Faudrait-il donc considérer le blocage des trois derniers ISP algériens comme une victoire nationale ? Quarante ans après les premières connexions du « réseau des réseaux » et vingt ans après la création de l’interface de navigation Web », la réponse à cette question montrera la voie et la stratégie de l’Algérie pour les prochaines années bien que la méconnaissance soit celle qui engendre la méfiance et la peur. Une réaction bien humaine, mais il semble qu’on attend un peu plus de sérieux de nos élites.
« Ce qui nous arrive est tout simplement une asphyxie programmée», déclarent à l’unisson SLC, IcosNet et Anwarnet. C’était lors d’une conférence organisée pour la circonstance à l’hôtel El Aurassi. Les trois opérateurs ont expliqué devant un parterre de journalistes, de juristes et de spécialistes des TIC que le dialogue avec l’ARPT est devenu chose impossible. « Nous étions plus d’une centaine de fournisseurs Internet et, aujourd’hui, il ne reste que trois ISP qui fonctionnent. Nous sommes des petites PME. Il est très facile d’ébranler notre équilibre », souligne Lotfi Nezzar tout en ajoutant que « c’est pour cela que nous sommes ici ce soir, pour alerter les autorités et l’opinion publique sur la situation dans laquelle nous nous retrouvons ». Successivement, les trois opérateurs télécoms ont mis en relief les problèmes et les blocages qu’ils subissent. « Nous acceptons de mourir sur le marché mais nous refusons de mourir administrativement », termine Fadi Gouasmia. Les trois opérateurs qualifient la dernière demande (voir IT Mag numéro 267 et ici et ici aussi et encore là aussi) de l’ARPT, pour laquelle les trois opérateurs télécoms ont déposé un recours auprès du Conseil de l’Etat, de « mise en faillite programmée » de la part d’une institution censée assurer la régulation, les protéger mais aussi les aider dans le marché des télécoms car la finalité, c’est le consommateur qui doit avoir le choix d’autant plus que l’Algérie accuse un très grand retard dans l’Internet et le monde digital. Les dernières études mondiales montrent que l’Algérie est dans les dernières places. En effet, selon le Global Information Technology du Forum de la Banque mondiale le classement de l’Algérie n’a cessé de reculer pour rejoindre la queue du peloton : 80e sur 122 pays en 2007, puis 88e sur 127 en 2008, puis 108e sur 134 en 2009. Concernant les tarifs, les trois ISP parlent de « très onéreux prix de la ligne spécialisée » qui se répercute directement sur le prix d’abonnement de l’Internet. Il cite à titre d’exemple le cas Alger-Ouargla qui coûte la somme de 25 millions de dinars par mois auquel il faut ajouter la bande passante, ce qui ne leur permet pas de proposer leurs offres aux particuliers. De plus, disent-ils, « nous insistons à dire qu’il y a eu bel et bien l’institution d’une nouvelle redevance. Pour preuve, la décision n°18 du 18 juin 2012 ». Tous les spécialistes nous disent qu’il y a une certaine prise en main de l’Internet malheureusement, ce processus de reprise en main de l’Internet se déroule sans que les législateurs, ni les autorités de régulation s’interrogent suffisamment sur les évolutions souhaitables et nécessaires du droit qui doivent tenir compte des nouvelles capacités que les technologies numériques offrent aux citoyens, à l’entreprise et à l’emploi. En aparté, Lotfi Nezzar nous dit : « Je préfère réfléchir aux enjeux de croissance par le numérique, à l’emploi et à la compétitivité de l’Algérie dans ce secteur, aux développements de nouveaux usages en matière de santé, d’éducation ou encore d’apprentissage… ».La « sagesse », c’est ce que demandent encore les trois ISP pour le bien de tous et les trois conférenciers – SLC, Anwarnet et IcosNet- réclament tout simplement « l’application de la loi en vigueur ». Et pour ne pas paraphraser une maxime assez connue, trop de régulation tue la régulation, et… l’Internet avec. Enfin, les trois ISP font travailler plus de 300 ingénieurs et techniciens et servent plus de 1 500 entreprises avec un investissement de plus de 35 millions de dollars. Dossier à suivre de très près.