Internet fait-il si peur aux Etats policiers au point de les pousser à le fermer même si ces mêmes Etats encourageaient son adoption lorsque le vent était en leur faveur ?
Partons pour l’Egypte; ce pays jusqu’alors connu pour son histoire et qui entre une nouvelle fois dans l’histoire… comme étant le premier pays ayant littéralement fait disparaître Internet. Un évènement abrupte et à contre-pied de l’image que l’on se fait d’Internet. On nous avait vendu Internet comme étant un réseau global, total et interactif et ne s’arrêtant jamais et qui plus est fabriqué par et pour les militaires américains. Mais ce n’est pas venu tout de suite. L’apprentissage est passé par là.
Premier acte : cela a débuté en Iran en 2009. Le président réélu, devant les mises en doute sur la véracité des résultats, bloque très rapidement les sites d’opposition et autre Facebook ainsi que les lignes téléphoniques fixes pour minimiser la grogne. Mais il oublie Twitter, le réseau de micro-blogging qui était encore très peu connu en Iran à cette époque.
Les geeks, bloggeurs, journalistes et opposants vont alors se ruer sur Twitter et raconter au monde ce qui se passe avec140 signes que leur permet ce site de micro-blogging.
Et là, encore une première dans l’histoire, comme Twitter allait arrêter le service pour de la maintenance, l’administration d’Obama va demander à la start-up californienne d’annuler sa mise hors ligne.
Deuxième acte : la Tunisie de Ben Ali avait totalement mis sous le coude Internet et comme prévu, manifestants et opposants s’organisent via Internet et le mobile tandis que le gouvernement tente d’en bloquer les principales plaques tournantes. A partir de ce moment, intervient le groupe « Anonymous », qui se présente comme un groupe ouvert et sans hiérarchie de hackers répartis à travers le monde, et qui va attaquer les sites gouvernementaux tunisiens et donner aux citoyens tunisiens les moyens de contournement de la censure car la police tunisienne avait lancé une campagne de piratage de comptes Facebook qui consistait à subtiliser les mots de passe afin de fouiner dans les messages privés. Même Facebook s’en est mêlé et a durci sa sécurité. Résultat, sur le Net, la victoire est clairement du côté des opposants, qui arrivent au final à communiquer au monde et s’organiser entre eux via le réseau et le mobile et ce, malgré les efforts de censure du gouvernement. Troisième acte : le 27 janvier, l’Egypte coupe tout simplement tout l’Internet en donnant l’ordre aux 4 ISP égyptiens (Link Egypt, Vodafone/Raya, Telecom Egypt et Etisalat Misr) de couper les lignes internationales. Entretemps, les lignes mobiles et fixes ont été coupées. Une coupure totale, brutale et historique. Ce coup-ci, plus de Twitter, de contournement possible ou d’aide de gentils hackers de l’extérieur. Seul le téléphone satellitaire fonctionnait.
La spectaculaire censure du gouvernement de Moubarak ne s’est pas faite via un gros coup de hacking ou un bouton rouge ou un « kill switch ». D’après les spécialistes, la manière dont les ISP qui ont fermé progressivement et chacun à leur rythme l’accès au Net montre que cela a été fait à l’ancienne : avec un bon coup de pression au téléphone.
Acte final : au-delà du fait qu’à travers ce qui s’est passé en Egypte où l’on saisit qu’Internet soit si fort mais si fragile en même temps se posent d’autres questions. Allons-nous vers des réseaux Internet parallèles ? Vers des réseaux Internet par pays ? Ou vers un réseau sécurisé mais contrôlé ? Ou bien un réseau libertaire mais hors de tout contrôle ? Car aujourd’hui, Internet mixe l’ensemble tant qu’il le peut, mais demain ?