L’étude des conséquences de l’évolution scientifique et technique du secteur des télécommunications montre qu’en dépit de la crise qui affecte ce secteur ainsi que celui de l’informatique, leur confluence sera probablement déterminante sur les conséquences économiques et le développement durable des quinze prochaines années. Aussi peut-on dire également que le soutien apporté au déploiement de ces technologies par la puissance publique est un levier très important de leur diffusion dans l’économie et la société et que ce soutien est très inégal suivant les pays et très moyen dans le nôtre, en dépit de sa vocation scientifique et technologique.
On peut légitimement s’interroger sur le problème de savoir pourquoi l’Algérie ne peut entreprendre un effort de recherche. Si le Maghreb, et à son niveau l’Algérie, n’affecte plus suffisamment de ressources aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, elles en subiront les conséquences dans une dizaine d’années ou moins. Car, à l’issue de cette période, il y aura des pays gagnants et des pays perdants.
En fait, tout se passe comme si notre pays n’avait pas pris la totale mesure de la nécessité de l’innovation continue dans le contexte de la mondialisation, pourtant inéluctable dans sa dynamique et dont on peut sans doute maîtriser certains aspects mais pas ignorer la logique.
L’architecture de soutien de l’Etat à la recherche, mais surtout au développement technologique, a été mise en cause ; elle est aujourd’hui gravement menacée. D’autant plus que l’acceptation des règles de concurrence de la mondialisation permet à certains pays, sous couvert de recherches militaires ou universitaires, de soutenir massivement les développements technologiques de leur structure industrielle.
L’Algérie -et les arabes-, par contre, n’ont pas (les optimistes disent et pensent «pas encore») de stratégie de recherche duale permettant, comme aux Etats-Unis, de lier plus étroitement les besoins de la recherche militaire aux avancées de la recherche civile.
De plus, dans le domaine qui nous concerne, on relèvera également une grande timidité à prendre des mesures très incitatives en ce qui concerne les services de l’Etat et des collectivités locales. A quoi sert d’équiper les mairies et les préfectures d’ordinateurs connectés à l’Internet si une convocation à des réunions de syndicats intercommunaux par voie électronique est frappée d’illégalité par les services de contrôle de la légalité ?
A quand les appels d’offres publics passés uniquement par voie électronique avec la réduction correspondante des délais inscrits dans les codes divers de l’urbanisme, des communes et des collectivités locales ?
Parallèlement, l’université algérienne, qui dispose de crédits de recherche non négligeables, a des difficultés à fédérer l’emploi d’une partie significative de ses fonds sur des thèmes mobilisateurs.
Même si chacun des échelons considérés doit mettre à niveau l’ampleur de ces soutiens et adapter ses objectifs et ses procédures, une autre voie doit être explorée dans notre pays : l’encouragement de la participation des régions à ces actions, sous la forme d’expérimentations sociales à grande échelle. Première proposition : donner de l’ampleur et de la lisibilité au soutien de l’Etat à la recherche et au développement technologique de la filière télécommunications-informatique.
{{A. ACCROÎTRE LES CRÉDITS DE RECHERCHE ET DE DÉVELOPPEMENT TECHNOLOGIQUE}}
1 – Les crédits civils de recherches
Par le simple fait que l’ENSJ finance les jeunes étudiants et les encourage à développer leurs recherches et à avancer dans leur domaine, on peut dire que notre pays pense très bien à la recherche scientifique notamment avec le projet en cours du cyberparc dans la nouvelle ville de Sidi Abdallah dont l’incubateur est destiné aux chercheurs. Ce qui leur permet de nourrir leurs idées et de financer leurs projets. Donc, c’est une grosse somme d’argent que déploie l’Etat pour pousser la mutation technologique, Or, cette somme est relativement marginale par rapport à la nécessité d’encourager les nouvelles technologies et aussi par rapport au budget déployé par les autres pays comme les Etats-Unis ou le Canada, incitant la recherche scientifique et le développement technologique du secteur.
