Il n’est pas utopique d’affirmer que les documents hypermédias et les nouvelles formes de lecture qu’ils induisent vont se généraliser. Il nous paraît, par conséquent, intéressant de se pencher sur ce besoin croissant d’interactivité et nécessaire d’évaluer, dès à présent, les conséquences de ces nouveaux modes de lecture sur notre rapport à l’écrit.
Cette évaluation aurait pu nous conduire vers une réflexion alarmiste. Au contraire, nous sommes persuadés que ces nouveaux outils peuvent être de véritables atouts pour l’écrit et surtout dans la découverte du langage écrit.
C’est pourquoi s’interroger sur l’impact de la lecture et l’écriture interactives sur les enfants est très intéressant dans notre temps. Fiction hypertexte, histoire interactive, document hypermédia… il n’est pas toujours facile de savoir ce que cachent ces termes.
Par l’appellation «lecture interactive», on entend, d’une part, la lecture d’un hypermédia, à savoir un document diffusé sur support informatique comprenant des nœuds d’informations reliés entre eux par des liens de natures diverses : textes, images statiques ou animées, séquences sonores, vidéo ; d’autre part, la possibilité d’une action réciproque mais une lecture où l’individu utilise sa logique, sa réflexion, son sens de l’observation et son imagination pour progresser dans le récit en activant ces liens.
Une lecture interactive est indissociable des notions de choix, du libre-arbitre et de la maîtrise de son récit. Nous intéresser à la lecture d’hypermédias par et pour les enfants, c’est à la fois évaluer le rôle de l’interactivité à une étape déterminante de l’évolution de l’individu : sa découverte et son apprentissage du monde de l’écrit.
C’est aussi nous intéresser à un public qui est en train de vivre pleinement l’émergence des nouvelles technologies de l’information, un public qui motive déjà une littérature riche et plurielle, à l’affût d’interactions entre son support et ses lecteurs.
Comment l’interactivité, avec le support informatique, peut-elle être un atout pour l’enfant dans son appréciation de la lecture ?
Catégorie à part entière dans les rayons jeunesse des librairies, le livre animé profite actuellement de l’engouement de l’édition pour l’interactivité amenée par l’émergence du multimédia. On assiste à un accroissement et une diversification des livres animés. Dans cette diversification, on peut sûrement y intégrer sa transposition sur support électronique : cédérom et Internet.
Ces livres prennent toutes les formes, s’habillent de matière quasiment indestructible, avec des poches, accompagnés d’une peluche, se transformant en mobile, en jouet, en scène à trois dimensions. Ils rivalisent parfois avec le théâtre de marionnettes miniatures. Dans d’autres, on trouve une grande interactivité : des languettes à tirer, des rabats à soulever, le livre se laisse découper, nouer, auto-coller, scratcher, gratter…
Dans le cas des livres jeux, c’est la mémoire, le sens de l’observation, la curiosité, la logique, l’imaginaire de l’enfant qui sont sollicités. A l’image des histoires dont on est le héro, ces livres sont de véritables fictions interactives où l’enfant entre dans la peau d’un personnage pour réaliser une mission. Pour cela, il doit résoudre des énigmes, trouver des objets dans le décor… et progresse dans le récit de façon non linéaire.
{{Quand le goût de lire
vient aux enfants}}…
Car quand on est grand, on n’a plus personne qui peut nous lire des histoires. Parce qu’au lycée, si on ne sait pas lire, on se fait gronder. Pour les enfants en classe moyenne, l’apprentissage de la langue écrite est une sorte d’épée de Damoclès au-dessus de leur tête qui déterminera leur réussite.
En interrogeant des enfants en 2e année CEM, c’est-à-dire des enfants qui commencent à maîtriser la langue écrite, on obtient des réponses différentes qui varient de façon évidente en fonction du degré de maîtrise de l’écrit.
«Comme ça tu vas savoir plein de choses et tu peux apprendre à lire aux autres», «parce que c’est intéressant» et «parce que c’est rigolo». En revanche, nous obtenons des réponses très différentes avec des enfants qui ne prenaient aucun plaisir à lire. «Je lis parce qu’il le faut», nous confie une élève qui était incapable de nous citer un livre qu’elle aimait lire ou entendre lire.
Cette courte enquête révèle que l’enfant, tant qu’il n’a pas fait une rencontre personnelle avec la lecture ou trouvé une motivation affective à l’acte de lire, considère la lecture comme un acte pratique et malheureusement très scolaire.
Sur ce point, tous les manuels d’apprentissage et de réflexion sur la lecture sont unanimes : pour qu’un enfant acquière le goût de lire, il faut qu’il se produise un déclic, une rencontre décisive qui bouleversera son regard sur la lecture.
«Pour donner à un enfant le goût de lire, il faut faire en sorte qu’il découvre ses propres motivations à lire», rappelle Christian Poslaniec dans son ouvrage «Donner le goût de lire» (Paris, Editions du Sorbier, 1990)
Ce déclic peut se faire soit avec un ouvrage en particulier, soit en écoutant l’autre parler de l’émotion devant un livre, sa joie, son intérêt, ses rires.
