Six mois après avoir annoncé vouloir se pencher sur le sujet, l’Autorité de la concurrence francaise a enfin publié son verdict : les sociétés ayant une activité d’opérateurs mobiles mais aussi Internet (FAI) peuvent croiser leurs bases clients.
Une victoire pour Orange
Une nouvelle d’une grande importance, à plus d’un titre. Non seulement cela signifie que SFR et Bouygues Télécom peuvent continuer à croiser leurs abonnés mobiles et internet. Mais surtout, Orange, leader des deux marchés (47 % des abonnés Internet et près de 40 % des abonnés mobiles), pourra lui aussi croiser ses abonnés, même si l’Autorité avoue que « la mise sur le marché d’offres de convergence par Orange présente des risques pour la concurrence, notamment tant que la situation restera bloquée sur le marché mobile : elle mérite une attention au cas par cas ».
Pour Orange, il s’agit d’une grande nouvelle, l’opérateur évitant jusqu’à aujourd’hui d’utiliser ses deux bases clients pour recruter, « en raison de l’incertitude quant à la qualification de ces pratiques au regard du droit de la concurrence » notait déjà l’Autorité l’année dernière.
L’opérateur historique, qui souhait des éclaircissements sur ce point, pourra donc imiter SFR et Bouygues Télécom, qui ne se gênent pas depuis des années pour contacter leurs clients mobiles pour les attirer vers leurs offres Internet (et vice-versa), et ce sans compter les divers avantages (notamment des réductions importantes) qui leur sont proposés.
Quid de Free ?
« L’Autorité de la concurrence entend examiner la question de l’utilisation croisée des bases de clientèles et notamment évaluer les effets qu’elle pourrait avoir sur le marché du haut débit et du mobile » nous expliquait-on fin 2009, tout en sachant qu’un opérateur en particulier subissait de plein fouet cette pratique : Free.
Il est vrai que le trublion d’Internet ne dispose d’aucune base client mobile, contrairement à ses trois principaux concurrents. L’autorité met d’ailleurs un bémol à la possibilité de croiser les abonnés Orange.
« Compte tenu des barrières à l’entrée sur le marché mobile, la généralisation des offres de convergence (de type quadruple-play, comme Ideo de Bouygues Telecom, ndlr) pourrait distordre la concurrence au bénéfice des trois opérateurs mobiles en place et au détriment des autres opérateurs. En effet, dans un secteur qui s’oriente vers le modèle d’opérateur universel proposant au consommateur des offres « tout en un », un opérateur, même efficace, qui éprouverait des difficultés pour pénétrer l’un des marchés concerné, pourrait se trouver gravement pénalisé dans l’exercice de la concurrence et risquer à terme l’éviction. Ce risque pourrait être atténué si le quatrième opérateur mobile, Free, bénéficiait rapidement d’une prestation d’itinérance sur l’un des réseaux en place, non seulement pour la 2G mais aussi pour la 3G compte tenu du très fort succès des smartphones et des « clés 3G ». Or l’Autorité note que les négociations butent actuellement sur ce point. »
Certaines rumeurs ont en effet laissé entendre que le triumvirat actuel ne comptait pas négocier quoi que ce soit avec Free Mobile concernant la 3G, mais il semble n’en être rien, même si aucun accord n’a encore été réalisé. Qui plus est, l’offre de Free Mobile ne devrait pas apparaître avant 2012. Nous avons donc le temps de voir venir.
La domination d’Orange peut être problématique
L’Autorité de la concurrence (ARCEP) note deux autres problèmes liés à la convergence :
1. « la généralisation des offres de convergence risque d’accroître encore les coûts de changement d’opérateur pour le consommateur » du fait d’un cumul des problèmes des différents forfaits : engagement longue durée pour le mobile, portabilité des numéros encore imparfaite et coût de fermeture de ligne pour Internet.
2. « en deuxième lieu, les offres de convergence présentent un risque de verrouillage, non plus uniquement des clients, mais des foyers : lorsqu’un foyer dispose d’un abonnement Internet haut débit et de plusieurs abonnements mobiles, les avantages techniques ou tarifaires des offres de couplage et de convergence incitent ses membres à migrer vers le même opérateur pour tous leurs besoins. Or ce mouvement a de fortes chances d’avantager mécaniquement les opérateurs qui disposent des meilleures parts de marché (« effet club »). »
Reste que pour l’Autorité, l’utilisation croisée des abonnés par Orange ne devrait pas distordre la concurrence, hors convergence. Tout simplement parce que rien n’empêche les concurrents de contacter les abonnés des autres sociétés. De plus, il semble que « l’évolution récente des parts de marché en faveur de ces derniers (SFR et Bouygues Télécom, ndlr) soit davantage liée à l’attractivité tarifaire des nouvelles offres de couplage proposées aux consommateurs, ou à d’autres facteurs comme la qualité de service, qu’à l’utilisation croisée de bases de clientèle ».
Une sortie douloureuse, mais une entrée peu coûteuse
De plus, si l’Autorité note un possible surcoût pour le consommateur lorsqu’il souhaitera changer d’opérateur, elle remarque aussi que les offres quadriplay ont de multiples intérêts, notamment économiques. « L’utilisation croisée des bases de clientèle et les offres de couplage sont bénéfiques pour les consommateurs : elles peuvent dégager des économies de coûts susceptibles d’être transmises aux consommateurs au travers de baisses de prix et d’accroître l’intensité de la concurrence par un abaissement des barrières à l’entrée. »
Résultat des courses, l’Autorité de la concurrence :
• ne voit aucun problème à ce que SFR et Bouygues Télécom croisent leurs abonnés, et proposent des offres de convergence (type quadriplay)
• ne voit aucun problème à ce qu’Orange croise ses abonnés, mais concernant une éventuelle offre de convergence, elle préconise l’adoption de mesures pour prévenir les risques de verrouillage du marché, du fait de sa domination
Faciliter le changement d’opérateur serait, par exemple, une solution à ce problème. Tout comme la réduction des durées d’engagements. Une certaine loi Chatel s’était déjà attaquée à cette problématique. Mais cette fois, qui mettra en place de telles mesures ? L’Autorité souhaite que les opérateurs eux-mêmes y mettent du leur, cependant, certaines mesures « peuvent nécessiter l’adoption de textes législatifs ou réglementaires » précise-t-elle.
Quoi qu’il en soit, Orange fera une annonce importante le 1er juillet prochain a récemment affirmé Stéphane Richard, le patron de France Télécom Orange. Une offre quadriplay sera peut-être dévoilée ce jour là.