11 décembre 2024

Global IT Report 2012 du Forum économique mondial : L’Algérie est-elle malade de ses TIC ?

Les données, chiffres, statistiques et spécialement les notes affichés dans le Global IT Report 2012 dans la partie qui concerne l’Algérie donnent à réfléchir sur l’opportunité de tenir les « états généraux des TIC » dans le pays. Quand bien même on aurait fait abstraction de toutes ces données d’analyse ; le terrain, le vécu de tous les jours, apportent à leur manière leur part de vérité. Il n’est pas question d’une critique inutile mais seulement de rendre compte d’un rapport fait par des professionnels en la matière.
Fraîchement mis en ligne, le Global Information Technology Report 2012 du Forum économique mondial dresse les derniers résultats obtenus du Network Readiness Index (NRI) ; un indice qui définit la place qu’occupent les TIC dans la vie d’un pays, l’usage et le bénéfice qu’il en tire ainsi que les interactions dans tous les domaines liés de près ou loin à la connectivité. L’édition de cette année du rapport se caractérise par le nombre record de 142 économies passées à la loupe, à la fois issues de pays en voie de développement et développés. Un classement a donc été établi selon le degré auquel ces économies ont pu transformer en un effet de levier les TIC pour le bénéfice de leur compétitivité ainsi que le cadre de vie de leur population. L’indice NRI a été mesuré selon les impacts économique et social des TIC en se basant sur la prédisposition et la capacité de l’environnement national à tirer profit de leur utilisation, les facteurs qui interagissent au sein d’un écosystème ; un cadre politique capable de donner des orientations claires et d’identifier les opportunités de partenariat public-privé ; un paysage réglementaire capable de soutenir des niveaux élevés d’utilisation des TIC dans un marché sain et des conditions d’égalité entre tous les acteurs?
Depuis 2002 que l’indice a été mis en place par le Forum économique mondial, les profils pays sont restés plus ou moins stables, à part quelques ajustements mineurs au niveau des variables afin de mieux refléter la dynamique ainsi que les  tendances dans le paysage technologique. « Cela a permis d’arriver à des comparaisons significatives dans le temps et de créer une base de données précieuse des mesures technologiques. Toutefois, l’industrie des TIC a considérablement changé depuis cette date et ses effets sont de plus en plus forts sur la transformation de nos économies et de nos sociétés. Plus précisément, au cours de la dernière décennie, le monde est devenu de plus en plus ‘‘ hyperconnecté’’. Nous vivons dans un environnement où l’Internet et les services associés accessibles et immédiats, où les gens et les entreprises peuvent communiquer les uns avec les autres instantanément et où les machines sont également interconnectées les unes aux autres. La croissance exponentielle des appareils mobiles, des données et les médias sociaux sont ont accéléré ce processus d’hyperconnectivité.
Par conséquent, nous commençons à voir des transformations fondamentales dans la société », écrivent les rédacteurs du rapport. Dans ce classement, nous retrouvons les habitués qui culminent en haut du podium, principalement les pays nordiques, Pays-Bas et compagnie, Corée du Sud, Etats-Unis?
Ne nous voilons pas la face, l’Algérie occupe? le bas du tableau ! D’ailleurs, le pays a même perdu une position comparativement au même rapport de l’année dernière qui la classait à la 117e position sur un total de 138 pays scrutés. Et là sur 142 pays, l’Algérie est classée 118e. Pourquoi ? Pour le Forum économique mondiale, qui a constitué ses données d’analyse en s’associant à des organismes de recherche du pays ciblé, l’Algérie « est à la traîne et ne bénéficie pas des impacts de transformation des TIC, en particulier dans son économie [d’où une position de 140e] ». Mais le plus étonnant, c’est que le rapport parle d’un « faible niveau de développement des infrastructures TIC, couplé à l’insuffisance des compétences disponibles, ce qui traduit la faiblesse du taux d’absorption des technologies par tous, en particulier les entreprises et les individus ». Le rapport se montre sans complaisance dans le domaine de l’investissement où il écrit que « dans le cas de l’Algérie, l’état des affaires est très défavorable [à la 137e], agissant comme un frein à l’innovation et limite la capacité