11 septembre 2024

Les vertus de l’accumulation

Selon la société d’études Strategy Analytics, plus d’un milliard d’appareils ont été vendus en 2006. Le chiffre est astronomique et restera dans l’histoire, il n’est pas secondaire devant ce qu’il annonce comme perspective et enseignement. La principale leçon est que le marché mondial des TIC et du téléphone portable en particulier seront l’un de ceux où l’on enregistre le plus de croissance et, donc, le plus de profit en ce début de la première moitié du XXIème siècle. Rien que pour 2007, alors que nous venons de vivre une année historique, la croissance doit se poursuivre au rythme de plus de 10%.
La deuxième leçon est que le milliard de téléphones portables vendus relance une concurrence déjà très rude. Le rebond attendu dans ce domaine est crédité par le fait que le 8 janvier dernier, le géant mondial Nokia a exhibé un nouveau téléphone pour l’Internet. Le N800, comme on l’appelle, est présenté comme un sérieux concurrent pour le futur iPhone d’Apple, qui fera, rappelons-le, office de téléphone et de baladeur de musique numérique. Ce même rebond est conforté par une prévision quasi certaine : le monde devrait compter 4 milliards d’abonnés en 2010 contre 3 milliards cette année.
Une manne que devraient se partager les fameux Fabfive, Nokia, Motorola, Samsung, SonyEricsson et LG. Ces poids lourds de la téléphonie mondiale devraient verrouiller le champ pour les 15 à 20 prochaines années et ne laisser aux petits autres fabricants que des miettes, moins de 20% du marché mondial. Le reste du monde, lui, devra se contenter de compter tous les cinq ans les innovations technologiques, c’est là en général la moyenne pour les «five super stars» que nous venons citer, et de consommer.
La troisième leçon, qui est une digression, est que, hormis la Chine (qui est déjà dans la cour des grands) ou l’Inde (qui s’annonce comme le grand outsider en tant que fabricant de portables et de composants notamment), les pays prétendants au marché des TIC doivent faire des efforts homériques en matière d’investissement pour rattraper un train déjà lancé à une vitesse «grand V». Car le problème n’est pas celui du capital seulement, il est aussi celui de la capitalisation et de l’accumulation surtout.
Nokia, pour ne citer que cet exemple luxueux pour nos tropiques, jette ses racines dans le XIXème siècle. Il a commencé son activité en tant que groupe en 1966 après la fusion de plusieurs de ses anciennes industries comme le câble, la papeterie et le caoutchouc. Il n’a véritablement démarré qu’après s’être débarrassé en 1992 de toutes ses autres activités –comme la fabrication des appareils de télévision- et centré tout son génie sur la téléphonie mobile.
Avec un savoir-faire avéré, des laboratoires de recherche parmi les plus innovateurs au monde, une gestion des plus fines, des structures stables et des financements constamment disponibles et fluides, Nokia a donc mis quarante ans pour occuper la place qui est la sienne : plus de 100 millions d’unités produites au dernier trimestre 2006, des ventes annuelles dépassant les 41 milliards d’euros et un profit de 4,3 milliards.
Restons dans la digression et abordons l’exemple algérien : à supposer que nous soyons sur la bonne voie, il faut ne rien espérer avant vingt à trente ans au moins. Après les ruptures brutales et la «casse» que le pays a connues en matière d’infrastructures informatiques –l’Algérie était dans ce domaine-là leader africain et arabe dans les années soixante-dix- c’est le temps nécessaire pour reconstruire. Le CNI –Commissariat national à l’informatique- a vu le jour en 1969.
Mais encore faut-il préciser dans quoi ! Hormis la publicité sur le technopôle de Sidi Abdallah, on ne sait pas vraiment encore dans quelle direction nous allons et quelle niche allons-nous occuper pour faire valoir nos atouts. La question est importante parce que sans spécialisation, l’Algérie n’a pratiquement aucune chance de tenir la dragée haute à des pays qui ont depuis longtemps non seulement la suprématie technologique mais la compétitivité également. Elle est importante parce que les fonds alloués par l’Etat au secteur, si importants soient-ils, ne sont pas éternels. Il faut qu’ils soient relayés par les investissements tiers, étrangers notamment. Tout un programme qui ne tolère aucun raté.

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