Dans la planète blog, Saddam pend encore. Après le iPhone, dernière mini-révolution technologique d’Apple et présenté le 9 janvier en première mondiale par Steve Jobs himself, l’exécution de l’ex-dictateur irakien reste encore, et de loin, le sujet le plus discuté.
Tout y est et jusqu’aux détails les plus surprenants : Saddam scanné post-mortem, son pays, l’occupant américain, la peine de mort, la justice des hommes, la barbarie, l’horreur, l’identité du type qui a filmé sa mort, la marque du portable qu’il a utilisé et, pour fermer le peloton des questions discutées à ce propos, l’épaisseur de la corde par laquelle les bourreaux ont tordu le cou à l’ancien homme fort d’Irak.
Premier constat : aucun média, hormis Internet, n’a le pouvoir de «caser» autant d’informations sur un sujet donné sans se soucier du temps et de l’espace à lui consacrer. Cliquez et vous avez tout ce que vous voulez (et ce que ne vous voulez pas) à l’heure que vous voulez. La Toile ne bouscule pas seulement les barrières de l’information ou du journalisme ordinaire, elle les renvoie déjà au musée des curiosités paléontologiques tout juste bonnes à dater au carbone 14.
Deuxième constat : Internet se nourrit de la technologie de l’image et de la voix. Plus elle avance, plus vous avez la chance d’avoir accès à n’importe quoi et à n’importe qui. Car on ne sait pas si le portable d’aujourd’hui ne sera pas demain une puce qu’on peut greffer dans les deux yeux et sous la peau pour… tout voir. Bertrand Tavernier, dans le film «la Mort en direct» avec Harvey Keitel dans les années quatre-vingt, l’a imaginé. Il n’y a pas de raison que cela ne survienne pas.
En tout cas, si le type qui a fixé dans une geôle de Baghdad le passage de vie à trépas de Saddam avait par exemple en main le iPhone de Steve Jobs, fameux téléphone cellulaire GSM de dernière génération avec écran large et tactile qui représente les touches téléphoniques, une mémoire de 8 Go, il aurait fait non plus une vidéo tressautante et de mauvaise qualité mais une production hollywoodienne.
Troisième constat et c’est une question : qui faut-il blâmer ? Le portable, le multimédia high-tech, incarnation du mal visuel et œil du diable comme celui de Sauron dans le Seigneur des Anneaux ? Ou celui qui le manipule ? Interrogation classique qui rappelle le non moins classique diptyque de la technologie et de l’éthique. Mais qui risque de ne pas faire le poids devant la marchandisation au sens large du terme de l’image, quelle qu’elle soit. Et devant l’irrésistible besoin de l’Homme de se dire, de dire sa condition et de s’aborder jusqu’au cœur de ses ténèbres.
On filme donc par besoin, par voyeurisme, par fétichisme ou pour satisfaire un goût ou une pulsion personnelle dans une chambre à coucher, dans les douches ou les vestiaires. On filme pour des besoins de propagande, même macabre quand il s’agit de Saddam ou –on l’a oublié- des vidéos sanglantes des groupes djihadistes. On filme aussi pour la bonne cause et pour dénoncer la barbarie comme récemment en Egypte.
Depuis que des images des violences commises sur des personnes dans un commissariat de police du Caire et qui ont été prises à l’aide d’un téléphone portable par les policiers bourreaux eux-mêmes sous l’emprise d’on ne sait quelle dérive bestiale ont échappé à leur contrôle et sont diffusées sur les blogs les plus populaires, notamment celui de Wael Abbas, le débat contraint sur la torture dans ce pays éclate au grand jour et mobilise les organisations des droits de l’Homme.