La commune de Rouiba peut se targuer de porter sur ses terres une entreprise à part. Une tour vitrée qui surplombe une bâtisse entourées d’un mur d’enceinte dans un calme plat, quelques fois perturbé par le passage de camions de gros tonnage. Rien de plus étonnant dans la zone industrielle de cette ville. Cependant, c’est une fois le seuil du parvis de cette construction d’apparence insoupçonnable franchi qu’on comprend la particularité de cette société.
Jadis science-fiction…
HB Technologies est une entreprise de droit algérien créée en 2004. Elle est spécialisée dans la production et la personnalisation de cartes intelligentes et des documents d’indentification. Rencontrés sur place, MM. Abdelhamib Benyoucef et Jamel Eldine Zerouk, respectivement président-directeur général et directeur général chargé des opérations, ne manqueront pas de nous dérouler et de nous relater les prouesses techniques auxquelles est arrivée l’entreprise par la poignée de ses ingénieurs issus des universités algériennes mais surtout passionnés par un univers dont nous aurions pu en sortir les pieds devant vu le domaine sensible et complexe qui est le leur. Il n’est pas seulement question de fabriquer des cartes à microprocesseur pour le secteur de la monétique ou de la téléphonie ni même se laisser appâter par le marché à venir qu’est celui de l’intégration des technologies nouvelles dans l’administration publique.
Le premier souci de HB Technologies est la sécurité et son inviolabilité. Quoi de plus logique quand la société se singularise par sa capacité à proposer et à créer des solutions qui reposent sur les dernières techniques d’identification et d’authentification biométriques. Unique en Afrique du Nord et au Maghreb, l’unité de production et de personnalisation de HB technologies assure de bout en bout la fabrication de la carte à puce.
D’ailleurs, dans un entretien paru dans IT Mag à propos de la monétique de masse, M. Benyoucef affirmera d’emblée que l’entreprise dont il est à la tête n’est pas un simple encarteur. C’est ce que nous aurons à confirmer de visu lorsque nous avons visité ses installations, ses machines et autres équipements qui semblaient avoir pour dénominatif commun le dernier cri de la technique.
Tour à tour, nos deux guides se relaient pour nous présenter ce que l’entreprise sait faire. Ici un appareil pour produire 15 000 cartes de recharge téléphonique par heure. Une machine robotisée conduite par un ordinateur dans lequel sont entrées les données relatives à la commande du client. Les parois, en verre, sont teintes en noir, empêchant toute visibilité, donc tout risque d’un abus, quel qu’il soit. Sous nos pieds s’alternent revêtements antistatique ou antipoussière, selon les spécifications draconiennes de sécurité et de propreté exigées pour la fabrication de cartes à puce. Dans le compartiment de personnalisation auquel nous nous rendons par la suite, M. Zerouk nous désigne une bande conductrice installée le long du sol dont l’extrémité est placée dans un boîtier électronique. Elle sert à éliminer l’électrostatique qui se trouve naturellement chez l’individu afin de ne pas griller le circuit électronique implanté dans son support en plastique. A ce propos, nos interlocuteurs nous expliqueront que les composantes essentielles d’une carte à puce sont le corps en plastique, la puce électronique et le micromodule. Là nous assistons, théoriquement, au processus de laminage des différentes parties d’une carte à puce hautement sécurisée avec intégration d’un «film» électromagnétique pour former ce qui est appelé une «carte à puce et à piste». Une grosse machine contient les microprocesseurs enveloppés dans un film de protection qu’elle se chargera elle-même de «déshabiller», de formater, de procéder à des tests électriques unitaires pour identifier toute anomalie de la puce ainsi que de ses circuits. Enfin, elle est incrustée dans l’embout de plastique puis, encore une fois, est contrôlée. Tout se fait sous l’?il vigilant de l’ingénieur en charge de veiller au bon déroulement des opérations. Puis interviennent la partie personnalisation et impression de la carte où, dans une autre salle, une «merveille» nous est présentée : une offset dont la technologie a réduit à une portion de moins d’une dizaine de mètres comparativement aux anciennes machines d’impression qui ne mesurent pas moins d’une vingtaine de mètres de longueur. Selon M. Benyoucef, «cette machine, en forme d’éventail, est capable d’une impression de 12 microns». HB Technologies flirte avec biométrie, cybernétique et nanotechnologie. Mais ce n’est pas fini. Ici une machine de saisie de données biométriques pour la fabrication projetée de cartes d’identité, de passeports, de permis de conduire… biométriques. Il nous est expliqué que l’entreprise offre deux solutions : l’une centralisée et l’autre décentralisée. Pour la première, c’est tout le système, en ce qu’il englobe comme machines et logiciels, qui est installé au niveau d’une institution publique, ministère de l’Intérieur par exemple, qui produit et délivre ces documents.