«J’ai appris à lire toute seule parce que quand j’ai vu des copines lire, ça m’a donné envie», c’est ce que nous a confié une élève en première année du cycle moyen. On a tendance à penser qu’il est de plus en plus difficile de donner à un enfant le goût de lire dans une société dominée par l’image où l’enfant est plus tenté de s’installer devant la télévision ou sa console de jeux que devant un livre.
Dans ces conditions, comment proposer des activités motivantes pour donner envie aux enfants d’accéder au monde de l’écrit ? Ne faut-il pas justement profiter de l’émergence de ces nouvelles technologies pour créer des besoins, déclencher des intérêts nouveaux ? Peut-on imaginer que ceux qui n’ont pas découvert le plaisir de lire via un support traditionnel puissent le trouver sur un support informatique ?
{{Agir et interagir sur sa lecture,
une nécessité pour l’enfant ?}}
Avec la lecture interactive sur support informatique, l’enfant a réellement la possibilité d’agir sur les images mais aussi sur le texte. Et si réaliser un véritable cheminement personnel dans sa lecture, la manipuler, décider de son parcours correspondaient à un besoin naturel de l’enfant vis-à-vis du monde qui l’entoure ?
L’enfant qui modifie le texte qu’il est en train de lire se comporte en harmonie avec la tendance de son âge qui est de manipuler les choses ; il maîtrise activement, et d’une façon toute personnelle, ce qu’il se contenterait autrement d’absorber passivement. Cette manipulation active donne à la lecture une saveur, une empreinte personnelle et la rend plus importante. Motivation, implication… sont des facteurs décisifs dans la plupart de nos actions et nos apprentissages.
Dire qu’on apprend mieux, qu’on comprend mieux quelque chose et qu’on prend davantage de plaisir à le faire lorsqu’on se sent impliqué semble relever de la logique. Ne semble-t-il pas aussi logique de penser que l’enfant prendra davantage de plaisir à lire s’il cesse d’être passif et se sent activement impliqué dans sa lecture ?
Faute d’être personnellement motivé, l’enfant est incapable de s’impliquer totalement dans l’acte de lire. C’est pendant l’enfance et la jeunesse que les tendances actives-manipulatrices de l’homme sont à leur maximum, et le plus grand désir de l’enfant est de s’approprier les choses en leur donnant une empreinte personnelle. Nous nous sentons tous beaucoup plus profondément concernés par ce que nous pouvons manipuler à notre guise que par ce qui nous est imposé tel quel de l’extérieur ; et cela est encore plus vrai pour l’enfant que pour l’adulte. L’enfant prendra goût à la lecture si, dès le début, il sent qu’il s’agit d’une création à laquelle il peut participer. Il est étrange que l’enseignement de la lecture ne tienne pas compte de cette participation active par laquelle le débutant fait de la lecture une expérience personnelle enrichissante.
{{Lire au XXIe siècle}}
Les enfants lisent de moins en moins, et de moins en moins bien, nous dit-on. C’est la crise de la lecture, entend-on encore. Les préjugés vont bon train dès qu’il est question de lecture par les enfants. Qu’en est-il exactement ? Tout d’abord, ce discours sur la crise de la lecture est loin d’être nouveau. Le constat de la baisse du niveau scolaire est récurrent depuis au moins deux siècles ! Ensuite, la lecture n’arrive peut-être qu’au dernier rang des loisirs des Algériens, mais elle s’est généralisée et «démocratisée».
La lecture de livres et de revues est devenue une activité régulière chez les jeunes. Mais on peut bien voir que ces quatre dernières années, la lecture en Algérie a connu un élan considérable par rapport aux années précédentes. Et ce, malgré la télévision et l’émergence des consoles de jeux vidéo.
Nous pourrons citer des chiffres qui montreraient que les enfants ne lisent ni moins ni moins bien qu’avant, mais, d’une part, cela serait fastidieux et, d’autre part, cela n’enlèverait en rien cette idée de crise de la lecture qui règne sur notre société depuis quelques années. Peut-être ne se pose-t-on pas, tout simplement, les bonnes questions.
Plutôt que de se demander si les enfants lisent plus ou moins, la question à se poser n’est-elle pas : les enfants lisent-ils différemment ? Et si cette crise de la lecture qui fait frémir parents et instituteurs était due à un changement dans les modes de lecture.
Aujourd’hui, on zappe autant qu’on lit : l’informatique et Internet obligent beaucoup à lire. Il est probable qu’on assiste à la mutation d’un modèle de lecture plutôt qu’à une crise de la lecture.
Les enfants lisent mais sur un mode différent de celui qui fait de la lecture «l’alpha et l’oméga de la formation intellectuelle : il faudrait lire pour vivre et on ne pourrait pas vivre sans lire. Ce modèle-là ne fonctionne pas beaucoup chez les jeunes. Ils l’ont relativisé, laïcisé, désacralisé ! La lecture est devenue pour eux un acte ordinaire, qui fait partie d’un univers où coexistent l’image, le son, l’écrit. Elle n’est pas pour eux une pratique morte».
