En cette première semaine du mois sacré de ramadhan, les femmes algériennes redoublent d’ingéniosité pour préparer les meilleurs plats possible et garnir ainsi la table du f’tour. Et comme les anciennes recettes, « usées et usitées » pour reprendre l’expression de certaines concernées, n’attirent plus l’attention d’un grand nombre de consommateurs, Internet est devenu le « refuge » idéal où elles peuvent tomber sur de nouveaux repas aussi bien algériens qu’étrangers
L’essentiel pour ces femmes est de ne « pas faire tourner le même disque durant tout le mois sacré ». Elles veulent, en effet, apporter des touches particulières aux repas, surtout que les familles algériennes sont connues pour le partage de la rupture du jeûne avec des proches ou amis. C’est ainsi que les cybercafés sont pris d’assaut, ces trois derniers jours, par des jeunes filles et des femmes d’un certain âge, toutes en quête de connaissances nouvelles dans le domaine de la cuisine. Omar, gérant d’un cybercafé à la rue Hassiba Ben Bouali, a remarqué l’apparition du « phénomène » dès le premier jour de ramadhan. « Il y a à peine une dizaine de jours, la gent féminine qui accédait à ce local se limitait aux nouvelles bachelières qui accomplissaient les démarches relatives à la préinscription universitaire. Vendredi et samedi, j’ai reçu même des mères de famille qui sont venues me demander de l’aide afin de les orienter vers des sites de cuisine. Elles ont vite imprimé quelques recettes, payé leur connexion et quitté le local avec la promesse de revenir un autre jour », témoigne-t-il. Si pour les jeunes filles, il suffit de télécharger les recettes sur des flash-disks afin de les consulter sur leurs micro-portables et ensuite les appliquer, les femmes âgées doivent imprimer les recettes sur des feuilles afin de pouvoir les lire aisément. « Nos maris se disent lassés des plats traditionnels. Ils veulent de nouvelles recettes qui représentent différentes cultures des autres pays musulmans. Auparavant, il nous était impossible d’accéder à ces données, mais avec l’existence d’Internet, Dieu merci, on peut télécharger une dizaine de recettes en l’espace d’une heure ! Et puis, même les invités sont heureux lorsqu’ils trouvent la table garnie de différents plats et c’est là un énorme avantage que nous offre la Toile », se félicitent certaines femmes croisées dans différents cybercafés d’Alger.
Les livres de cuisine se ressemblent tous !
Ce qui est remarquable, en fait, c’est que les femmes ne tardent pas beaucoup sur la Toile, elles sont d’un pragmatisme exemplaire. « A partir de 14 heures, des femmes commencent à affluer ici. Dans à peine une trentaine de minutes, tu n’en trouveras aucune. Elles viennent juste au bon moment et reviennent vite chez elles pour avoir le temps de mieux préparer les repas sélectionnés. Certaines nous demandent de leur imprimer le maximum de repas pour ne pas revenir ici avant une semaine », affirme Rédha, gérant d’un cybercafé à la rue Larbi Ben M’hidi. « Mes clientes insistent surtout sur des repas en vogue dans les pays du Golfe et en Amérique latine.
Elles ont une seule condition ; que le repas soit préparés d’ingrédients licite (Halal) », ajoute notre interlocuteur. Certains gérants d’espaces de connexion à Internet ont procédé à l’affichage des différents sites dédiés à la cuisine algérienne et universelle afin d’éviter le harcèlement de la part de certaines clientes. « C’est une solution idéale à ce problème. Car il y a des clientes qui ne sont pas réellement introduites au monde de la Toile et elles nous demandent de faire tout à leur place. Mais nous avons aussi d’autres taches à accomplir, et c’est pour cela que nous avons affiché ces sites de cuisine à l’entrée du local », précise encore notre interlocuteur, ajoutant qu’il n’est pas le seul à opter pour cette démarche afin d’éviter la pression. Des sites comme notrecuisine.net, douniacuisine.com, bahdja.com, cuisine-dz.com, idelices.com, cuisineaz.com, etc., enregistrent parfois une surcharge et l’internaute doit même attendre quelques minutes pour accéder à ces sites. Et pour les concernées, Internet constitue un soulagement majeur d’autant qu’elles ne sont plus contraintes de consulter les anciens livres de cuisine. « Auparavant, on achetait des livres de cuisine là où on les trouve. Avec le temps, on s’est rendu compte que la différence consistait seulement en le volume et la couleur de la couverture de ces livres. Maintenant, Dieu merci on a l’opportunité de faire tout ce qu’on veut grâce à Internet. Et si les pouvoirs publics font encore des efforts en matière d’accès de tous les citoyens à la connexion ADSL, ce sera un soulagement majeur. Ce qui est certain est que nos tables de f’tour sont devenues plus garnies et plus délicieuses avec Internet », se félicitent des jeunes filles. Ces dernières sont des étudiantes en vacances d’été qui se sont converties en « chefs » à l’occasion de ce mois de ramadhan. Pour elles, c’est la seule période d’apprendre à préparer des plats. Et c’est aussi une opportunité de découvrir également les secrets gastronomiques des autres pays de la planète.
Les hommes au cyber, les femmes à la cuisine !
Le mois de ramadhan est connu pour être une période de consommation par excellence où les musulmans font part d’une « avidité » sans pareil et se font des « fantasmes alimentaires » difficiles à satisfaire par le simple recours à la culture culinaire nationale. Il y a des hommes qui prennent congé en cette période dans le seul objectif de dormir suffisamment et de consommer toute sorte de repas dont ils ont envie. Pour ce faire, ils se dirigent vers des cybercafés, téléchargent des recettes et recommandent à leurs épouses de les « concrétiser ». Il est vrai qu’ils ne sont pas aussi nombreux que les femmes à surfer sur la Toile dans le même objectif, mais certains gérants de cybercafés affirment que le phénomène existe bel et bien. « Je reçois pratiquement une dizaine d’hommes chaque jours qui me demandent des orientations vers des sites de cuisine, me disant clairement qu’ils sont pressés de renter afin de donner le temps à leur épouse de préparer les repas sélectionnés », avoue Rafik, gérant d’un cybercafé à la rue Mohamed V. Comme l’appétit s’ouvre grandement, l’avènement d’Internet a contribué largement à assouvir la faim des Algériens et leur avidité de découvrir les cultures diététiques des autres pays.