{{IT Mag : Quel constat faites-vous de la situation actuelle de l’informatique en Algérie ?}}
{{Dr Athmane Abdellouche}} : Ma première constatation est qu’aujourd’hui l’Algérie est relativement soucieuse de rattraper le retard enregistré dans ce domaine comparativement aux autres pays du monde. Ce qui nous intéresse à présent, c’est évidemment la généralisation de cet outil dans le domaine des TIC. Si on prend en exemple les sites Internet de l’ensemble des ministères de notre pays, mis à part quelques-uns, on remarque que le site du premier ministère est en construction depuis plus d’un an et cela est inconcevable du point de vue du temps. Grâce aux efforts de la tutelle de ce secteur, il est possible de vulgariser l’informatique au sein des collectivités locales et faire connaître l’Algérie profonde à travers son site.
Par contre, les sites de la plupart de journaux sont classiques, c’est-à-dire qu’ils reproduisent la même configuration que le support papier. Or, un site dynamique doit être interactif, c’est-à-dire être le complément du journal papier. On peut également remarquer que l’informatique et les TIC en Algérie ont besoin d’une infrastructure où l’ensemble des secteurs doivent mettre le paquet dans la formation de leur personnel, car jusqu’à preuve du contraire, l’ordinateur est utilisé comme une machine à écrire. Vous savez que la révolution informatique a bouleversé beaucoup d’activités. Par exemple, le télex a été enterré pour de bon, le fax, qui a une vie éphémère, a été remplacé par l’email. Sans parler de l’utilisation des lettres classiques qui a chuté de 100 à 1. En revanche, il y a de nouveaux métiers qui apparaissent dans les pays développés, à l’instar de l’info–preneur, c’est-à-dire l’homme d’affaires qui fait son business dans l’information, l’informatique et les TIC.
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La formation dans le domaine a connu un certain essor ces dernières années. Qu’en pensez-vous ?}}
Normalement, la formation en informatique en Algérie ne diffère pas de celle existante à travers l’ensemble des pays du monde, y compris dans les pays développés, car l’ordinateur sur lequel on travaille en Algérie a la même configuration et les mêmes caractéristiques techniques des ordinateurs dans les pays développés. Ce qui veut dire que l’ingénieur informaticien algérien qui travaille en Algérie fait le même travail que l’ingénieur américain, européen ou japonais. Sauf que la mise en application de l’outil informatique dans notre pays n’est pas suivie, et on préfère parfois importer le produit même. Pourtant, 60 % des chercheurs en informatique au CNRS (France) sont des Algériens, et qui ont obtenu, donc, leurs diplômes en Algérie. Je peux dire aussi que l’Algérie, après l’arrivée du président Bouteflika en 1999, a fait un grand pas dans le domaine des TIC, et les deux grands chantiers qui ont été lancés après cette date concernent l’ouverture du marché des télécommunications, surtout la téléphonie mobile, et l’opération Ousratic, qui visait l’acquisition par plus de 6 millions de familles d’un ordinateur avant l’an 2010. L’idée est géniale. Je pourrais même dire que cette opération va révolutionner notre mode de vie et faire basculer la société algérienne de l’analogique vers le numérique. Mais la mise en application de cette opération a été un fiasco, car l’ancienne équipe concernée n’a pas pris au sérieux l’opération. Elle s’est juste intéressée à l’aspect vente et achat des équipements. ‘Ce sont des pousseurs de cartons’. J’espère que la nouvelle équipe prendra en charge l’opération Ousratic dans toutes ses dimensions et que l’actuel ministre contribuera à la promotion de cette opération.
Dans le monde de l’éducation, j’encourage le travail fait par M. Benbouzid quant à l’intégration de l’outil informatique dans tous les paliers de l’enseignement. Au niveau de l’université, on peut dire que l’informatique existe partout et que la discipline informatique est dispensée dans plusieurs universités comme celles de Annaba, de Constantine, Sétif, Batna, Tizi Ouzou, Ouargla, Mostaganem, Oran et Alger. En plus de l’Institut National de l’Informatique (INI) qui a formé beaucoup de compatriotes de différents continents. Sans oublier, l’Institut des Télécoms d’Oran, créé durant les années 1970. Lors du premier Salon organisé en 1981 par l’Algérie, un groupe de chercheurs algériens, à sa tête 2 docteurs en informatique, a pu réaliser le premier micro-ordinateur algérien avec un système d’exploitation 100 % algérien, qui porte le nom Azima.
D’une manière générale, l’informatique dans notre pays se porte bien. Cependant, dans le domaine de l’information, elle est malheureusement confrontée à des obstacles liés à la mise en application des projets informatiques dans l’industrie, l’agriculture, la santé, la communication, l’aviation, les banques, en raison du manque de confiance de nos cadres dirigeants de ces secteurs dans le génie algérien.
{{Selon vous, quelle relation doit-il exister entre l’emploi et la recherche en informatique ?}}
A travers le monde, il y a deux sortes de recherche : la recherche fondamentale et la recherche appliquée. En informatique, la plus grande partie du travail vient de la recherche appliquée, c’est-à-dire que pour résoudre un problème donné, on fait appel à un algorithme. Donc, c’est l’étude de l’existant, puis on essaye d’automatiser les tâches, de faire un organigramme et de le finaliser par un programme écrit dans un langage donné. Toutes ces étapes font appel à nombre de techniciens et de programmes informatiques, d’où la possibilité de créer un nombre assez élevé de postes d’emploi dans le domaine des logiciels. Je dirais même qu’on peut créer, en Algérie, une base arrière de génie logiciel. C’est-à-dire des entreprises de développement de software pour l’exportation vers l’Europe, parce que la formation de nos universités dans le domaine de l’informatique est conséquente et valable.
Nous savons, maintenant, que le monde vient de basculer de l’environnement analogique vers celui numérique. Automatiquement, il va y avoir beaucoup d’emplois dans l’analogique qui vont disparaître et qui seront remplacés par d’autres emplois dans le monde numérique. Pour le cas de l’Algérie, je pense que nous devront faire un effort pour la création d’autres emplois dans le nouveau monde numérique, où l’ordinateur a remplacé le stylo et où l’email a remplacé la lettre classique. Donc, cette évolution logarithmique doit aider notre pays à accroître le nombre de postes d’emploi dans différentes activités car, aujourd’hui, l’informatique devient indispensable dans tous les domaines. Je peux citer, à ce propos, un dicton japonais qui dit que «l’illettré est l’homme qui ne connaît pas l’informatique».
Par contre, parler d’informaticiens au chômage me paraît anormal, parce qu’un informaticien-ingénieur qui cherche du travail est une aberration. Car normalement, c’est lui qui doit créer de l’emploi.