On a encore trop tendance à penser que lire égale à livre. Or, lire est devenu un acte quotidien qui utilise d’autres supports, de nouveaux supports.
{{L’ordinateur, le meilleur ami
de l’enfant ?}}
L’ordinateur est de plus en plus utilisé dans l’apprentissage de la langue écrite en milieu scolaire. D’ailleurs, en Europe, depuis 1995, son utilisation ainsi que celle du traitement de texte sont vivement recommandées dans les programmes de l’école primaire où il apparaît explicitement qu’ils contribuent aux apprentissages fondamentaux. Malheureusement, pour nous, comme toujours, cela vient de faire son apparition au sein des lycées et différentes institutions.
On voit à présent clairement ce que l’utilisation de l’ordinateur peut apporter à la création de productions écrites nombreuses, à l’élaboration d’un journal de classe, à l’entretien d’une correspondance parfaite…
Les qualités de cet outil sont désormais reconnues mais leur intégration est lente, car on n’aime guère le changement et les innovations surtout lorsqu’elles touchent à ces piliers de l’éducation que sont la lecture et l’écriture. Les enfants sont loin d’être les plus difficiles à convaincre.
Animatrice sur le stand «El Arris» du Salon du livre d’Alger qui s’était déroulé en novembre dernier, elle affirme : «J’ai rencontré en une semaine des milliers d’enfants âgés de 5 à 17 ans dont certains n’avaient jamais touché à un ordinateur. Dans cet atelier, chaque enfant voulait avoir un cédérom pour apprendre à manipuler un ordinateur ou pour concevoir des pages Web ou même le pack d’apprentissage d’anglais.»
Comme l’écrit Rachel Cohen (docteur en sciences de l’éducation, auteur de plusieurs ouvrages sur le potentiel des jeunes enfants, particulièrement en lecture.) : «L’ordinateur ne tue pas la créativité. Il devient objet et médiatise l’activité.»
Cette expérience, constatée également par d’autres animateurs et confirmée par de nombreuses recherches, en dit long sur l’a priori positif que l’enfant réserve à l’ordinateur et sur ces capacités d’apprentissages (les Jeunes enfants, la découverte de l’écrit et l’ordinateur, Rachel Cohen, PUF, Paris). Mais pourquoi l’ordinateur a-t-il un pouvoir si attractif sur l’enfant ? La première explication de cet attrait semble culturelle. De nombreuses recherches montrent que les nouvelles générations nées avec la télévision ont intégré les modes de lecture liées à l’audiovisuel. L’enfant d’aujourd’hui serait, d’une certaine manière, prédisposé à l’écran.
L’écran est pour lui un outil familier qui ne génère aucun préjugé. Les enfants manient avec facilité les outils technologiques car ils n’ont aucune inhibition vis-à-vis de la technique, contrairement à certains adultes qui se cachent derrière l’argument «ce n’est pas de notre génération». La seconde est clairement d’ordre affectif.
L’ordinateur est associé pour l ‘enfant à un sentiment de plaisir : le plaisir de jouer. Aucun souvenir d’échecs scolaires ne vient en ternir l’image. L’ordinateur confère aussi à l’enfant une puissance très valorisante. En cliquant sur des liens, l’enfant a la possibilité de faire apparaître ou disparaître des mots, déclencher un son, une animation. Cet aspect «magique» plaît énormément aux enfants. A tout instant, l’enfant est actif, chaque geste lui permet d’observer les effets de son action à l’écran et le feed-back positif que constitue l’apparition sur l’écran de tel ou tel objet encourage l’enfant à poursuivre son acte.
Dans la pratique de l’écriture, l’ordinateur rend possible une production de lettres à la calligraphie impeccable. Dès le primaire, l’imagination de l’enfant est sollicitée à travers la production d’histoires ou de poésies et son esprit de synthèse par la création de résumés. Or, le jeune enfant, qui commence à connaître les lettres, quelques syllabes, quelques mots, est souvent limité par la qualité de son écriture manuscrite. Avec l’ordinateur, l’écrit produit par l’enfant est parfait et son texte est immédiatement communicable à autrui.
On a pu observer que les élèves à qui on a proposé de saisir au clavier un texte préalablement écrit à la main éprouvent très souvent une sorte de révélation de ce qu’ils ont produit. Leur texte apparaissant à l’écran est alors en face d’eux dans la position d’un texte à lire.
L’enfant ainsi libéré des craintes liées à la qualité de son écriture peut se concentrer sur d’autres phases de la production (syntaxe, grammaire, imagination…).
D’après ce rapport, l’enfant a même tendance à personnaliser l’objet inanimé qu’est l’ordinateur qui devient «un complice exigeant, mais amical et patient, qui lui parle en privé».
L’ordinateur déscolarise la lecture et l’écriture et permet ainsi aux enfants de découvrir ou de redécouvrir la langue écrite naturellement, par l’utilisation et non par l’enseignement. Ainsi, certains enfants peuvent dépasser leurs blocages solaires et affectifs. C’est un outil qui favorise une pédagogie de la réussite.