des efforts, déjà rares, visant à accélérer l’impact de l’innovation sur le plan économique ». « S’attaquer à ces faiblesses dans un temps opportun sera crucial pour [l’Algérie] pour commencer à tirer son économie nationale vers une économie basée sur la connaissance à forte productivité des activités. » C’est un contraste total par rapport au discours officiel. Les initiatives ne font pourtant pas défaut et tous les secteurs y vont de leurs projets en matière de TIC. Cependant, à voir le classement de l’Algérie établi par le Forum économique mondial, en s’appuyant sur le Centre national de recherche en économie appliquée et en développement (CREAD), nous sommes encore très loin des normes.
Qu’on en juge : sur l’indice général, le NRI 2012, l’Algérie est à la 118e position; et dans le détail des éléments qui constituent cet indice; nous avons ce qui suit : dans la rubrique « environnement politique et réglementaire et innovation », l’Algérie est classée 136e ! Mis à part un document avec pour nom « e-Algérie 2013 » dans lequel sont consignés des lignes d’objectifs, il est vrai que jamais un débat sur les choix du pays en matière de TIC n’a été engagé dans sa dimension « politique » mais dans son acception stratégique ; pas de feuille de route, pas de schéma-directeur? A vrai dire, aucune « clarté ». Nous pouvons mieux comprendre alors pourquoi « sur l’efficacité du Parlement ou des institutions nationale de décision », nous occupons la 114e place et dans la sous-rubrique « Politiques liées aux TIC », nous caracolons à la 130e position. Dans l’« innovation », on ne fait pas mieux ! Les derniers chiffres de l’INAPI en matière de dépôt de brevets (2010) ne font que conforter le Global IT Report 2012 puisque sur toute l’année, seulement 15 enregistrements proviennent des universités ou d’instituts ; et encore, l’INAPI ne précise pas s’il s’agit du domaine IT. Pour en revenir au rapport, dans la rubrique « Infrastructures », l’Algérie se positionne à la 88e place. Les efforts existent donc, et depuis les 5 dernières années, l’« infrastructure » a été quasiment l’« obsession » des pouvoirs publics. Néanmoins, c’est encore insuffisant, selon le Forum économique mondial. En ce qui concerne « l’utilisation des TIC par le particulier et les entreprises », là aussi, l’Algérie se trouve à la 127e position. « L’impact économique et social », lui, est quasi nul. Les technologies de l’information et de la communication, du moins d’après le rapport, n’ont eu aucun impact aussi bien économique que social sur la population avec une très peu enviable 140e position. Sur ce point précis, avec les moyens, les potentialités et les capacités que nous connaissons à l’Algérie, nous sommes juste au-dessus du Burundi et du Yémen qui clôturent cette rubrique.
Dans la rubrique « efficacité de la régulation à statuer sur des différends », là encore? 103e place. Quant au « respect de la propriété intellectuelle », nous occupons la 135e place sur un total, est-il utile de le rappeler, de 142 pays. Le rapport continue ainsi sur plusieurs rubriques et chaque fois, l’Algérie occupe un très mauvais positionnement.  Nous ne pouvons même pas nous targuer de posséder les dernières technologies étant donné que même dans ce volet, le rapport nous place à la 122e position. Pourtant, ce n’est pas l’argent qui manque? juste la décision !
D’autres indications, pourtant puisées de sources connues telles que l’Union internationale des télécommunications, font ressortir des taux d’utilisation des TIC très faibles. Le taux de foyers équipés d’un ordinateur est de 20% alors que les foyers connectés ne représentent que 10% pour seulement 2,5 abonnés à Internet sur 100 habitants.
Maintenant que l’Algérie dispose de ces données du rapport, qu’elle possède un aperçu de ce qui a été accompli ; que compte-t-elle faire ? C’était justement la question que nous voulions poser au représentant du ministre de la Poste et des Télécommunications chargé de la communication. Pas de réponse au bout du fil?  Pour le rapport, les nouvelles technologies de l’information sont loin d’être une priorité pour le gouvernement (123e place) et c’est encore plus parlant en termes de volonté politique et stratégique à mettre en œuvre un plan clair pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication afin d’améliorer la compétitivité globale du pays.

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