20 janvier 2025

Pour des états généraux de l’enseignement de l’informatique

Et revoilà la rentrée ! La fièvre du préau, le stress du cartable et les invariables bulletins du ministre de l’Education nationale : «Beau temps persistant et ciel bleu azur sur la réforme.» Toujours printanières, même en automne, les prévisions de Benbouzid sont comme ses annonces annuelles : rassurantes sur les conditions d’accueil de nos potaches, encourageantes sur le talent, forcément pédagogiques de nos valeureux «instits». Et réconfortantes sur les vertus préservées du manuel scolaire et de la rigueur du savoir qu’il contient.
Ah le manuel scolaire ! L’objet du discours du ministre, il est vrai, est très sérieux. Ce n’est pas que du papier numéroté qu’on égrène de l’automne à l’été. Mais un mode d’emploi de savoir qu’on manipule, qu’on consulte comme on fait un bilan de santé. La moindre anomalie et c’est toute une génération d’écoliers qui est privée du savoir vrai et jetée hors des balises pédagogiques de l’apprentissage et de sa cohérence. Le manuel, comme en témoigne son étymologie (latin manus, la main), se définit après tout, à l’origine même, comme un ouvrage de format réduit qui renferme l’essentiel des connaissances relatives à un domaine donné. L’erreur y est fatale.
Le problème est que, comme tout objet, le manuel évolue. S’il ne change pas facilement de contenu -on ne parle plus pourtant de Pluton comme d’une planète, l’astre étant depuis près d’un mois rétrogradé par l’Union astronomique internationale au rang des astéroïdes- il peut rapidement changer d’aspect et de format. Dans les pays développés, notamment en Amérique du Nord et dans certains Etats européens, on parle déjà du livre électronique ou du e-manuel : terme désignant le manuel numérique intégrant l’utilisation progressive et très certainement irréversible des TIC dans les pratiques pédagogiques quotidiennes.
Certes, en Algérie, nous n’en sommes pas encore là. L’école, dans notre pays, demeure confrontée à des problèmes «terre à terre». Elle reste prisonnière de puissants tropismes dont l’origine est à chercher dans l’état de sous-développement dans lequel se trouve encore notre pays, généralement, et, particulièrement, dans la pauvreté de la recherche scientifique en matière de didactique et d’innovation pédagogique.
Sur le terrain, en effet, nous ne sommes pas sortis de la réflexion du comment rendre nos classes moins encombrées et nos programmes moins éloignés d’une échelle dont la mesure se conçoit aux Etats-Unis, En Europe, au Japon ou dans les pays émergents pour lesquels l’éducation a une valeur stratégique. Mais sommes-nous si largués ? La question est, à elle seule, un geyser de polémique et une forme d’acquiescement. Il n’en demeure pas moins que l’enseignement de l’informatique à l’école n’est pas une étrangeté en Algérie. Au contraire !
L’arrivée de l’ordinateur dans nos classes est, bien sûr, récente. Un grand nombre d’établissements n’en connaissent pas encore l’usage. Pis : certains n’en reconnaissent que le volet administratif, leurs responsables considérant la chose comme insuffisante en nombre ou comme hors d’accès aux jeunes élèves. Il n’en demeure pas moins que son intégration dans la sphère éducative, à l’intérieur des classes comme dans les foyers, est en marche.
Mais pourquoi ce mouvement qui consiste à intégrer les TIC dans nos programmes scolaires est donc si lent ? Et si peu visible ? Il y a naturellement un début de réponse dans le propos précédent sur l’indisponibilité ou la mauvaise utilisation des PC en milieu scolaire. Il faudrait pourtant pousser le débat plus loin en organisant des états généraux de l’enseignement de l’informatique dans les écoles et lycées d’Algérie.
L’objectif est avant tout de faire le bilan de la courte expérience que nous avons dans ce domaine : qu’avons-nous gagné depuis dix ou quinze ans à introduire l’outil informatique dans certains de nos établissements ? Quelle démarche pédagogique a-t-on adopté ? Et quels résultats avons-nous obtenu ? Doit-on continuer à enseigner l’informatique comme discipline à part ou, au contraire, doit-on réfléchir à l’intégration des TIC à l’intérieur de nos multiples enseignements ? N’est-il pas temps de découvrir le palmarès des meilleurs écoles qui ont su intégrer les TIC ?
Autant d’interrogations qui doivent impérativement nous conduire à l’essentiel : disposer d’abord d’une réelle connaissance des budgets de dotation dont disposent les ministères de l’Education nationale et même de la Formation professionnelle pour équiper les écoles d’ordinateurs et mettre en réseau l’ensemble du parc informatique du système de l’éducation nationale et de la formation dans notre pays. Avoir ensuite une meilleure connaissance de leur politique, si politique il y a, en ce qui concerne la généralisation de l’outil informatique en milieu scolaire ou d’apprentissage.
Le stade suivant consiste à penser l’enseignement du XXIe siècle en Algérie par des recommandations rigoureuses sur la formation des élèves et des enseignants, sur le soutien technique et pédagogique aux TIC, sur l’accès aux évolutions, sur la recherche et le développement. Et, pour conclure, sur la nécessité d’un plan ministériel ou gouvernemental quant aux TIC dans les écoles, collèges et lycées d’Algérie.
L’enjeu fondamental est de faire évoluer la perception des TIC dans l’éducation et d’être au diapason d’une réalité mondiale où l’informatique s’impose comme un paradigme incontournable pour l’accès à un savoir nouveau et renouvelé, à une formation de qualité, à l’emploi et à la compétitivité. Il consiste à proposer un plan clair et viable sur l’utilisation des TIC dans l’école de la République et à inciter voire obliger ses établissements à se doter d’une politique institutionnelle en la matière.
Ce plan devrait mobiliser toute la communauté éducative nationale. On pourrait par ailleurs imaginer un effort de coopération avec un ministère comme celui des postes et des technologies de l’Information et de la Communication. Pourquoi, par exemple, ne pas généraliser une opération comme celle d’Ousratic au milieu scolaire et pré universitaire ? Et développer par ce biais l’infrastructure informatique dans ce secteur ?
En France, le conseil général des Bouches du Rhône a lancé depuis trois ans une opération qui consiste à prêter, pour un usage éducatif au collège, et à la maison, un ordinateur à chacun des 60000 élèves de 3e et 4e du département. Cette année il leur sera offert en raison de «la réussite du dispositif qui a fait ses preuves depuis son lancement » et parce qu’il était dommageable pour les enfants qui s’étaient habitués à utiliser cet outil de le perdre car trop souvent les parents ne pouvaient pas s’équiper.
L’investissement a coûté 22,5 millions d’euros. Est-ce trop onéreux pour un pays qui vend son pétrole à plus de 70 dollars le baril ?

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