L’ordinateur est un outil qui ne se lasse jamais, l’enfant peut aller à son rythme, il découvre et apprend par tâtonnement et surtout il a le droit à l’erreur, erreur qui n’est jamais pénalisante.
Dans ce processus dynamique interactif, l’enfant a le droit à l’erreur qui devient un facteur de construction active et créatrice et non de frustration. Le tâtonnement est ici une voie privilégiée de cheminement. L’enfant apprend, pratique la lecture et l’écriture, construit un cheminement logique sans en voir pour autant conscience car cela s’intègre à une activité ludique, interactive par laquelle l’enfant se sent imprégnée.
Cet a priori positif de l’enfant vis-à-vis de l’ordinateur le place dans une situation d’apprentissage très favorable. Cette tranquillité d’esprit et ce sentiment d’être personnellement considéré l’encouragent à entrer dans des actes de lecture, même arides, où il s’investit davantage que dans une situation publique en classe.
D’ailleurs, de nombreux chercheurs (notamment l’équipe de l’université de Stanford en Californie) ont constaté que les enfants faisaient significativement plus de progrès en lecture lorsqu’ils utilisaient des ordinateurs dans leur apprentissage.
De même, plus l’enfant travaille avec un ordinateur, plus ses capacités d’analyse, de logique et de mémoire sont développées. Mais pourquoi utiliser l’ordinateur dans l’apprentissage du langage écrit ?
Comme nous l’avons vu plus haut, l’interactivité, l’activité intense de l’enfant qui peut observer et maîtriser les effets de son action, l’autonomie, le feed-back positif, le tâtonnement exploratoire, l’autocorrection, la multiplicité des expériences, la possibilité d’un cheminement individuel ou en groupe… l’ordinateur offre des conditions particulièrement favorables à l’apprentissage.
Dans l’apprentissage de la langue écrite, l’ordinateur semble posséder des qualités bien particulières. Selon Rachel Cohen, l’ordinateur favoriserait la prise de conscience de certaines caractéristiques propres à l’écriture comme la structuration de l’espace (à l’écran les lettres s’affichent de gauche à droite) et l’identité de la lettre et du mot.
D’ailleurs, Carole Tisset, dans son ouvrage «Apprendre à lire au cycle 2» (Hachette Education, Paris, 1994), nous apprend qu’une des premières étapes nécessaires pour l’enfant dans son approche de l’écrit est de comprendre le caractère discontinu de l’écriture. Elle conseille l’utilisation du clavier pour se représenter la séparation des mots grâce à la barre d’espace.
L’ordinateur facilite l’intervention sur le texte en cours de production (remplacer, supprimer, déplacer…) et permet à l’enfant de prendre conscience du caractère modifiable du texte et, donc, de la réécriture.
Mais l’avantage majeur de l’ordinateur dans l’approche de la langue écrite est que, quel que soit le programme, face aux messages envoyés par la machine, l’enfant se trouve en situation fonctionnelle de lecture où lecture et écriture sont intimement liées.
Cette nouvelle technologie permet une assimilation des connaissances plus naturelle, d’associer lecture et écriture dès le départ (et de s’en servir à ses propres fins). L’apprentissage de la langue écrite ressemble plus à l’expérience universelle de l’apprentissage du langage parlé. Le signifiant et le signifié sont souvent perçus simultanément, ce qui confère au mot toute sa valeur symbolique et aide l’enfant à accéder à la pensée conceptuelle. Ce double accès, cette approche simultanée de la lecture et de l’écriture, favorisent chez l’enfant la prise de conscience de l’écrit.
Dans le rapport de l’Observatoire français de la lecture (ONL), il est d’ailleurs confirmé : «C’est autant en écrivant qu’en lisant qu’on apprend à lire, et les pratiques pédagogiques recommandées dans les instructions mettent en avant le bénéfice d’un aller et retour constant entre ces deux composantes de l’expertise de l’écrit. L’informatique a permis de mettre en place de véritables ateliers où l’on varie les entrées dans la lecture, où l’on passe plus naturellement de l’écrire au lire et inversement.»
L’ordinateur, par son caractère multimédia, permet aussi de s’adresser aux différents modes de fonctionnement des enfants. L’enfant acquiert souvent une image visuelle du mot, sa représentation iconographique et son image auditive prononcée soit par un narrateur inhérent au programme soit par l’adulte qui accompagne l’enfant dans sa consultation. Ainsi, selon les principes de la gestion mentale, un même logiciel peut convenir à un enfant fonctionnant sur un mode de compréhension visuel ou verbal.
D’ailleurs, plusieurs recherches ont montré l’effet de la présentation simultanée des mots et de leur représentation iconographique sur la construction des connaissances.
De plus, l’ordinateur permet à la fois une approche globale de l’écrit car quand il pointe un mot, l’enfant le voit dans sa globalité, et une approche synthétique quand il utilise les touches du clavier pour écrire. Le point de départ n’est plus la lettre, le mot ou la phrase, c’est l’un ou l’autre, tour à tour. Cette nouvelle approche de l’écrit que permet l’ordinateur semble remettre en cause les possibilités d’accès à l’écriture de très jeunes enfants.
