8 septembre 2024

Le village horizontal

Vous baillez devant le JT de 20 heures ? Vous coupez votre radio au moment du flash info ? Réflexe d’humain normalement constitué pour qui les médias classiques sont une fabrique d’ennui, ronronnent comme des chats de gouttière et prêchent la nouvelle religion du XXIe siècle : le politiquement correct.
Le débat est ancien. Il est cependant chaque fois renouvelé par Internet. Ce média a brisé les lignes de l’information verticale, celle qu’on subit à chaque heure fixe de la soirée ou de la journée, pour les remplacer par l’information horizontale. Il a bousculé les fronts les plus bétonnés pour imposer une nouvelle géométrie du journalisme et de la communication. Il a inventé le réseau ! Concept cher aux sociologues new-look occidentaux, ceux qui marient la puce et la psychanalyse et décryptent le moindre signal de fumée sortant du MIT ou de la Sillicon Valley. Mais qui désigne néanmoins une vérité accessible à tous : avec le Web, rien ne va plus comme avant.
Dans la formule, il y a le vertige de la roulette. La magie du territoire sans limite ou presque. On le prend par le bout que l’on veut. On s’y connecte et on s’y déconnecte quand on veut (sauf sous certaines contrées «sous dév.» où la lenteur du débit coule comme l’âge de pierre des temps protohistoriques). On n’attend ni l’heure «H» ni le journaliste pour ajuster sa cravate ou passer un doigt sur son brushing. Il suffit d’un click et vous voilà au paradis ou dans les soutes de l’enfer.
«Highway to hell», gueulait le tube des seventies sans que ses auteurs (AC/DC pour les intimes) soupçonnent l’abysse noire du gouffre : cyberterrorisme, sex, trash et toute la panoplie des adeptes d’Armagedon. «I’m in heaven», recoule Satchmo (Armstrong himself) de son Olympe. Enfer, Paradis. Le duo ressuscite ce que nous avons cru perdu : le forum antique grec et, avec lui, une démocratie (presque) à l’état pur.
Tout se dit sur n’importe quoi, et tout est sujet à commentaire et à discussion. Le sérieux côtoie le douteux. Le sombre donne de la hanche au clair dans un tango de créativité et de liberté qui menace jusqu’aux institutions les plus vénérables et donc les plus supposées solides. Les grands journaux ? Certains ont plus de monde en ligne que de lecteurs sur papier. Le jeu de mots n’est, bien sûr, pas très futé. Il n’empêche que les grandes batailles de l’édition se joueront sur le Net et pas ailleurs.
L’édition universitaire ? Les encyclopédies «Wiki» offrent aujourd’hui, et pour le prix d’une connexion, un savoir non seulement interactif mais rivalisant avec ces bibles que sont l’Universalis ou l’Encylcopaedia Britannica.
L’édition littéraire ? Des auteurs de blogs gagnent aujourd’hui des fortunes en transformant leurs journaux intimes sur Internet en livres. La maison d’édition Penguin est la dernière en date à être montée dans le train de l’édition de blogs avec le rachat de la Petite Anglaise, mémoires en ligne de Catherine Sanderson, une secrétaire britannique travaillant en France et licenciée pour avoir tenu ce journal sur Internet.
Il y a plus de quarante ans, Marshal Mac Luhan a prédit le village planétaire. Il n’a pas deviné qu’il allait être très petit et horizontal.

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