On connaît la Françafrique, ces fameux réseaux gaullistes, créés par Jacques Foccart et devenu plus tard synonyme de réseaux d’affaires et de diplomatie parallèle de la France en Afrique francophone anciennement colonisée. On parle aussi, beaucoup même, de la Chinafrique, en fait de la toile de relations d’affaires qu’une Chine entreprenante tisse discrètement partout sur le Continent noir. Mais on sait très peu de choses en Algérie des ambitions de la superpuissance émergente qu’est l’Inde. Or le pays de Ghandi, qui est aux mathématiques ce que Thomas Edison est à l’électricité, le cinéma et le son, pointe le bout du nez technologique en Afrique et y met un pied numérique. A pas feutrés. Récemment, la télévision indienne diffusait les images étonnantes d’enfants d’un village zoulou chantant en langue tamoule. Le fait est relativement récent et mérite d’être signalé : l’Inde, superpuissance scientifique, eldorado de l’informatique, s’ouvre sur le monde et part à sa conquête. Et l’Afrique l’intéresse au tout premier chef pour ses abondantes ressources, mais aussi parce qu’elle constitue désormais un client important pour ses ambitieuses entreprises technologiques. Par exemple, Bharti Airtel, un opérateur de téléphonie mobile, est ainsi devenu le deuxième d’Afrique. Bharti Airtel est le premier opérateur de téléphonie mobile de l’Inde, avec plus de 130 millions d’abonnés en 2013 et 30 % de part du marché. Il est surtout très implanté en Afrique. Le groupe a été créé en 1976 par Sunil Bharti Mittal pour fabriquer des bicyclettes. Il est aujourd’hui un conglomérat d’entreprises de classe mondiale dans les télécommunications, les services financiers, le commerce de détail et l’alimentation. Bharti a commencé ses prestations de télécommunications d’affaires par le lancement de services mobiles à New-Delhi en 1995. En 2010, Bharti Airtel a racheté les filiales africaines du koweïtien Zain. Il est désormais présent au Burkina Faso, dans les deux Congo, au Kenya, à Madagascar, au Malawi, au Niger, au Nigeria, au Rwanda, en Sierra Leone, en Tanzanie, au Tchad, Ouganda, aux Seychelles et en Zambie. Quant au géant des services numériques de Bengalore Infosys, la SSII aux 7 milliards de dollars de chiffre d’affaires et aux 155 000 employés, il a fait depuis cinq ans de l’Afrique l’une de ses cibles prioritaires. Notamment parce qu’elle a développé un logiciel (Finacle) capable de gérer un système bancaire islamique. Le cabinet KPMG réseau mondial de prestations de services d’audit (Audit), fiscaux (Tax) et de conseil (Advisory), estime que le marché de la technologie africain représentera 41 milliards de dollars en 2016. C’est sans doute pourquoi le gouvernement indien a organisé un sommet en 2011 avec de nombreux leaders africains. Ce grand remue-méninge numérique a débouché sur quelque 185 millions de dollars d’investissement en formations scientifiques et technologiques. Alors, n’en doutons plus, la mondialisation du secteur IT indien est en marche et le pays de Bollywood fait de plus en plus les yeux de Chimène à l’Afrique. Par ailleurs, Tata Consultancy Services (TCS) a réalisé une acquisition majeure car emblématique sur le marché français. Le colosse indien a pris le contrôle d’Alti, une SSII spécialisée sur les progiciels SAP (300 consultants) ainsi qu’en Business Intelligence (250 consultants) et, surtout, qui vend ses produits en Afrique. Ce rachat confirme la volonté affichée depuis deux ans par TCS d’accélérer son développement en Europe, plateforme de projection vers le continent africain. Plusieurs multinationales indiennes sont donc présentes en Afrique. En 2008, KET International a gagné deux contrats en Algérie et en Namibie de montants respectifs de 61 millions USD et de 25 millions dans des projets d’infrastructures électriques. Jyoti Structures, toujours dans les infrastructures électriques, détient des investissements d’une valeur de 24 millions de dollars en Afrique du Sud et de 40 millions en Ouganda. La compagnie Oil and Natural Gas Corporation (ONGC) a déjà investi 162 millions dans l’industrie pétrolière, notamment au Soudan, dans un projet de pipeline. Il est question aussi d’investissements dans le gaz naturel au Kenya par la multinationale BharatPetroleum. L’Inde va donc à la rencontre de l’Afrique. Elle s’est donc retrouvée, avec une dizaine de pays africains à Addis-Abeba du 20 au 26 mai 2011, dans le cadre du second Sommet Inde-Afrique. Depuis Avril 2008, date de la première rencontre Inde-Afrique tenue à New Delhi, l’Inde a pris une option nouvelle dans son partenariat avec l’Afrique en rentrant dans la sphère des pays émergents présents sur le continent africain, à la suite de la Chine et du Brésil. Parmi les sujets importants discutés à Addis Abeba, il y a la question des lignes de crédits, la promotion de joint-ventures afro-indiens avec la création du India -Africa Business Council ainsi que l’élaboration d’un cadre pour la coopération afro-indienne. L’Indiafrique est en marche. Et surtout, il y a eu l’Inde qui essaime les universités, notamment algériennes en organisant les IndiAfrica, plate-forme multi-réseaux ou une sorte de passerelle destinée à attiser les passions numériques ainsi que les échanges entre étudiants.