14 janvier 2025

Boris A. Sharov, CEO de Dr. Web : «On vise les clients qui apprécient la sécurité sans compromis»

Propos recueillis par Abdelkader Zahar
Etes-vous bien protégés ? Le CEO de Dr. Web vous l’explique. Direct, franc et sans détour, Boris A. Sharov nous éclaire sur les enjeux du marché des antivirus. Il nous explique qu’au-delà des qualités techniques de chaque logiciel (liées à sa rapidité et son efficacité), l’utilisateur doit prendre en compte d’autres paramètres pour le choix de son antivirus. Le «code source» est le plus important parmi ces paramètres. Rares sont les fabricants qui acceptent de le donner, ce qui laisse un doute sur leurs véritables intentions. A. Sharov affirme clairement que certains constructeurs laissent faire certains programmes malveillants. Des explications dans cet entretien.

It Mag : Vous arrivez sur un segment, en l’occurrence l’antivirus, qui est assez riche en concurrents. Comment comptez-vous décrocher une part de marché confortable ?
Boris A. Sharov : La société et l’équipe Dr. Web ne sont pas les derniers venus sur le marché de l’antivirus. Nous sommes dans cette industrie depuis 1992. On sait de quoi il s’agit. Nous apportons à nos utilisateurs des technologies qui n’ont pas d’équivalent chez les autres. Nous n’avons pas peur de la concurrence. Nous savons dans quel marché nous sommes et comment nous comporter pour gagner de l’argent, ne pas en dépenser beaucoup et garantir un bon produit. La preuve, nous avons plusieurs dizaines de milliers de téléchargements par jour de nos utilitaires de désinfection, à partir du monde entier. Dr. Web est le meilleur des désinfecteurs parmi tous les antivirus.
Qu’est-ce que vous proposez et qui n’existe pas chez les autres ?
Pour les postes de travail et les serveurs fonctionnant sous Windows, nous avons un antivirus très robuste qui sait fonctionner dans les conditions d’infection. C’est-à-dire qu’on peut l’installer sur une machine infectée qu’on peut désinfecter avec Dr. Web.
Votre antivirus assure-t-il un meilleur niveau de protection que les autres solutions ?
D’abord, nous ne disons jamais à nos clients que nous garantissons la «protection complète», parce que le vrai niveau de protection de tous les antivirus ne dépasse pas 40 % des menaces qu’ils ne connaissent pas. Donc, les chiffres de «99 %» qu’on affiche dans les tests c’est faux ! C’est pour cela que nous sommes confiants. Car nous savons de quoi parlent les autres. D’ailleurs, de plus en plus de gens recourent à Dr. Web pour désinfecter leurs machines. Ça nous fait sourire, car ils utilisent d’autres antivirus, mais pour désinfecter leurs ordinateurs, ils ont recours à Dr. Web.
En matière de prix, vous êtes plus cher ou moins cher que vos concurrents ?
En Russie, nous sommes les plus chers dans le segment des utilisateurs privés. Dans ce domaine, le marché a assez de potentiel pour s’accroître même à des prix assez hauts. Dans le segment des entreprises, qui nous apporte 80 % des revenus, on est assez modéré. On ne fait pas de publicité. Notre pub, c’est nos techniciens qui la font avec leur qualité. Mais en fait, on vise les clients qui apprécient la sécurité sans compromis. Par exemple, on entend souvent dire, pour vanter les qualités d’un antivirus, qu’il est «facile à utiliser, facile à paramétrer». Et on oublie que s’il est «facile à utiliser et facile à paramétrer» par un utilisateur, il l’est forcément par un virus. Voilà pourquoi nous essayons de présenter un niveau de sécurité assez haut pour ceux qui l’apprécient. Tout en sachant très bien que ce n’est pas tout le marché qui l’apprécie.
Pourquoi ?
C’est normal, parce que certains regardent l’antivirus comme un outil obligatoire, mais qu’on peut désactiver, ou alors qu’il faut qu’il soit très rapide et doté d’une interface agréable à regarder? Alors que la raison d’existence d’un antivirus, c’est de combattre à chaque instant les milliers d’intrusions par jour. Et il ne doit pas être ni joli, ni facilement opérable. Il doit être silencieux, costaud, stable, savoir traiter n’importe quel événement de l’ordinateur, pour ne pas se permettre d’être renversé par un code malveillant ou un crash de système. Très souvent, l’utilisateur ne voit que l’icône de l’antivirus, mais ne sait pas que l’antivirus n’existe plus dans le système.
Vous ne craignez pas le piratage de votre logiciel ?