2 – Les crédits militaires de recherche
Lorsque l’on connaît l’ampleur du soutien du ministère américain de la Défense à la recherche civile, on est confondu par la faiblesse de l’apport de la recherche militaire au budget civil de recherche.
C’est très insuffisant en volume. Et cela ne prend pas en compte l’ensemble des interfaces entre le civil et le militaire dans le secteur des télécommunications. On rappellera sur ce point que les programmes américains permettent à l’industrie de satellites de ce pays d’amortir le coût de développement d’un satellite civil grâce à la commande préalable de plusieurs unités militaires.
{{B. RÉEXAMINER L’ENSEMBLE DE LA FISCALITÉ DE LA RECHERCHE}}
Les encouragements fiscaux dans ce domaine sont-ils suffisants ? On en doute. Il serait souhaitable que le gouvernement réexamine l’ensemble des encouragements fiscaux à la recherche et à la diffusion des nouvelles technologies afin de déterminer s’ils sont toujours adaptés aux défis de la mondialisation.
Et, en particulier, mais de façon non limitative : la fiscalité des entreprises à croissance rapide, aussi bien afin d’éviter les échecs qui peuvent l’être que pour réduire le risque de rachat des start-up qui réussissent par des entreprises étrangères, le soutien aux entreprises qui dotent leurs salariés d’un équipement informatique à domicile -c’est un point essentiel ; et l’adéquation des taux de TVA aux expérimentations menées sur les nouvelles technologies. On sait que «quand le bâtiment va, tout va», mais il aurait peut-être été plus fructueux, en termes de développement futur, d’appliquer la baisse de TVA intervenue dans ce domaine aux expérimentations menées dans le domaine des nouvelles technologies et aux services et téléactivités utilisant l’Internet. En essayant de promouvoir sur ce point une harmonisation des fiscalités algériennes.
{{C. IMPLIQUER TOTALEMENT LES POUVOIRS PUBLICS DANS LA DIFFUSION DES USAGES SOCIAUX DES NTIC}}
1. L’introuvable société de l’information
Le retard mis à élaborer, et surtout à présenter, l’opération «OusraTIC» repoussait d’autant la diffusion des usages de cette société alors même que certains des instruments, comme le courrier électronique, était largement disponibles avant l’apparition de cette dernière. Mais quand même soyons optimistes. Après son lancement, «OusraTIC» a eu beaucoup de fruits comme le montre le nombre de lignes ADSL attribuées aux particuliers ainsi qu’aux professionnels.
A cet égard, les pouvoirs publics nationaux et locaux doivent systématiquement montrer l’exemple dans l’utilisation de ces technologies. A un coût très faible, cette démarche aurait un effet d’entraînement fort.
2. Les «hussards du numérique»
De même, il conviendrait, par tous les moyens possibles (bus Internet, cybercafés, recherches de liens avec les milieux associatifs, envois de missionnaires dans les collèges et lycées, utilisation beaucoup plus massive des chaînes de service public de télévision) de sensibiliser beaucoup plus largement les Algériens aux usages de l’Internet et de l’Internet à haut débit.
3. Diminuer le prix de l’accès à l’Internet haut débit
Compte tenu des difficultés actuelles de la mise en concurrence dans ce domaine, il serait hautement souhaitable que l’Etat, actionnaire des trois opérateurs disponibles en Algérie (Fawri, EEPAD, Djaweb), seul à développer une couverture de 80% de la population à un horizon de deux ans sur l’Internet à haut débit, pèse rapidement sur son offre (prenant comme exemple le premier opérateur Internet EEPAD qui offre une connexion de 128ko\s pour un prix de 1 650 DA mensuels) afin d’aboutir à une offre inférieure à 1 000 DA par mois.
Deuxième proposition : le lancement d’un grand programme fédérateur de l’industrie algérienne sur les applications des nouvelles technologies des télécommunications. Comme il a été souligné, le secteur de l’industrie est probablement celui qui présente le plus de possibilités d’acquisition des usages des nouvelles technologies du fait de sa progressivité d’imprégnation et du caractère relativement indolore des surcoûts en télécommunications.
