Comme dans les antédiluviens journaux intimes, les gens, nombrilistes à souhait, étalent leur vie, leurs colères et leurs joies sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, les histoires d’amour se terminent parfois en ligne…
Les histoires d’amour finissent mal, en général », dit la chanson des Rita Mitsouko. « La rupture est faite, l’amour s’est envolé : bon voyage ! », disait pour sa part, George Sand, dans « Monsieur Sylvestre ». Et c’est le sociologue canadien Albert Brie, auteur du « Mot du silencieux » qui disait par ailleurs que « Vite et bien vont parfois ensemble ; exemple : vite rencontré, bien oublié. » Aujourd’hui, avec la prolifération des TIC, les histoires d’amour se terminent souvent en ligne. Parfois, mal. Quand l’une, vengeresse en diable, publie sa lettre de rupture sur Reddit, un autre carbure au dépit amoureux en créant une fausse page Facebook pour prendre sa revanche. Les forums sociaux n’ont jamais autant mérité leur nom ! Au début de ce mois de juin 2013, une jeune Américaine, ayant justement découvert sur Facebook que son compagnon la trompait allégrement, a partagé sa lettre de rupture sur Reddit. Elle y informe son ancien Roméo qu’elle a disséminé ses affaires à différents endroits symboliques de leur histoire défunte. A lui de faire donc travailler sa mémoire pour retrouver ses jeux vidéo, ses vêtements ou son ordinateur, voire même ses caleçons? Elle lui conseille également de se dépêcher car, si elle n’a rien cassé, elle ne garantit pas que d’autres soient passé avant lui et se soient servi. La lettre en question a été vue par 1,5 million d’internautes. Le phénomène ne touche pas que les Américains. En France, un homme de 39 ans a été jugé le 12 juin dernier par le tribunal de Calais pour avoir créé une fausse page Facebook au nom de son ex-compagne, selon La Voix du Nord. Il y avait publié des informations relevant de sa vie privée et tenu des propos injurieux visant à salir l’image de cette femme. La page a été vue par plus de 200 personnes avant la découverte du pot aux roses de l’amour trahi. Les treize condamnations inscrites au casier judiciaire de cet homme ont pesé lourd dans la balance : le tribunal l’a condamné à une peine de sept mois de prison ferme et à verser 500 euros de dommages et intérêts à son ex-compagne « diffamée ». Et l’on découvre aussi que Facebook est responsable d’un divorce sur trois ! Alors, en créant celui qui n’était à ses débuts qu’un banal annuaire d’étudiants, Mark Zuckerberg pouvait-il imaginer donner naissance à un gâcheur de romances et à un briseur de couples ? Ainsi, Facebook serait-il responsable de 33 % des demandes de séparations en 2011, indique le site britannique spécialisé divorce-online.co.uk. Facebook est aussi bien utilisé au cours de la procédure de séparation pour prouver l’infidélité du conjoint que par des époux blessés pour tailler une sale réputation en ligne à leur ancien partenaire. « Les gens feraient bien de se méfier des messages qu’ils écrivent d’autant plus que la justice prend ces publications en compte dans les cas de conflits financiers ou en rapport avec la garde des enfants », explique Mark Keenan, le porte-parole de divorce-online.co.uk. Néanmoins, s’il ne sert pas encore de preuve irréfragable de la duperie conjugale ou de la trahison amoureuse en France comme en Algérie, Facebook met bien souvent la puce à l’oreille de l’un des époux quant à l’infidélité de son (a) compagnon (e). « C’est un fait. De plus en plus souvent, nos clients demandent le divorce cas ils sont tombés sur des textes ou photos compromettants laissés imprudemment sur Facebook ou les messageries électroniques », convient un avocat français spécialisé. Et quand on sait que le réseau social garde en mémoire sur ses serveurs toutes les images ou messages privés, ceux qui ont choisi de faire les papillons volages et autres mutins, feraient bien d’avoir l’intelligence d’éviter de le faire sur ce genre de média. Si, en France comme en Algérie, Facebook n’est pas encore le témoin accablant de l’infidélité, le SMS, par contre, peut constituer une preuve en cas de divorce. Par un arrêt rendu le 19 juin 2009, la Cour de cassation reconnaît dans l’hexagone la valeur juridique des SMS dans une affaire de divorce. Certes, on ne peut pas encore divorcer par SMS, mais il est possible de divorcer à cause d’un SMS. Quoique, en Algérie, pays beaucoup moins libéral que la France, il y a bien eu des répudiations par SMS. En France, en juin 2007, la Cour de cassation avait déjà accordé au SMS le statut de preuve juridique dans une affaire de harcèlement sexuel en milieu professionnel. En 2009, une épouse fortement soupçonneuse, avait entrepris de prouver l’adultère commis par son mari en se fondant sur la lecture de SMS trouvés sur le téléphone portable professionnel de son compagnon volage. Mais la Cour d’appel l’avait déboutée et avait prononcé le divorce à ses torts exclusifs, arguant du fait que les SMS relevaient de la « confidentialité et du secret des correspondances ».
Au pays de Montesquieu, on ne badine pas avec le formalisme juridique ! Mais la Cour de cassation ne l’avait pas entendu ainsi. Elle a alors estimé en l’espèce que dans une procédure de divorce, et par dérogation au droit commun de l’inviolabilité des correspondances, il est en effet admis que les lettres échangées entre les époux ou entre l’un d’eux et un tiers peuvent être produites sans le consentement des intéressés, à la condition expresse qu’elles aient été obtenues « sans violence ni fraude », rapportait alors Le Monde sur son site Internet. Pour témoigner de sa bonne foi, l’épouse trompée affirmait avoir découvert ces SMS sur un téléphone portable professionnel « perdu » par son mari. Dans ce jeu d’hypocrisie judiciaire, la Justice peut se montrer magnanime et l’épouse trompée sagace et futée. Merveilles de l’amour online et des séparations amoureuses 2.0.