Bonjour, une petite introduction, pour nos lecteurs, s’impose. Dites nous qui vous etes ? vos formations? et votre travail?
Bonjour, je m’appelle Nassim Belouar, je suis étudiant en Master Expertise Economique à l’Université de Lille 1 en France, également entrepreneur j’ai co-fondé récemment une start-up nommée Blockchain Algeria qui sera la premiére start-up algérienne ayant pour but de démocratiser l’usage des monnaies digitales et servira aussi comme incubateur pour les projets innovants des jeunes algériens, j’ai co-fondé aussi par le passé un Think Tank qui porte le nom de IFAW, j’ai toujours été très actif dans le milieu associatif notamment membre d’Amnesty International et fondateur de l’école des réfugiés en Algérie, je suis également l’ex-président de l’UMMTO Debate Club un club de débat au sein de mon ancienne université Mouloud Mammeri de Tizi-ouou, je suis par ailleurs blogueur et j’écris régulièrement des articles que vous pouvez consulter sur mon blog:
nassimbelouar.com
– Pourriez-vous nous donner une introduction à la Blockchain et son pendant le bitcoin pour savoir comment cela a commencé et quelle solution clé il fournit?
La Blockchain est une technologie pair-à-pair (peer-to-peer) de stockage et de partage, on peut la définir simplement comme un « Grand Registre » décentralisé, public, anonyme, infalsifiable et sécurisé grâce à la cryptographie, les données qui la composent sont donc authentiques et inaltérables. La cryptographie permet notamment de garantir la confidentialité, l’authenticité et l’intégrité des données. Grâce à la Blockchain, on peut enregistrer des échanges, des transactions, des données, des informations ou des faits, sa spécificité c’est qu’elle est accessible et consultable par tout le monde gratuitement et elle est partagée par ses différents utilisateurs sans intermédiaire ce qui permet à chacun de vérifier la validité de la chaîne à tout moment.
Son lien est étroit avec le Bitcoin, car la première Blockchain est apparue en 2008 avec l’apparition du Bitcoin, la première monnaie virtuelle décentralisée utilisant cette technologie. Néanmoins aujourd’hui cette technologie s’est étendue à divers domaines et secteurs non-financiers avec l’émergence de plusieurs start-ups s’inscrivant dans le grand mouvement de l’économie collaborative (ou participative) qui touche actuellement toute la société, où les utilisateurs sont en relation directe, et interagissent sans intermédiaires.
– D’après vous, Quel est le processus suivi pour qu’une société soit intégrée à la blockchain?
On peut comparer la technologie Blockchain à celle de l’apparition d’internet dans les années 1990.
Je dirais que nous sommes à la genèse d’une révolution dont la portée est encore difficile à mesurer car la technologie Blockchain offre des champs d’exploitations infinis, et elle va changer notre vie dans un avenir proche. Et on pense fortement que l’Algérie ne doit pas passer à côté de cette révolution Blockchain et qu’elle doit faire partie des premières économies au monde à l’adopter et à l’intégrer.
Pour qu’elle soit adoptée en Algérie, il faut qu’il y’ait un suivi et un processus qui repose sur du conseil et de l’accompagnement auprès des particuliers, des commerçants et des entreprises pour leur montrer le potentiel inouï qu’offre la technologie Blockchain, et comment elle peut les aider dans leur quotidien et dans leurs différentes activités, et c’est la démarche que propose « Blockchain Algeria », où on a vocation à répondre aux moindres questions concernant la Blockchain, ainsi que les monnaies digitales qui sont naturellement reliées à cette technologie.
– Quelles sont vos réflexions sur l’aspect sécuritaire de l’utilisation de la blockchain à des fins non-bitcoin (passeport, vente de terrain….) et comment elle peut être implémentée?
Les champs d’exploitation de la Blockchain sont infinis : banque/assurance, immobilier, santé, énergie, transports, vote en ligne, identité virtuelle, supply chain, social networking, stockage cloud, élections et référendums en ligne, brevets industriels, objets connectés.. etcPar exemple le Honduras, a décidé de mettre en place un outil de cadastre numérique à l’échelle national, et donc utiliser Blockchain pour savoir qui possède quoi à l’intérieur des frontières nationales. En Suède, l’administration expérimente déjà la Blockchain pour le transfert de propriétés foncières. La Blockchain peut aussi apporter une révolution au secteur médical, en offrant par exemple une base de données de dossiers médicaux accessibles aux laboratoires pharmaceutiques comme aux particuliers. C’est ainsi que s’est conclu le partenariat entre l’Estonie et la start-up Guardtime, qui s’est chargée de sécuriser plus d’un million de dossiers médicaux.Même les compagnies dites « mainstream » s’y mettent, telle que la compagnie d’assurance Axa, a investi dernièrement 55 millions de dollars dans la technologie Blockchain. Voici quelques exemples pour illustrer mon propos, mais il y’en a encore des milliers d’autres utilisations.
Donc dans un avenir proche, la question qu’on va se poser est : Est-ce que la Blockchain va se substituer légalement à des emplois qui requièrent des intermédiaires ?
