Avec la généralisation de l’utilisation d’Internet dans notre société, de nombreux utilisateurs sont devenus dépendants des sites spécialisés dans la santé et n’hésitent pas à se renseigner sur toute douleur qu’ils ressentent. Une manière pour eux de comprendre leur mal même si certains vont plus loin en achetant des médicaments conseillés par les « experts » qui animent ces sites spécialisés
Une attitude qui ne cesse de gagner du terrain dans notre société, notamment chez les jeunes qui veulent tout comprendre sur leur état de santé sans pour autant éprouver la peine de se déplacer chez un médecin. En un mot, ils tentent d’être thérapeutes d’eux-mêmes et ne mesurent pas les conséquences préjudiciables de cette façon de faire. Pourtant, la plupart des internautes qui se rendent sur les sites spécialisés dans la santé sont des universitaires et devraient être plus vigilants quant aux dangers de l’automédication. « Ces sites spécialisés sont animés par des médecins expérimentés qui ne peuvent donner que des orientations utiles pour les patients. Nos médecins sont-ils mieux formés que ceux exerçant dans les plus grands hôpitaux en Europe ou en Amérique ? Nous sommes convaincus que nos médecins consultent eux aussi ces sites. Avec le développement de la technologie, nous devons nous libérer de certaines pratiques anciennes et surtout ne pas perdre du temps », argumentent certains jeunes internautes. « Nous achetons les médicaments conseillés sur les sites spécialisés et ça donne vraiment de bons résultats », se félicitent-ils. Nos interlocuteurs, tous diplômés de l’école supérieure de commerce, exercent comme délégués commerciaux dans une grande entreprise étrangère. Il est vrai que dans la plupart des sites spécialisés, il y a cet appel aux internautes à consulter d’abord un médecin. Une étape de grande importance qu’ignorent nos jeunes qui semblent tout le temps pressés au point de négliger leur santé. Si les internautes sont inconscients, les pharmaciens qui vendent des médicaments sans prescriptions médicales ont aussi une grande part de responsabilité car dans plusieurs situations les traitements conseillés sur les sites spécialisés ont des effets néfastes sur la santé. Et les témoignages ne manquent pas concernant ce phénomène.
Des dangers insoupçonnés
Nabila, la trentaine, est l’une des victimes de l’« addiction » aux sites spécialisés dans la santé. Mariée depuis huit mois, cette secrétaire dans une banque publique n’a pas osé se rendre chez un gynécologue pour savoir si elle était enceinte. « Je me rendais sur un site spécialisé. Je me renseignais sur les symptômes de grossesse. En janvier dernier, et après m’être rassurée que je n’avais aucun signe, je suis allé dans un hammam. Avec l’eau chaude, j’ai perdu beaucoup de sang. Et quelle était ma déception quand une femme âgée m’a informée que j’étais enceinte et j’ai perdu mon enfant. La femme était sûre d’elle-même et m’a expliqué que les symptômes de grossesse n’apparaissent parfois qu’après trois mois de grossesse chez certaines femmes. Je n’ai pas osé informer mon mari. Le lendemain, je suis allé chez une gynécologue qui a confirmé la situation », témoigne-t-elle. Depuis cet incident, Nabila a juré de ne plus consulter les sites en question. « Dieu merci, je suis actuellement enceinte de deux mois et je ferai tout pour appliquer les orientations de mon médecin. J’étais inconsciente et je croyais tout ce qui existe sur Internet », affirme-t-elle. Notre interlocutrice lance un message à ceux qui continuent de se renseigner sur leur état de santé à partir de la Toile. « Il faut être vigilant, ces sites contiennent des informations incorrectes et parfois seul un spécialiste en médecine peut en comprendre le contenu. Consultez les médecins et votre santé est plus importante que tout le reste », signale notre interlocutrice.
Un produit de beauté a « déformé » son visage
Nombreuses sont les femmes qui appliquent les consignes relatives à la beauté qu’elles trouvent sur les sites spécialisés. Elles achètent des produits annoncés sur ces sites consacrés généralement à faire la publicité pour des laboratoires pharmaceutiques et parapharmaceutiques. Toutefois, certains produits ont des effets néfastes sur des peaux sensibles. C’est le cas de Hanane, 28 ans, qui a été contrainte de subir une opération de chirurgie esthétique pour « réhabiliter » son visage. « Tout a commencé lorsque j’ai acheté une pommade censée avoir des effets positifs pour rendre la peau douce et agréable. C’est une pommade qui coûte cher et qui est très demandée sur le marché. Je l’ai appliquée avec l’espoir de voir disparaître les boutons. Toutefois, au bout d’une semaine, mon visage est devenu rouge avec plein de rides. J’étais choquée et je me suis vite rendue chez un dermatologue. Le médecin m’a expliqué que la pommade était incompatible avec ma peau. Il m’a expliqué que seule une opération de chirurgie esthétique pouvait me guérir », se rappelle-t-elle, sur un ton de regret. « J’étais contrainte de solliciter mes copines et mes collègues de travail pour rassembler la somme de 150 000 dinars exigée par le chirurgien. Dieu merci, l’opération a réussi et je suis devenue comme avant. Je conseille à toutes les femmes de ne pas s’aventurer à utiliser des produits sans prendre l’avis d’un médecin spécialiste », conclut notre interlocutrice. Hanane n’est certainement pas la seule victime de cette campagne de publicité « atroce et acharnée » qui est menée par les grands laboratoires parapharmaceutiques sur Internet.
« J’ai détruit mon estomac, je ne mange plus ce que j’aime »
Hamid est aujourd’hui forcé de suivre un régime alimentaire très strict. Il ne peut consommer que des yaourts et certains autres produits sur avis de son médecin traitant. Il croyait qu’il allait gagner du temps et de l’argent, lorsqu’il s’est procuré un traitement contre les douleurs d’estomac conseillé par un site spécialisé. « J’ai acheté un sirop pour calmer les douleurs, mais ce médicament a détruit mon estomac. D’ailleurs, j’étais évacué d’urgence à l’hôpital de mon lieu de travail. Le médecin m’avait expliqué que le traitement ne me convenait pas et que je devais faire des analyses du sang et d’urine pour comprendre ma maladie. Il m’a ensuite prescrit beaucoup de médicaments. Aujourd’hui, je ne mange que les produits conseillés par mon médecin dans l’espoir de guérir totalement. Je regrette d’avoir consulté ces sites maudits. Je croyais être intelligent, mais finalement j’ai brisé ma santé », avoue ce comptable âgé de 32 ans. Son témoignage devrait servir de leçon pour ceux qui continuent à pratiquer l’automédication à travers Internet.
Une responsabilité partagée…
Les effets indésirables de l’automédication à travers Internet sur la santé ne sont pas la seule responsabilité des internautes inconscients. Il y a d’abord l’absence totale de campagnes de sensibilisation sur ce sujet pourtant très sensible. A ce jour, aucune association, ni organisation de la société civile, ni même les écoles et les universités n’ont osé expliquer aux citoyens les dangers de cette « addiction » préjudiciable. Les pharmaciens assument, eux, la plus grande responsabilité en commercialisant des médicaments sans prescriptions. L’aspect commercial a en effet pris le dessus sur la notion du service public qu’ils devaient assurer. Pour leur part, les médecins sont appelés à sensibiliser les citoyens en organisant des journées de formation ou même en lançant des conseils sur… Internet. Les médias ne sont pas épargnés et ils doivent contribuer contre ce fléau qui risque d’avoir de lourdes conséquences sur la santé publique.