, de se renseigner sur la manière d’allumer, éteindre, prendre des photos ou des vidéos, se connecter à Internet, sans plus. Un constat confirmé par plusieurs propriétaires de locaux spécialisés qui confirment que la gent féminine constitue au moins « 70% des clients ».
C’est la faute aux pièces de rechanges contrefaites
Interrogés sur les préjudices causés aux consommateurs, des réparateurs réfutent les accusations et remettent en cause les pièces de rechanges contrefaites. Ils estiment que la plupart des clients préfèrent payer moins, même si nous leur expliquons que les pièces en question ne garantissent pas une fiabilité pour longtemps. « Il existe réellement certains réparateurs indélicats qui arnaquent les gens, en leur faisant peur et les poussant à payer le prix qu’ils imposent, sans aucun scrupule. Ils procèdent même à l’enlèvement de pièces d’origine et les remplacent d’autres déjà usées. Mais il ne faut pas croire que nous sommes tous pareils », se défend un réparateur à la rue Tanger (Alger). Un autre « dépanneur », à la rue Hassiba Ben Bouali, qui se dit très ancien dans le métier, confirme lui aussi le constat. « Il y a des gens qui n’ont même pas le niveau requis pour exercer dans ce créneau. Ils ont acheté des diplômes, ouvert des boutiques et gagnent beaucoup d’argent sur le dos des consommateurs. Parfois, on me ramène des appareils dépouillés de l’essentiel de leur composante et quand j’interroge les clients ils affirment qu’ils ont déjà tenté avec un autre réparateur. Je n’accepte pas de travailler avec ces gens et je leur conseille souvent de chercher d’abord la personne honnête et connue dans le métier », souligne notre interlocuteur. C’est dire que la pièce de rechange contrefaite et les réflexes nuisibles se conjuguent et s’allient parfaitement pour « anéantir » les bourses de citoyens qui ne ménagent aucun effort pour se mettre au diapason du développement technologique dans le monde. Tant que l’offre est de plus en plus conséquente, il semble que cette nouvelle classe de « professionnels » indignes a encore de beaux jours devant elle.
Une arnaque dans une impunité totale
L’absence de tout contrôle de l’activité de réparation des téléphones et PC et le silence « assourdissant » des associations de protections du consommateur, s’il en existe, ont laissé le terrain libre aux réparateurs d’accomplir leurs forfaits sans craindre quoi que ce soit. La législation en vigueur permet à toute personne justifiant d’un diplôme en la matière d’ouvrir un local et entamer son activité. Des consommateurs dociles cèdent aux exigences de leurs « maîtres » et la société civile est plongée dans un sommeil profond. Les quelques professionnels intègres se sont aussi retrouvés victimes d’une rude concurrence de la part de « simples bricoleurs ». Mettre un terme à cette situation périlleuse nécessite, selon nos nombreux interlocuteurs, une conscience collective des consommateurs, l’introduction de brigades de contrôle spécialisées dans les TIC, l’adaptation des formations dispensées dans les écoles spécialisées aux nouvelles inventions technologiques, et la rigueur dans le contrôle de délivrance de diplômes. En attendant, le malheur des consommateurs fait le bonheur des réparateurs…