Bien que nous ayons fabriqué des composants semiconducteurs à Sidi Bel Abbes en 1980 dans une belle salle blanche, aujourd’hui il ne reste presque rien. Dans le monde, l’année 2022 dans le domaine l’industrie des semiconducteurs a été marquée par une guerre franche entre la Chine et les États-Unis.

Le premier coup est venu de la promulgation du CHIPS and Science Act par le Président Biden en août dernier qui a été le point de départ de déclenchement des hostilités pour restaurer la compétitivité des Américains dans la production de puces. Bien que l’Union européenne a été la première à dégainer dès février son Chips Act, sa mise en œuvre, mais avec un « petit » chiffre de 43 milliards d’euros d’investissements publics et privés qui ne sont toujours pas actées. Mais c’est en Allemagne que se tournent tous les regards avec l’installation de la GigaFab d’Intel à Magdebourg pour développer une production locale de puces.
Lancement du CHIPS aux Etats-Unis
Pour les États-Unis, l’adversaire est clairement identifié : la Chine et ils feront tout pour l’empêcher d’innover dans les semiconducteurs. Bien avant d’édicter de nouvelles règles par le Bureau de l’industrie et de la sécurité (BIS) du Département du commerce américain qui risquent de bloquer de facto la production de puces avancées en Chine, que les fabricants soient chinois ou des multinationales étrangères, l’administration Trump a fait pression sur le gouvernement néerlandais pour qu’il arrête la vente des machines ASML aux clients chinois. En conséquence, les fabricants de puces chinois n’ont pas été en mesure de fabriquer les puces les plus avancées. L’administration Biden n’a montré aucun signe de renversement de la position de Trump. Cette politique américaine particulièrement agressive vis-à-vis de la Chine prend le risque de faire perdre non seulement des milliards de dollars à l’industrie des semiconducteurs, mais aussi de déclencher des guerres.

Avec une valeur de marché d’environ 350 milliards de dollars, ASML, dont le siège est aux Pays-Bas est un mastodonte technologique peu connu qui devrait continuer à croître en fonction de la demande insatiable de semiconducteurs. L’entreprise de 37 ans, qui compte plus de 31 000 employés, est presque la seule entreprise au monde capable de fabriquer les machines très complexes nécessaires à la fabrication des puces les plus avancées. Ces machines, qui coûtent environ 140 millions de dollars chacune, projettent des faisceaux de lumière exceptionnellement étroits sur des tranches de silicium qui ont été traitées avec des produits chimiques « photoresist ». Des motifs complexes sont créés sur la plaquette où la lumière entre en contact avec les produits chimiques, qui sont soigneusement disposés au préalable. Ce processus, qui conduit à la formation des transistors les plus importants, est connu sous le nom de lithographie. Les fabricants de puces souhaitaient utiliser la longueur d’onde de lumière la plus étroite possible en lithographie afin de pouvoir installer plus de transistors sur chaque morceau de silicium. Les transistors sont l’un des éléments de base de l’électronique moderne et ils permettent à un courant électrique de circuler dans un circuit. De manière générale, plus vous pouvez installer de transistors sur une puce, plus cette puce sera puissante et efficace. Enfin, les machines elles-mêmes sont appelées machines de lithographie aux ultraviolets extrêmes, ou machines EUV.
Lancement du plan chinois à 143 milliards de dollars

De son côté, la Chine n’est pas restée les bras ballants et, selon Reuters, le pays prépare un programme de soutien de plus de 1000 milliards de yuans (143 milliards de dollars) pour son industrie des semiconducteurs, dans une étape majeure vers l’autosuffisance en puces et pour contrer les mesures américaines visant à ralentir ses avancées technologiques. Non contente d’attaquer les États-Unis devant l’OMC pour la politique américaine à l’exportation qu’elle juge discriminatoire, la Chine prévoit de déployer ce qui sera l’un de ses plus importants programmes d’incitations fiscales, répartis sur cinq ans, principalement sous forme de subventions et de crédits d’impôt pour renforcer la production de semiconducteurs et les activités de recherche dans le pays. Le plan devrait être mis en œuvre dès le premier trimestre de l’année prochaine. La majorité de l’aide financière serait utilisée pour subventionner les achats d’équipements de production de semiconducteurs nationaux par des entreprises chinoises.
L’autre problème que vit présentement la Chine est que les fabricants de semiconducteurs qui ont des usines en Chine (TSMC, Intel, Samsung, etc.) finiront par plier bagage, car les autorisations qu’ils ont obtenues des États-Unis pour continuer à investir dans leurs opérations en Chine sont à court terme (1 an).
Le Japon se réveille
L’autre pays des chips, le Japon n’est pas resté comme une vache regardant le train passé. Il s’est également engagé dans un plan pour produire en technologie 2 nm à l’horizon 2027 avec la création de Rapidus. Huit grandes entreprises japonaises sont impliquées dans cette création soutenue par le Meti — Ministry of Economy, Trade and Industry —, le très puissant ministère de l’Économie. Le Meti (ex Miti) est étroitement associé à l’histoire économique du Japon depuis la Seconde Guerre mondiale et en particulier aux réussites du miracle économique japonais, dans lequel il a joué un rôle important. Son rôle fut à la fois d’encadrer la modernisation accélérée du pays, et de multiplier les actions en faveur du déploiement international de l’industrie japonaise. Le projet est financé par le Meti à hauteur de 70 milliards de yens (500 millions de dollars).

Si 2022 a été l’année où les États-Unis ont tout essayé pour empêcher l’innovation en semiconducteurs en Chine, 2023 transformera-t-elle l’essai ?