7 février 2025

HI-TEC 2006 : L'espace des technologies

Comme à l’accoutumée, c’est au ministre de la Poste et des TIC qu’est attribué l’honneur de l’allocution d’ouverture. Dans son discours, d’ores et déjà rodé et réactualisé à mesure des événements, M. Boujemaa Haïchour a fait étalage des performances de la politique de réforme sectorielle engagée depuis juillet 2000 dans «la stratégie d’édification de la société de l’information». La reconsidération du cadre juridique, le développement des infrastructures réseaux téléphoniques, l’augmentation du nombre d’internautes, les investissements croissants, la génération des offres d’emploi et la baisse des coûts d’accès aux TIC sont les indicateurs phares d’une volonté affichée de l’Etat de promouvoir les technologies nouvelles. «Nous avons créé une proximité citoyenne […] Grâce au mobile, nous avons retrouvé une souveraineté nationale, un rapprochement des individus.» L’hégémonie des opérateurs se fait ressentir au regard des chiffres annoncés ; 19,5 millions d’abonnés au téléphone dont 15,5 millions pour le mobile. Le président-directeur général de Djezzy, partenaire de ce Salon, Hassan Kabani, n’a pas manqué l’occasion de rappeler que dans ce marché algérien où le potentiel de la téléphonie mobile y est le plus important, son entreprise a largement contribué à cette démocratisation avec ses huit millions de clients. Il affirmera qu’il existe au moins un mobile Djezzy dans chaque foyer.
{{Un avenir prometteur}}
Un essor spectaculaire traduit aussi par le montant des investissements à venir, estimés à 60 milliards de dollars jusqu’à l’horizon 2010, dans la perspective d’atteindre un rythme de croissance satisfaisant et de catalyser la dynamique professionnelle.
«Etant au c?ur du Maghreb, la situation géographique de l’Algérie lui confère une position stratégique. Dans cet entrain d’ouverture, les TIC font office de locomotive de développement. L’émergence d’un pôle de compétences par l’utilisation des TIC dans les PME/PMI est plus que jamais d’actualité car elles occupent une place centrale dans une finalité de performances économiques», insiste M. le ministre. L’apport des TIC à la croissance se hissera juste derrière les hydrocarbures, selon l’intervenant.
Lors d’une première phase, l’accent a été mis sur l’infrastructure. La seconde étape ne manque pas moins d’intérêt que sa devancière puisqu’ il s’agira de l’extension de la bande passante, les e-applications et le réseau Intranet gouvernemental (RIG) pour «la proclamation du e-Gov».
«L’année 2006 sera l’année du haut débit. OusraTic ne se limite pas à la diffusion passive des équipements informatiques. Un accès Internet efficient va de paire», rétorque M. Haïchour.
Opérationnels fin 2007, les premiers bâtiments du technopôle de Sidi Abdallah, «fondation de l’économie du savoir», intègrent l’approche visionnaire du gouvernement afin de permettre à l’Algérie d’être un pays émergent des TIC, à l’instar des Sud-Asiatiques. Une délégation de la Médina de l’Internet de Dubaï a visité le technoparc pour un éventuel investissement et des apports dans le high-tech. En Algérie, SatLinker, provider satellite, a permis à 2 000 réfugiés Sahraouis d’accéder à Internet et de téléphoner grâce à sa solution V-Sat qui possède, à ce jour, le meilleur déploiement et le plus fiable en transmission à 99%. Au sein de son espace au Hi-Tec 2006, les ingénieurs de SatLinker ont disposé neuf laptops avec une connexion V-Sat à 256 Mo pour le grand public. «Moi qui ne suis pas habituée à ce genre de machines, ça me permet de m’y familiariser et pour une fois ne pas surfer spécialement à partir d’un cybercafé», nous confie Manel, une jeune étudiante en commerce.
