Un grand nombre de cybercafés investit ce créneau devenu un business fort rentable
La vente de cours, de différents modules étudiés à l’université et les travaux de recherches exigées aussi bien dans l’enseignement supérieur que les cycles moyen et secondaire de l’Education nationale, est devenue ces derniers temps un créneau très porteur pour les propriétaires des cybercafés. A Alger, Blida, Boumerdès et Tizi Ouzou, de grandes affiches sont collées à l’entrée de ces locaux, indiquant la disponibilité de ce nouveau « produit » sorti des classes et ayant atterri entre les mains de simples commerçants. Le plus souvent, même les noms des professeurs sont cités pour attirer un grand nombre d’élèves ou d’étudiants qui optent pour cette solution de facilité au lieu d’aller effectuer des recherches dans les bibliothèques ou assister au cours magistraux. « Cours de Diabétologie du Professeur… se vendent ici », « Exposés de techniques de gestion pour la … année universitaire disponibles », « Recherches de l’Education civique… année moyenne à bons prix », constituent, en effet, le contenu des affiches généralement bien agrémentées de couleurs et de design dans l’objectif de « capter » les regards des concernés. Certains propriétaires de cybercafés vont jusqu’à proposer la réalisation de la page de garde gratuitement, une option adoptée dans le cadre d’une concurrence accrue qui s’est installée dans cette nouvelle activité. « Je travaille avec certains étudiants qui assistent régulièrement aux cours et qui excellent dans l’organisation des leçons. A chaque fin d’année, ils me ramènent le contenu complet, à un prix très raisonnable, et puis je réalise un grand nombre de copies. J’ajoute, bien évidemment, ma touche artistique dans la mise en page et le décor. Parfois, j’arrive difficilement à satisfaire la demande », se félicite Hakim, gérant dans un cybercafé à Boumerdès. « Les élèves et les étudiants ne veulent plus se fatiguer », avoue Kader, gérant d’un espace Internet à côté de l’hôpital Hassiba Ben Bouali (Blida), installé juste à côté d’une cité universitaire de jeunes filles. En cette période d’examens, les étudiants font la queue pour obtenir leur « clé de réussite » et certains font des commandes plusieurs jours à l’avance pour être au rendez-vous le jour « J ». Il semble que ces derniers ont trouvé une bonne solution pour se mettre à l’abri de la fatigue et consacrer leur temps libre à surfer sur le Net ou regarder la télévision. « Récemment, j’ai demandé aux étudiants de faire un travail de recherche sur l’impact de la diplomatie algérienne pendant la guerre de libération nationale. Lorsque j’ai commencé à consulter les travaux réalisés, j’ai failli m’évanouir, car au moins 90% de ces recherches sont une copie conforme ! Pis, chacun des étudiants voulait prouver que c’était son travail à lui. En fin de compte, une étudiante a reconnu que ce genre d’exposés se vendaient dans un cybercafé à côté », témoigne, sur un ton de colère et d’amertume, M. Arradj, professeur de sciences politiques à l’université de M’sila. Même son de cloche chez les enseignants des cycles moyen et secondaire, qui incombent une grande partie de responsabilité aux parents d’élèves. « Il faut que les parents veillent au contrôle de leurs enfants et les inciter à fournir des efforts pour se former ». Ces élèves risquent de devenir des coquilles vides, ils pourraient avoir des diplômes, mais sans le volume de connaissances exigé », soulignent nos interlocuteurs.Si les propriétaires des cybercafés réalisent de bonnes affaires dans le business des contenus pédagogiques, les apprenants ne bénéficient de rien en fin de compte, estiment des spécialistes en psychopédagogie. « Nous commençons déjà à avoir des diplômés dépourvus du niveau intellectuel escompté. Des licenciés qui ne maîtrisent presque aucun volet dans leurs spécialités, car une fois ces cours achetés consommés pour les besoins d’examens, ils sont vite jetés à la poubelle. Il est impossible d’en mémoriser le contenu et quand ce mode d’assistanat à la manière de fast-food est adopté pour quelques années, il ne faut pas s’attendre à ce que les concernés accumulent le savoir », explique Mme Faïzi, psychopédagogue. Notre interlocutrice met l’accent sur la nécessité d’interdire aux cybercafés cette activité de vente de cours et d’exposés. Il faut mettre en place toutes les conditions imposant aux apprenants la nécessité d’aller chercher le savoir à l’école ou à l’université, soutient-elle. Car si la situation actuelle perdure, nous risquons d’avoir une génération de « diplômés-illettrés » dans les quelques années à venir.