Pour la seconde, les données sont enregistrées dans un point donné puis envoyées vers chaque daïra ou siège de wilaya, selon la solution adoptée, qui seront équipés de modules de tirage des cartes biométriques ; le tout transitant via Internet.
… Aujourd’hui réalité
La réalité tient en un seul mot : sécurité. Nous nous sentirons quelque peu amusés lorsque MM. Benyoucef et Zerouk nous feront comprendre que c’est la dernière fois que nous visitons l’usine. La sécurité, aussi bien de l’infrastructure que des systèmes de production, est ultramoderne. «Auparavant, la sécurité s’apparentait aux gros murs blindés. Aujourd’hui, la sécurité, ce sont les systèmes», affirme M. Benyoucef. A l’entrée, un système de contrôle d’accès à base de reconnaissance biométrique, un système d’alarme automatique
et un autre de télésurveillance. Tout le monde s’y colle. A l’entrée, chacun dispose d’une carte à puce qui déclenche l’ouverture des portes à distance. L’accès est extrêmement restreint. Un employé n’a le droit d’entrer que dans le seul compartiment qu’il lui a été signifié d’activer avec sa carte. Autrement, il est appelé à rendre des comptes à son administration et à se justifier devant ce qui est considéré comme une «intrusion». Des boîtiers électroniques ornent tant l’intérieur que l’extérieur de chaque salle de machine. Des capteurs laser, infrarouges et des caméras sont omniprésents. Même le toit de l’usine y passe avec des capteurs sensoriels qui savent détecter ce qui est humain de ce qui ne l’est pas. Les employés sont soumis, selon l’aveu même de M. Zerouk, à «une discipline de fer». «Souvent il arrive que nous fassions en sorte que les employés ne se croisent pas pour ne pas communiquer sur les projets qu’ils suivent», poursuit M. Benyoucef qui ajoute que rien qu’en câbles divers, «ce sont 2 millions de mètres».
Vers la certification EMV
Un tel niveau de sécurité est exigé pour être certifié Euro MasterCard Visa. Un enjeu de taille mais surtout la reconnaissance d’une qualité et d’une maîtrise de très haut niveau. En fait, HB Technologies ne s’y est pas trompée en s’alliant à Mühlbauer High Tech International. Un géant allemand de la carte à puce, des systèmes biométriques de dernière génération et de développement d’applications et de solution logicielle pour ce qui de la protection des données. HB Technologies lui a déjà confié ses ingénieurs et les partenaires allemands sont là pour suivre et conseiller l’entreprise algérienne. Ils travaillent d’ailleurs ensemble au développement et à la création de solutions globales pour la gestion de la sécurité et à la confection de systèmes sophistiqués pour l’encryptage et la lecture des données. Aussi, des responsables d’EMV s’enquièrent de l’état d’avancement de la mise aux normes requises de l’entreprise. «Nous en sommes à 80% du processus. Cela avance bien», répond M. Zerouk à une question sur la certification de HB Technologies aux normes EMV. Ce sera une première en Afrique à ce niveau de maîtrise de la technologie.
Objectif : développer un OS algérien
Au-delà de la fabrication des cartes intelligentes, de la maîtrise des technologies biométriques, la première raison d’être du centre de recherche et de développement de HB Technologies est d’arriver à créer un système d’exploitation totalement algérien. «Ça prendra le temps qu’il faudra. Je serai même prêt à vendre ma maison pour y arriver car la recherche et le développement nécessitent beaucoup d’argent à un point insupportable par l’entreprise actuellement. Mais nous y arriverons», promet le président-directeur général de HB technologies. Ce projet lui tient à c?ur. M. Benyoucef nous avoue avoir contacté outre-mer des spécialistes algériens du domaine qui gèrent d’importants projets. L’un d’eux a été chargé par des banques suisses regroupées au sein d’un consortium de créer une application qui prendrait en charge les opérations de courtage en Bourse à la place de l’élément humain. Aux dernières nouvelles, selon notre interlocuteur, l’ingénieur et chercheur algérien en est à la phase test de son projet. Le PDG de l’entreprise n’a pas caché son souhait de le voir à la tête d’un laboratoire de recherche ici en Algérie pour le compte de l’entreprise.