Jamais. Pour vous dire, dans les années 90, Dr. Web était le leader absolu sur le marché des antivirus en Russie, quand le marché payant n’existait pas. On était gratuit. Ça nous a endommagé le business, bien sûr, mais quand on a créé la structure entreprise, on a décidé que le piratage est notre dernier souci. Parce que ce sont des gens qui ne savent pas ce qu’ils font. Ils pensent que l’antivirus est un logiciel comme les autres, et le lien avec l’éditeur est superflu. Alors que, très souvent, c’est l’assistance des techniciens qui permet aux utilisateurs qui ont des problèmes avec des virus de surmonter les difficultés. Cela étant dit, les pirates d’aujourd’hui sont nos clients de demain.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Nous avons une croissance assez rapide dans tous les marchés. En Russie, où le marché du logiciel est très piraté, nous avons des centaines de nouveaux clients tous les jours. Ce sont des gens qui n’ont jamais payé leur antivirus avant. Ils ont décidé de payer Dr. Web !
Sur un système d’exploitation, Windows ou Mac OS X, souvent on recherche l’antivirus qui ne plombe pas la machine. Est-ce une bonne démarche, selon vous ?
Je ne peux pas dire que nous sommes les meilleurs, mais a priori, nous sommes les plus légers du monde. Mais, les technologies qu’on utilise très souvent, comme par exemple lorsqu’il s’agit d’analyser un fichier qui contient beaucoup d’autres fichiers, Dr. Web prend de la mémoire et prend du temps pour bien analyser. Ceux qui ne le veulent pas choisissent les autres. Nous le comprenons très bien. Mais à chaque problème, ces utilisateurs regrettent d’êtres allés ailleurs. Il faut savoir que la protection antivirus, c’est un compromis entre la vitesse, l’efficacité et le niveau de sécurité. C’est comme dans une voiture. Vous avez le plaisir de rouler à 200 km/h, tout en sachant que c’est très dangereux pour vous.
Dr. Web est présent en Algérie depuis mars 2010, et déjà l’on parle de quelques marchés décrochés. Confirmez-vous?
J’avoue que c’est un très bon début. Nous sommes vite devenus visibles. Nous avons même décroché des contrats dans le secteur public. Pour nous, c’est naturel. Les gens veulent changer. Dans la masse de gens qui utilisent le leader du marché, il y a toujours ceux qui sont lassés, ceux qui ont eu des difficultés ou tout simplement d’autres qui veulent découvrir de nouvelles solutions. Malheureusement, tout antivirus est condamné à faire face à des difficultés. Parce que c’est un système très complexe intégré au système d’exploitation, c’est ce qui rend difficile le maintien de la balance entre l’efficacité et la rapidité, mais aussi l’invisibilité dans le système.
Est-ce que le fait d’être certifié par le ministère de la Défense de la fédération de Russie vous donne un plus en termes de confiance des utilisateurs ?
Dans certains pays, c’est un atout, mais dans d’autres, c’est plutôt le contraire. On vous dira peut-être que c’est un projet des services secrets russes. Alors que le certificat du ministère de la Défense russe ne signifie qu’une seule chose : qualité mise à part, ils sont sûrs du code source de Dr. Web.
C’est-à-dire qu’il n’y a pas derrière le logiciel des tentatives d’espionnage.
Justement, c’est ce qui est intéressant pour les militaires. Alors qu’aucun autre antivirus n’a consenti à présenter son code source.
Ne pas connaître le code source est donc considéré comme un danger.
Sans aucun doute. Prenez le leader du marché américain, là vous avez beaucoup d’histoires, assez connues dans l’industrie ou autour de l’industrie, qui refuse de détecter certains programmes comme malveillants, pour les laisser tourner librement dans le système. Parce que ce sont des programmes malveillants qui ne sont pas faits en Chine ou ailleurs par des hackers. Ce sont des programmes qui sont faits par les Etats. C’est pour cela qu’en Russie, ils n’auront jamais les certificats qu’on a obtenus.
Avez-vous une niche assez particulière d’ingénieurs en Russie, ou alors vous recrutez partout ?
En fait, même en Russie on arrive difficilement à recruter, pourtant nous adressons à des gens qui parlent la même langue que nous et qui comprennent très bien ce qu’on leur dit. La difficulté vient, malgré le très haut niveau de formation dans l’informatique en Russie, du fait qu’on trouve de moins en moins d’ingénieurs de qualité. C’est un vrai challenge pour nous. Nos collègues de Kaspersky embauchent les gens de Dr. Web les yeux fermés. Alors qu’il nous faut quelques dizaines d’ingénieurs à tester de chez eux pour n’en recruter qu’un seul.
C’est dû à quoi ?
C’est le fondateur de Dr. Web (Igor Daniloff, ancien pilote de chasse des forces aériennes de l’URSS, ndlr) qui en a décidé ainsi. Pour lui, c’est important, même au détriment du commerce, de faire un produit au plus haut niveau. Il ne se permet aucun compromis au détriment de la sécurité.

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