Très jeune, l’enfant est attentif aux messages inscrits sur l’écran. Il cherche très rapidement à comprendre ce qui y est écrit. Il est apparu que certains enfants qui n’avaient pas encore compris que les signes écrits étaient porteurs de sens l’ont compris grâce à l’ordinateur. L’ordinateur n’est pas un support idéal de lecture mais il possède des qualités certaines quant à l’approche du monde écrit par les enfants. On comprend que son utilisation puisse être jugée plus ou moins pertinente mais un fait semble pourtant incontestable.
{{Quand la pratique
ne suit pas la théorie}}
Les expériences menées par plusieurs équipes de chercheurs semblent ouvrir des perspectives intéressantes pour amener certains enfants à la lecture. Or, on constate que, dans la pratique, l’utilisation de l’ordinateur dans l’apprentissage de la langue écrite n’est pas aussi généralisée que l’on pourrait l’imaginer. Même si les parents sont très friands des nouveaux logiciels dits «d’accompagnement scolaire» qui envahissent les linéaires, dans les écoles, ce sont les logiciels ELMO et ELSA. Non que nous contestions leur qualité en termes de pratique de la lecture mais ces logiciels ont 20 ans, et en termes d’exploitation du multimédia, on peut sûrement trouver plus convaincant !
Cet exemple reflète bien la tendance qui régit l’institution scolaire : rien ne se fait dans la précipitation ! Célestin Freinet a été le premier, à la fin des années 1950, à penser que l’imprimerie pouvait être utilisée dans l’apprentissage de l’écriture et surtout pour la conservation et la diffusion des productions écrites d’enfants.
La pédagogie Freinet est apparue comme une révolution dans un système éducatif aux principes rigides et aux techniques d’apprentissage ancestrales (l’enfant scolarisé au début du siècle a appris à lire rigoureusement de la même façon que son ancêtre en Grèce Antique !)
Et évidemment, comme beaucoup de nouveaux concepts, elle a été mal accueillie. Aujourd’hui, l’imprimerie a été remplacée par le traitement de texte. Son utilisation s’est généralisée dans les écoles et son emploi s’est diversifié mais on est encore en train de démontrer le bienfait de cette pédagogie qui, un demi-siècle après sa création, est encore considérée comme «pédagogie nouvelle» ! Pourtant, la plupart des pédagogues sont convaincus de l’intérêt de la production de textes libres, collectifs, conservés et diffusés grâce à l’ordinateur.
Freinet a transformé radicalement la pédagogie en montrant que l’enfant pouvait s’adonner entièrement à une activité scolaire mais motivée quand elle libère en lui son énergie et son besoin d’agir.
Pourquoi a-t-on si peur de mettre les enfants devant des ordinateurs dans l’apprentissage de l’écrit ? Les craintes vis-à-vis de l’ordinateur se situent à deux niveaux. Le premier est lié à l’objet lui-même qui suscite encore de nombreux a priori comme l’ont connu avant lui les médias et autres nouvelles technologies. Ces appréhensions sont aussi dues à la mauvaise réputation que se sont forgée les jeux vidéo ces dernières années qui se répercutent sur leur support de visualisation : l’écran. La crainte la plus courante concerne l’isolement.
On a peur que les enfants, attirés par le coin ordinateur, ne délaissent d’autres activités considérées comme importantes pour le développement et réduisent les dépenses physiques. Perçue comme une activité individuelle et solitaire, on craint que l’ordinateur favorise des comportements antisociaux et gène le développement affectif et émotionnel. Or, lors d’une étude approfondie menée par Hawkins en 1983, il a été observé que, loin d’être un instrument d’individualisation, l’ordinateur offre des situations d’apprentissage de groupe dans lesquelles les nombreuses interactions permettent un succès partagé.
L’ordinateur devient alors un lieu convivial de recherche et de mise en commun de découverte et d’expériences. Loin d’isoler l’enfant, il favorise l’interaction et stimule la collaboration.
On craint aussi que l’ordinateur en tant que bien de consommation renforce les inégalités économiques et sociales entre ceux qui en possèdent et ceux qui n’en ont pas. Cette inquiétude semble justifiée car elle s’est vérifiée pour de nombreux biens de consommation. C’est pourquoi l’école doit jouer son rôle d’apprentissage et combler d’éventuelles inégalités en donnant l’accès à ces nouvelles technologies. Mais ce point sera développé ultérieurement. Enfin, la crainte d’un renforcement des inégalités entre fille et garçon ressort aussi. Non seulement l’informatique est un secteur qui attire plus les garçons mais le jeu vidéo est souvent le premier moyen qu’a l’enfant d’entrer en contact avec le support informatique. Or, nous savons tous que le marché du jeu vidéo cible encore en priorité une population masculine.
Mais cette prétendue inégalité est peu à peu en train de se résorber. Internet, parce qu’il rend possible la communication à distance avec autrui, séduit de plus en plus un public féminin, sociologiquement plus attaché que les hommes à ce genre de valeur.
