« La télémédecine est une évolution bénéfique nous en conviendrons mais elle ne peut ‘‘téléformer’’ du personnel à des actes chirurgicaux qui requièrent un encadrement pratique, ne serait-ce que pour pallier les difficultés techniques ou les éventuelles complications qui sont des risques inhérents à tout acte opératoire », note le Pr M. T. Megherbi
C’est en présence du ministre de la postes et des TIC, M. Benhamadi, de son homologue de la Santé et de la Réforme hospitalière,
M. Ould Abbès, des chefs de service, des professeurs du CHU et de nombreux participants que le lancement officiel du premier pont de relais télé-médical entre le CHU Bab El Oued et l’établissement de santé public de Laghouat a été effectué.
Une initiative novatrice qui rentre dans le cadre d’une convention signée le 3 juillet dernier par les deux départements ministériels. Convention qui aura pour objectif de mettre en liaison d’ici à fin décembre 5 centres hospitalo-universitaires du Nord, notamment les CHU de Bab El Oued, Mustapha Bacha, Tizi Ouzou, Oran, Constantine, à 13 établissements de santé public, moins bien lotis situés dans les Hauts-Plateaux et le Sud du pays, dont Laghouat, Béchar, Adrar, Tamanrasset, Tindouf, Illizi, El Bayadh, Ouargla, Ghardaïa, Naâma, Biskra…
Une démonstration prévue pour l’occasion a permis pour la première fois aux praticiens de Laghouat et à leurs confrères d’Alger de débattre à distance de 6 dossiers médicaux de patients posant des problèmes de diagnostics et thérapeutiques. Une séance de télé-expertise réussie grâce à la transmission en temps réel par téléconférence des signes physiques dont soufraient les patients, des radiographies et autres examens complémentaires. L’Algérie n’en est pas à sa première expérience en matière de télémédecine. Le président du Conseil scientifique du CHU de Bab El Oued, le professeur Boudjemâa Mansouri, le confirme : « Depuis une dizaine d’années déjà, la téléformation a fait ses premiers pas dans nos services, cela nous a permis de bénéficier de formations et d’avis spécialisés provenant d’hôpitaux français.» Il a ajouté aussi : « Cette nouvelle façon de pratiquer la médecine est régie par le code d’étique médical en vigueur, elle nécessitera l’instauration d’un cadre juridique défini pour assurer une utilisation optimale et sécurisée.» Pour le ministre; « les technologies de la communication et de l’information ont pour principale vocation d’être au service des citoyens, cette mise en expérimentation de la télémédecine en Algérie en est l’exemple concret » et justement, la télémédecine, qui est l’alliance parfaite entre la pratique médicale et les technologies de l’information et de la communication, aura pour but d’améliorer l’accessibilité aux soins ainsi que leurs qualités grâce à la rapidité des échanges à distance entre professionnelles de la santé. Son homologue de la Santé, M. Djamel Ould Abbès insistera, lui, sur le fait que la télémédecine représente une grande opportunité pour lutter contre les disparités en matière de santé : « Dans un souci d’équité et grâce à la télé-médecine, les citoyens pourront disposer des compétences nécessaires où qu’ils soient en Algérie car ce n’est pas en affectant des spécialistes au Sud que le problème sanitaire se réglera ».
Les applications qui tendront vers ce but sont le télédiagnostic, comprenant la télé-expertise qui est l’assistance au diagnostic à distance pour pallier le manque de spécialistes; la téléformation qui améliorera considérablement les prestations de santé par une formation continue à distance des praticiens du sud en attendant la prochaine création de CHU notamment à Béchar, Ouargla et Laghouat. De plus, la limitation des nombreux transferts inutiles des malades et les risques qui leur incombent apporteront et assureront des économies à la sécurité sociale. On se demandera tout de même si ces ambitions sont compatibles avec la réalité du terrain, notamment en ce qui concerne cette notion d’« équité », car ne l’oublions pas, le grand handicap des hôpitaux du Sud est le manque de moyens aussi bien techniques qu’humains. Les patients ont par fois beaucoup de mal à accéder à des examens complémentaires de routine indispensables à leur suivie. L’exercice de la médecine se retrouve restreint ou au mieux fait appel à « l’inventivité » des praticiens.
D’autant plus que la téléformation ne s’applique pas à tous les domaines de la médecine. Le professeur M. T. Megherbi, chirurgien général installé dans la wilaya de Biskra, nous l’explique bien : «La compétence d’un chirurgien se fait à force d’expérience et d’encadrement, et les jeunes diplômés envoyés dans le cadre du service civil -livrés à eux-mêmes- ont souvent du mal à faire face aux nombreux malades. La télémédecine est une évolution bénéfique nous en conviendrons mais elle ne peut ‘‘téléformer’’ du personnel à des actes chirurgicaux qui requièrent un encadrement pratique, ne serait-ce que pour pallier les difficultés techniques ou les éventuelles complications qui sont des risques inhérents à tout acte opératoire. » Il conclut en affirmant qu’« espérer une remise à niveau de la santé en Algérie par ce moyen relève de l’utopie ». Une initiative qui reste tout de même à encourager d’autant plus que les progrès grandissants de la télémédecine dans les pays développés ont permis des avancées importantes dans des domaines tels que la recherche, grâce aux études épidémiologiques facilitées par les bases de données regroupant les dossiers médicaux, la téléchirurgie qui permet la manipulation du matériel médical à distance ou encore la télégestion des hôpitaux… De nombreuses avancées qui ne peuvent qu’être bénéfiques à un domaine médical avide de technologies.
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