Les règles de concurrence dans notre pays et la dimension algérienne du marché font qu’il est difficile, voire impossible, de lancer un programme national sur ce point. Sinon il est proposé d’inviter les pouvoirs publics, en liaison avec l’industrie algérienne et les Etats concernés, à lancer ce programme spécifique comme par exemple les poids lourds du secteur télécommunication-informatique, les Etats-Unis ou le Japon. Troisième proposition : mettre en ?uvre plusieurs programmes d’expérimentation sociale des nouvelles technologies à l’échelon régional ou interrégional.
A. DÉFINITION DES OBJECTIFS
Les transformations économiques et sociales que produiront les nouvelles technologies de la filière télécommunications-informatique doivent être accompagnées par la puissance publique, en fonction de leur dimension économique, mais aussi en raison de leur importance pour le développement durable et l’aménagement du territoire.
Au fond, il ne s’agit plus ici seulement d’impliquer la puissance publique dans la construction des grands réseaux (comme cela a toujours été fait) mais de la faire participer à la mise en place des nouveaux services qu’apportent ces réseaux.
L’échelon régional ou interrégional est l’espace où de larges expérimentations pourraient être organisées, naturellement en liaison avec les dispositions tendant à assurer la diffusion de l’Internet à haut débit sur tout le territoire. Cela sur la base d’un volontariat des régions et dans trois grands domaines : le télétravail, le téléenseignement, dans ses deux composantes de formation professionnelle et d’enseignement, et la télésanté.
L’objectif serait, sur ces points, de lancer avant ou vers la fin de 2007 plusieurs opérations dans ces domaines, dont une entre régions de deux ou plusieurs pays développés.
B. LA RECHERCHE DE FINANCEMENTS
Outre l’apport des entreprises qui pourraient être intéressées et celui des régions, deux types de financements pourraient être mobilisés : des fonds de formation professionnelle et les contrats de plan Etat-régions.
Quatrième proposition : mieux organiser l’allocation des fréquences. Ces dernières sont un bien plus rare qu’il n’y paraît. A un horizon de dix ans, personne n’est actuellement capable de mesurer les besoins en fréquences hertziennes générés par la révolution des télécommunications. Dès lors, deux précautions doivent être prises :
A. ENCOURAGER LES RECHERCHES SUR L’OPTIMISATION DES FRÉQUENCES
Il s’agit ici d’élargir l’espace disponible qui est a priori limité en encourageant les recherches sur l’émission et la réception, et surtout sur la modulation des fréquences. Rappelons que la bande FM a fait progresser les fréquences disponibles d’un facteur 10 dans le domaine de la radio.
B. ENVISAGER AVEC PRUDENCE L’UTILISATION DES FRÉQUENCES LIBÉRÉES PAR LA TÉLÉVISION NUMÉRIQUE HERTZIENNE
On assiste actuellement à une efflorescence de projets, d’intérêt très variable, pour occuper les fréquences qui seront libérées par la télévision numérique hertzienne. Lorsque l’on sait que la migration des postes noir et blanc a pris plus de vingt ans, on ne peut que porter un regard distant sur ces projets ! Dès lors, deux réflexions s’imposent : d’une part, sur le prix de l’allocation de ces fréquences. Peut-on affecter presque gratuitement un bien public rare à des usagers privés alors qu’on le fait payer très cher dans d’autres bandes de fréquences ? Le produit d’une redevance d’allocation permettrait probablement de renforcer les moyens de la recherche sur les fréquences et d’accroître le budget des organismes qui sont chargés, directement ou par sous-délégation, de leur gestion. D’autre part, il semble indispensable, alors même que les fréquences de télévision disponibles vont être multipliées par 5 ou 6, d’en réserver une partie pour les grands usages sociaux de télécommunications interactives précédemment évoqués.