Quant aux cédéroms ludoéducatifs, les activités proposées sont unisexes, font appel à des qualités d’observation, de compréhension et d’écoute auxquelles les filles sont même plus réceptives. D’ailleurs, on peut constater ce renversement de situation en observant la composition des cybercafés. Plus que l’ordinateur, les conséquences présumées liées à son utilisation dans l’apprentissage de l’écrit motivent de nombreuses craintes, notamment dans le milieu éducatif. Va-t-on assister à une disparition de l’écriture manuscrite ? Que deviennent les méthodes traditionnelles de rédaction ? La pédagogie de l’orthographe va-t-elle être mise en danger ? La crainte que l’enfant, face à la jouissance que représente sa production d’écrits parfaits, délaisse, voire méprise l’écriture manuscrite est encore bien réelle. Or, il est désormais prouvé que l’utilisation de l’ordinateur dans la production d’écrits peut réconcilier l’enfant avec l’écriture et, par transfert, motiver son intérêt pour la langue écrite en général.
L’écriture manuscrite et le traitement de texte sont des activités complémentaires et en rien antinomiques. Il en est de même pour la lecture interactive et la lecture traditionnelle.
L’ordinateur n’est pas une baguette magique. Parents et enseignants ont tendance à oublier que l’ordinateur n’est qu’un support qui rend possible une certaine représentation des données (interactivité, multimédia…) mais les vertus de l’ordinateur ne dépendent évidemment que des programmes qu’on y insère.
En 1986, Umberto Eco pensait que l’ordinateur conduirait, par la facilité qu’il donne à déplacer des blocs de textes, à une pensée par blocs, sans cohésions, ni connexions. Plus nuancé, il estimait cinq ans plus tard que, pour la première fois dans l’histoire de l’écriture, on peut écrire plus vite qu’on ne pense.
Cet exemple montre bien que les idées évoluent et qu’on a toujours tendance à appréhender de façon négative un concept nouveau.
{{Lire des fictions interactives}}
Nous venons de voir que l’ordinateur pouvait être un formidable atout pour l’enfant dans sa découverte du langage écrit, mais nous avons vu également que celui-ci n’est qu’un support dont la qualité dépend totalement du programme que nous y insérons.
Qu’en est-il des histoires interactives et hypertextes où l’enfant doit faire des choix et activer des liens pour progresser dans le récit ? Quelles sont les véritables qualités de cette «littérature» ; que peut-elle apporter à l’enfant dans sa découverte et son appréciation de la lecture ? Quelle littérature interactive peut-on finalement proposer à un enfant ?
Livre ou conte interactifs, fiction interactive, histoires interactives et programmes interactifs ! Dans la littérature enfantine, à la télévision, dans les argumentaires des cédéroms ludoéducatifs… l’interactivité est partout. Mais d’où nous vient donc ce besoin d’agir et d’interagir sur nos supports de lecture ?
Ce besoin est peut-être simplement né au fur et à mesure qu’on se rendait compte des limites du support papier. Dans une culture de plus en plus dominée par l’audiovisuel, l’image statique ou animée a pris de l’importance et est davantage considérée comme une source d’information. Pour l’enfant, elle est même primordiale car c’est elle qui raconte l’histoire. Elle est une source d’étonnement, de plaisir.
En même temps que l’on s’intéressait à l’image, on s’est aussi rendu compte de ses limites. Face aux images du cinéma ou de la télévision, nous avons un statut de spectateur. Avec l’émergence des jeux vidéo, il y a une vingtaine d’années, on a découvert peu à peu que l’image n’avait pas toujours une valeur illustrative ou informative mais qu’on pouvait agir sur elle. Ainsi est né peu à peu notre désir d’agir sur l’image, de la manipuler et nous avons commencé à ressentir une certaine frustration à ne pouvoir le faire aussi sur nos écrans de télévision. Le foisonnement récent de chaînes thématiques sur satellite rend possible des expériences de télévision interactive (téléachat, réalisation individuelle de programmes sportifs, films à la demande…) mais on est encore loin de ce que permet le multimédia sur support informatique.
Les gens ont néanmoins de moins en moins envie de «subir» les programmes qui leur sont donnés à voir ou à lire mais veulent aussi agir sur ces données. Il est prévisible que les enfants de la génération actuelle, qui auront été habitués à lire sur des formats, des matières, des supports et selon des modes de lecture différents, souhaiteront retrouver cette pluralité de lectures en vieillissant. Pourquoi est-ce si bien l’interactivité ?
L’interactivité est l’argument phare des programmes ludoéducatifs proposés aux enfants et surtout des livres animés sur support électronique. On a l’impression que l’argument «interactivité» est à lui seul suffisamment convaincant pour faire vendre. Pourquoi l’interactivité est-elle donc si bien pour l’enfant ?
On imagine facilement une réponse en chœur qui pourrait ressembler à : «Parce qu’en permettant d’agir réellement sur le récit, elle rend possible une implication et une autonomie plus importantes.» L’individu, en agissant sur l’interface, agit en fait sur la forme et l’ordre de l’information qui lui est proposée et rend ainsi sa navigation active.