La réponse est oui, car son potentiel à décentraliser toute activité et à faire cela en toute transparence et sécurité est quelque chose qui lui confère une valeur intrinsèque très solide et difficilement concurrençable, A mon humble avis, c’est juste une question de temps avant que son adoption soit majoritaire.
– Et comment fonctionne le mécanisme de récupération dans le cas où le propriétaire perd sa clé privée?
La clé privée est une notion propre au Bitcoin, toute personne qui stocke des Bitcoins de façon décentralisé, possède une clé privée à partir de laquelle sont générées une clé publique et une adresse (pour envoyer et recevoir des fonds). Le portefeuille utilise cette clé privée pour signer les transactions envoyées dans le but de prouver que vous êtes bien le détenteur du portefeuille et des bitcoins qu’il contient, et que vous êtes autorisé à effectuer la transaction. La clé privée a vocation à rester secrète, et malheureusement si on la perd, la récupération est impossible. Si vous avez des doutes et que vous pensez que votre clé privée est compromise, créez un nouveau compte Bitcoin et reversez tout votre solde dans ce nouveau compte.Si vous voulez une sécurité extrême pour vos Bitcoins, la meilleure solution reste le « Cold Storage ». L’idée est de placer une unique copie de votre clé privée en lieu sûr, par exemple sur un papier (grâce à un code QR que vous scannez) et que vous mettrez par la suite dans un lieu sûr, ou bien stockez vos Bitcoins sur un ordinateur qui n’est pas connecté à Internet.
– Le conseil des ministres vient d’approuver une loi sur le e-commerce qui permettra entre autre de faire du e-paiement? Qu’en pensez-vous?
C’est une très bonne nouvelle, c’est un grand pas pour le développement de l’e-paiement en Algérie.
La prochaine étape est de limiter les montants maximaux de paiement en cash par exemple un plafond à 5000 DA et d’imposer le paiement électronique sur tout espace publique pour que la monnaie électronique se généralise plus rapidement.En revanche, les banques doivent offrir un meilleur rapport qualité/prix pour que le consommateur algérien s’oriente facilement vers ce nouveau mode de paiement. Les défis qu’on va rencontrer au début sont: La sécurité des paiements, la fluidité de confirmation des paiements et le coût de chaque transaction. Cela ne peut pas arriver avec la monopolisation de l’Etat du secteur bancaire, 80% des banques en Algérie sont des banques publiques, il faut donc libéraliser le secteur bancaire et l’ouvrir à la concurrence ce qui va générer un meilleur bénéfice social qui est une valeur économique très importante. A mon avis, il est nécessaire d’imposer également aux commerçants de mettre des terminaux de paiements mobiles, car en Algérie la grande majorité de la population détient et utilise un téléphone portable. Il est donc intéressant de bénéficier de cet avantage et démocratiser le M-paiement en Algérie.
– Comment peut-on utiliser les algorithmes des crypto-monnaies dans d’autres domaines ? Et y a-t-il des expériences soient pilotes soient réelles dans un des pays du monde?
Au début, le protocole était utilisé juste pour faire des transferts de valeurs entre les personnes, l’exemple le plus connu est celui du Bitcoin, qui a donné naissance en même temps à la Blockchain, la technologie motrice des crptomonnaies. Actuellement on parle de la révolution Blockchain. On veut dire par là qu’un Etat peut fonctionner exclusivement grâce à la Blockchain avec toutes les applications qui se sont développées autour de cette nouvelle technologie. Par exemple, dans le secteur bancaire, la Blockchain «Ripple» permet de faire des transferts interbancaires. Les start-ups Oracles est en train de révolutionner le secteur des assurance grâce aux «Contrats Intelligents» (Smart contracts en anglais). «Steemit» est une plateforme décentralisée qui offre aux blogeurs, journalistes et créateurs de contenus indépendants, d’être rémunérés selon la satisfaction et la qualité de leurs productions et l’appréciation des lecteurs. On voit également plusieurs start-ups basées sur l’économie du partage tel qu’OpenBazaar qui est le premier marché décentralisé en ligne, ou ArcadeCity qui a pour objectif d’uberiser Uber. Plus concrètement, au Royaume-Uni par exemple, la Blockchain est déjà en phase d’expérimentation pour diverses activités, notamment pour encourager la production d’énergie renouvelable dans les quartiers en certifiant les échanges d’électricité entre foyers grâce au réseau. Au Honduras, la Blockchain est appliquée dans le domaine des titres fonciers et elle sert de cadastre numérique pour savoir qui possède quoi à l’intérieur des frontières nationales. En Suisse, dans la ville de Zug qui est d’ailleurs surnommée «Crypto-Valley» chaque citoyen a une identité digitale sur la Blockchain de la mairie, ses données sont cryptés et sécurisés afin de supprimer la bureaucratie et faciliter les procédures administratives des citoyens, notamment lors des votes. La ville de Zug a permis également à ses citoyens de payer leurs impôts et redevances en Bitcoin. Ces quelques exemples ne sont que la partie visible de l’iceberg technologique qui porte le nom de «Blockchain».
Pour résumer, nous sommes témoins de la naissance d’une toute nouvelle technologie avec de grandes promesses, un potentiel inouï et des champs d’applications aussi divers que variés. Notre défi est donc de prendre part à cette révolution et tirer bénéfice de cette nouvelle technologie.