20 janvier 2025

C'est Net @vec vous! Après Dubaï, une Toile sans régulation mais toujours sous influence US !

cnetavecvousCe n’est guère une surprise. Le sommet mondial sur les télécoms a accouché d’une gentille souris : un traité international sur les télécommunications évitant soigneusement de réguler le Net mais signé quand même par 89 Etats membres de l’Union internationale des télécommunications (UIT), lors du sommet mondial de Dubaï. Cependant, il y a un hic, un gros hic même. 55 pays, dont les Etats-Unis, la France ou la Suède, n’ont pas signé ce document révisant, à la marge, le règlement des télécommunications internationales (RTI) de 1988. Les USA, berceau des titans de la Toile (Google, Amazon, Facebook) qui ont fait leur miel numérique sur l’absence de régulation de la gigantesque infrastructure IP qu’est devenu le Web, ont exprimé leurs craintes quant à toute perspective d’accorder le moindre pouvoir de régulation à l’UIT, ce qui serait, selon elle, une menace pour un réseau totalement libre et absolument ouvert. Plus que jamais, la fracture numérique entre le Nord et le Sud, entre riches et pauvres et même entre Europe et Amérique du Nord demeure entière. « Les Etats-Unis ont toujours pensé que le traité ne devait pas s’étendre au contenu d’internet ou à sa gouvernance », avait expliqué le chef de la délégation US à la conférence de Dubaï. L’argument est franchement fallacieux car le Traité, dans sa version finale, n’aborde pas Internet, ni sa régulation, ni sa gouvernance, comme l’a souligné dans le discours de clôture du sommet, le SG de l’UIT, Hamadoun Touré. Le seul texte qui évoque la Toile est une résolution non contraignante sur la promotion d’un environnement favorable pour un plus grand développement d’internet. Ça ne mange pas de pain numérique. Et ça n’empêche pas que l’attitude des Etats Unis et des grands pays abstentionnistes évoque la peur de l’éléphant devant une petite souris blanche. Appréhension au sujet d’une remise en cause de la non-régulation absolue du Net. L’article 5B évoque en effet la nécessité pour les Etats-membres de prendre des mesures pour prévenir la prolifération de flots de communications électroniques non sollicitées et d’en minimiser les conséquences sur les services de télécoms. D’aucuns y ont vite vu un encouragement de certains gouvernements à verrouiller les échanges électroniques (SMS, email) au nom du contrôle de cette prolifération. La posture américaine était somme toute attendue. Le Congrès avait déjà voté comme un seul homme contre toute tentative de réguler l’internet au sein de l’UIT, alors même que les travaux du sommet battaient leur plein depuis le 10 décembre. La hantise des Américains a deux noms, la Russie et la Chine accusées de « chercher à extorquer un contrôle de l’internet ». En fait les députés et avant eux les sénateurs se sont fait les porte-parole du géant Google, particulièrement inquiet de voir certains pays réclamer plus de pouvoirs à l’UIT. « L’UIT est le mauvais endroit pour prendre des décisions sur l’avenir d’internet », avait attaqué Google sur son blog « Take Action ». Selon le groupe, certaines des modifications proposées « pourraient accroître la censure et menacer l’innovation » qui est le plus souvent américaine. « Cela pourrait limiter l’accès à l’information, particulièrement dans les pays émergents », a-t-il affirmé. Sur ce site, le groupe propose aux internautes de se mobiliser en signant une pétition. Il y explique que, « les gouvernements ne doivent pas décider seuls de l’avenir d’Internet. Les milliards de personnes qui utilisent le Web et les experts qui le conçoivent et l’entretiennent, doivent également participer aux discussions. » C’est à se demander, en cette veille de Noël, si Google ne se présente pas ainsi en bon apôtre du mécénat et de la générosité chrétienne ?! Dans cette gigantesque affaire où tout n’est pas franchement noir ou totalement blanc, le traité de 1988, pourtant appelé Traité international de régulation des télécommunications, avait permis l’éclosion et le développement structurel et économique du Net tel qu’on le vit aujourd’hui. Depuis, des trillions et des trillions d’octets ont coulé sous les ponts du Web. Il y a alors ceux qui veulent mettre en place des systèmes de facturation des flux de données qui pourraient nuire au peering, à la base d’une certaine liberté et d’une certaine transparence dans les échanges entre pays et opérateurs. Il y a désormais la Chine et la Russie qui souhaitent aussi qu’une entité internationale récupère les pouvoirs et compétences de certaines institutions internationales, non affiliées à des gouvernements, comme l’IETF ou l’ICANN. Sur ce point, qui n’est pas de détail et loin d’être anodin, Russes et Chinois ont raison. L’IETF, l’Internet Engineering Task Force, groupe informel et certes ouvert à tous les techniciens du monde entier, produit les nouveaux standards de l’Internet, sous une large influence américaine. L’ICANN, pour Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, c’est-à-dire l’autorité d’attribution de domaines et de numéros sur le Net est une société américaine, créée sous l’autorité de l’ancien vice-président démocrate Al Gore. Bien que de droit californien, ses décisions s’imposent aux Etats du monde entier. C’est une sorte d’ONU, mais sans Conseil de Sécurité et sans droit de véto pour quiconque. On comprend alors que les motivations économiques servent au mieux à accompagner des considérations politiques plus ou moins claires. Pour les uns, le contrôle. Pour les autres, la poursuite de l’hégémonie. C’est net. Le premier groupe, qui nous intéresse le plus, nous Algériens, se compose de pays en voie de développement ou émergents et montant en puissance, qui verraient bien les Etats-Unis lâcher un peu du lest et contrôler moins étroitement certaines institutions, comme l’ICANN et l’IETF, au cœur du fonctionnement d’Internet. Un peu à la manière des non-alignés des années Tito-Nasser-Boumediene, ces pays aimeraient pouvoir peser dans la balance d’influence du Net et de son économie. Il y a assurément dans la position des USA un chouïa d’hypocrisie. Rappelons-nous donc de l’affaire Megaupload et de l’intervention manu militari, pilotée par le FBI contre le site. Dans cette gigantesque partie de poker-menteur on trouve finalement ceux qui prônent la liberté absolue tout en se gardant de céder une seule part du gâteau économique, les USA, bien évidemment. Et les autres, c’est-à-dire Chinois et Russes notamment qui veulent une part de la galette des rois tout en s’ingéniant à vouloir restreindre chez eux le champ des libertés. Entre, les deux blocs, des Non-alignés qui veulent un NOMN, un Nouvel Ordre mondial numérique, avec l’espoir secret de glaner des miettes de la tarte économique tout en s’évertuant à contrôler la liberté de leurs citoyens. Entre ces trois blocs, un grand absent : les associations représentants les citoyens du monde qui sont le peuple de l’Internet et la source de son économie. Nécessité de changer et répartir les pouvoirs, certes ! Besoin crucial d’éviter que certains pays autoritaires ou à déficit démocratique évident mettent la main au cœur d’Internet, c’est tout aussi vrai ! Dans les abysses du Net et dans les coulisses politiques du Web se joue l’avenir de ce qui est désormais plus qu’un méga-média. Alors, quelle que soit l’orientation finale, on peut craindre pour l’essentiel, au-delà des enjeux économiques et de pouvoir : nos chères libertés citoyennes.

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