Cette approche du texte par tâtonnement semble correspondre tout à fait au besoin de découverte du jeune enfant qui, actif, s’implique beaucoup plus dans le récit. Et qui dit plus grande implication dit aussi meilleure compréhension. Ce lien de cause à effet qui relève de la logique est une dimension essentielle pour un enfant qui découvre la lecture et qui a tendance à la considérer comme un acte purement scolaire.
On s’est rendu compte qu’avec des programmes interactifs, des enfants pouvaient apprendre plus vite. C’est pourquoi l’interactivité peut être, à notre avis, considérée comme un tremplin attractif vers la lecture, là où des méthodes traditionnelles ont échoué.
{{La double interactivité
du document hypermédia}}
Si personne ne nie l’interactivité du document hypermédia, on peut contester le fait qu’il en ait le monopole. Après tout, toute lecture est interactive. Toute lecture est questionnement du texte par le lecteur et, par conséquent, interaction. Une lecture n’est jamais vraiment passive.
Seulement, on pourrait préciser que, contrairement à l’interaction avec un texte classique qui est mentale, l’interactivité avec le document hypermédia multimédia est sensitive et presque palpable. Activer un lien son engendre une action immédiate et perceptible qui est l’enclenchement de la bande sonore. On clique sur une image et on voit l’animation se mettre en route. On clique sur un lien hypertexte et s’affiche à l’écran notre choix.
L’interaction mentale existe aussi avec le document hypermédia. Elle est même davantage stimulée qu’avec un texte classique. Quand on lit un texte, on est libre de s’interroger sur son contenu ou non, rien n’empêche le lecteur de lire de façon passive sans se poser la moindre question. Alors qu’avec le document hypermédia, la réflexion, la logique, le pouvoir de décision du lecteur sont sans cesse sollicités : «Je choisis cette direction ou bien celle-là ?», «J’utilise cet objet ou bien celui-ci ?».
L’interactivité est double et permanente comme jamais elle ne pourrait l’être avec un livre classique. C’est ce caractère immédiat, palpable, cette sollicitation mentale, physique et permanente du lecteur qui en font un véritable atout pour l’enfant dans sa découverte de la lecture.
Cette conception de l’interactivité n’a évidemment de sens que si l’interaction entre le texte et le lecteur est réalisée de façon intelligente. L’interactivité n’est bénéfique pour l’enfant que si l’activation d’un lien est précédée d’une phase d’observation, de réflexion, d’écoute, de logique.
Cliquer sur une flèche ou sur n’importe quelle autre icône pour accéder à l’écran suivant n’a rien à voir avec de l’interactivité. Cela revient à tourner les pages d’un livre, or, malheureusement, ce type d’interactivité, que l’on pourrait qualifier de «primaire», caractérise encore les productions dites interactives proposées aux enfants sur cédéroms et sur Internet.
Que se passe-t-il quand on décide de lire un livre ? On choisit un livre dans sa bibliothèque, on s’installe confortablement avec le livre sur ses genoux et on considèrera que 99% des individus ouvriront la première page, la liront de haut en bas, la tourneront et ainsi de suite jusqu’à la dernière. Que se passe-t-il quand on lit un document hypermédia ? On choisit un cédérom ou un site Internet que l’on visualise sur son écran d’ordinateur. On se retrouve devant un écran rempli de texte et/ou d’images sur lesquels figurent des liens que l’on est invité à activer. Pour cela, on n’entre pas directement en contact avec le support mais on utilise une souris. On active ce lien et on se retrouve sur un autre écran et ainsi de suite. Jusque-là, rien de bien sorcier. Que se passe-t-il alors si on désire revenir à la page précédente ou bien lire la dernière page de l’histoire ? Avec un livre classique, la solution est simple. L’opération devient beaucoup plus délicate avec un document hypermédia.
Bref, cette démonstration révèle qu‘en quelques minutes, le lecteur d’un document hypermédia perd ses repères de lecture habituelle et expérimente les caractéristiques fondamentales du document hypermédia : l’immatérialité, la non-linéarité et l’absence de vision globale du récit. Le document hypermédia est immatériel.
Le texte n’a plus de support solide mais un support virtuel sur lequel on agit indirectement par l’intermédiaire d’une souris. Le livre électronique perd aussi sa dimension de volume.
Or, le livre est un objet que l’enfant prend plaisir à manipuler dès sa petite enfance. Il entretient avec lui un contact sensuel où plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : le choix du papier, la forme du livre, les dessins, l’odeur… La part des sens dans sa lecture prend encore une valeur plus significative dans la consultation d’un livre animé où l’enfant tire physiquement sur une languette, actionne réellement un mécanisme. Avec le document hypermédia, l’enfant est virtuellement actif. Face à un ordinateur, l’enfant ne peut pas tenir le texte entre ses mains, ni l’emporter n’importe où mais, après tout, il se retrouve face à une surface lisse et plane. Et l’espace de texte est délimité par l’écran exactement comme la page d’un livre.
En conséquence, l’enfant ne se rend pas compte de l’immatérialité du texte à l’écran tant qu’il est devant. Par contre, alors que l’on retrouve toujours le même contenu dans un livre, l’enfant peut être désappointé de ne pas retrouver immédiatement l’histoire lorsqu’il allume un ordinateur. L’enfant qui veut lire et relire une histoire qui lui plaît se contente de la saisir dans sa bibliothèque. Sur Internet, s’il veut retrouver une histoire qui lui a plu, il faudra qu’il se lance dans une démarche plus complexe et moins immédiate. Cette opération deviendra même ardue s’il n’a pas pris la peine de noter l’adresse ou le nom du site.
Contrairement au livre où l’on a un support pour un contenu, avec l’ordinateur on se retrouve avec un support pour une multitude de contenus.
Mais cette ubiquité du support est un concept rapidement assimilé par l’enfant habitué au zapping et aux consoles de jeux. Avec le document hypermédia, on n’a aucune vision globale du récit
La difficulté majeure provient de ce que l’on ne peut pas lire la totalité du texte. Avec un livre, on peut accéder très rapidement à la fin du récit. Il est beaucoup plus difficile, voire impossible de le faire avec un document hypermédia. On ne sait pas toujours bien où on commence, mais encore moins où et comment on finit. On ne sait même pas s’il y a une fin… ou plusieurs.
Le fait de n’avoir qu’une vision parcellisée du récit (la surface de l’écran devant nos yeux) nous donne l’impression que la lecture va réellement se vivre comme un parcours, que nous allons évoluer d’étapes en étapes.
Cela peut éveiller notre curiosité et participer au plaisir de la lecture mais aussi nous agacer. Avec le document hypermédia, on ne relit jamais le même récit. Chaque lecture fait miroiter des figures et des formes qui naissent et meurent dans un renouvellement perpétuel. Il y a autant de visions d’un livre que de lecteurs. Mais, a priori, une personne qui relit un livre le lira de la même manière et en aura, à peu de chose près, la même vision.
Cela dit, une personne qui relira un document hypermédia pourra choisir d’autres liens au cours de sa lecture, ce qui lui donnera une vision du récit totalement différente. Cette caractéristique est très importante pour les enfants. Ces derniers aiment lire et relire les histoires qui leur plaisent. Ils peuvent le faire avec un hypertexte.
{{Le statut particulier du lecteur}}
L’interactivité du document hypermédia place le lecteur dans une situation jamais égalée avec le livre classique. Face à la lecture d’un document sur ordinateur, le lecteur peut être tour à tour lecteur passif et actif. Il est spectateur quand il regarde l’animation qu’il a déclenchée à l’écran et s’implique davantage quand il entre en interaction avec des éléments que le dispositif crée à son intention. Le lecteur devient réellement actif lorsqu’on fait appel à son imagination, à sa création personnelle en devenant scripteur.
Et le lecteur peut être tour à tour spectateur, acteur et scripteur dans un même document hypermédia. Ce schéma de lecture valorise le lecteur qui sait que c’est son activité participative qui donne vie et sens au document. Il acquiert un sentiment de puissance : celui d’être maître de son récit.
On a souvent dit que, dans un spectacle, c’est le public qui a du talent. Faut-il attribuer à l’hypertexte une forme de génie littéraire puisque c’est sa lecture qui produit du sens. Alors que face à un texte classique, le lecteur reçoit le texte qui lui est donné à lire dans un ordre déterminé à l’avance et sans avoir la possibilité d’intervenir sur l’écriture du texte même. Certains dispositifs hypertextes encouragent la lecture/écriture.
Le lecteur peut intervenir sur le texte même de l’auteur en y mêlant sa propre écriture (choix du nom du héro, imaginer la suite de l’histoire…) ce qui contribue à sérieusement limiter la séparation habituelle entre le lecteur et l’auteur.
En ayant la possibilité de devenir à son tour auteur et en construisant le cheminement de son récit, le lecteur du document hypermédia finit par se sentir coauteur. On supprime avec l’hypertexte cette notion d’auteur unique. Surtout que, parfois, seulement une partie de ce qui a été écrit par l’auteur est lu par le lecteur. La notion de lecteur-auteur prend alors toute sa dimension.
D’ailleurs, pour montrer que le lecteur d’un hypertexte est un lecteur d’un genre nouveau, un écrivain anglais a créé le mot «wreader» pour le définir, que l’on pourrait traduire «laucteur».
Cette liberté de lecture, ce pouvoir de décision dans le cheminement du récit permettent à l’enfant de se sentir encore plus impliqué et, donc, plus motivé dans sa lecture.
Afin de donner à un enfant le goût de lire, il ne faut pas le contraindre dans sa lecture, ne pas lui imposer un sens canonique à un texte ni un rythme de lecture particulier. Quant à faire de l’enfant lecteur un coauteur de son récit, il y a déjà quarante ans, un enfant était beaucoup plus motivé par la lecture lorsqu’il pouvait participer à l’écriture de ce qui lui est donné à lire.