{{Un détour par le Salon}}
Pour reprendre les propos du ministre, des événements tels que le «Hi-Tec» nous donne l’occasion du chemin parcouru. Etaient présents des opérateurs de téléphonie et de services Internet, des intégrateurs de solutions informatiques et de sécurité, des sociétés de communication, des organismes de recherche et de développement en IT et autres. En tout, près de 35 exposants ont étalé leurs dernières innovations et offres de services. Un paysage technologique algérien détonnant, qui foisonne de compétences et de savoir-faire. Une plate-forme privilégiée de découverte et de contacts entre professionnels IT et particuliers.
Le visiteur qui arpente les allées du Centre des expositions ne pouvait sans nul doute rater les stands des opérateurs de téléphonie classique ou de nouvelle génération. Des pavillons haut en couleurs et design high-tech. A la «Star Gate » pour Nedjma qui ouvrait «sa porte» des étoiles avec sa démonstration de la technologie Enhanced Data Rates for Global Evolution (EDGE), transition entre la seconde et la troisième génération de téléphonie mobile qui inclura l’Universal Mobile Telecommunications System (UMTS). Le «Push-to-Talk» y était également en présentation. Chez Djezzy, on misait plutôt sur le «centrisme», avec un espace conique, entouré d’écrans plasma. L’opérateur historique déployait toute son envergure d’entreprise d’Etat à travers les stands de ses différentes filiales qui occupaient la plus grande superficie. En l’occurrence, Algérie Télécom a confirmé par le biais du ministre de la Poste et des TIC le lancement prochain de son nouveau réseau multi-services (RMS). Autre nouveauté présentée lors de ce salon, le Private Automatic Branch eXchange Virtuel (Pabx) de Lacom dont la configuration se fera directement sur le système de l’opérateur grâce à son architecture Call-Flow via un service téléphonique appelé ACD permettant ainsi le routage automatique des appels.
Ce fut aussi l’occasion d’une «première grand public» pour certains d’émerger et de se faire connaître. La start-up Puls a lancé son portail Internet d’emplois et de recrutement «emploitic.com». «C’est un site créé par des Algériens pour des Algériens. L’idée d’un tel projet est née du constat faisant état de la panne du processus de recrutement», nous confie Tarik Metani, cogérant de la société. La petite équipe ambitionne tout simplement de devenir l’une des plates-formes leaders en termes de visites et d’audience. L’originalité de ce site réside dans son orientation e-business puisqu’il permet aux recruteurs d’avoir un espace de consultation des offres d’insertions pour leurs propositions d’embauches et d’achats de CV. Reste que le paiement est physique et se fait au niveau du siège de la société. «Nous ouvrons une brèche pour le e-business sur lequel nous nous axons. On travaille notamment sur le développement de solutions Web à cet effet afin de créer un réseau de sites de business en ligne, sur un marché encore vierge», rétorque M. Metani. Un plan média est en cours de lancement. Les utilisateurs pourront réaliser des économies allant jusqu’à 250 000 dinars. Pour en revenir à Lacom, on notera par ailleurs une baisse de ses tarifs sur les communications entre abonnés de son réseau (2,5 DA/min) et sur les appels sur le fixe pour la France, le Canada et les Etats-Unis (15 DA/min). L’Internet passe à 1,8 DA pour un débit maximal de 153 Kbps, intégré dans le forfait et, enfin, l’appel en conférence devient gratuit.
{{La sécurité de demain se conjugue au présent}}
L’un des pavillons qui a attisé la curiosité de tous est sans conteste celui de HB Technologies. Une halte devant cette surface vous laisse circonspect devant l’engouement qu’ont suscité les produits de cet exposant ! Créée en 2004, cette société assure le développement, la mise en ?uvre, l’accompagnement et le suivi de solutions complètes à base de cartes intelligentes hautement sécurisées. Elle bénéficie, entre autres, du partenariat d’un leader international dans le domaine, l’allemand Mülhbauer qui valide le transfert technologique et sa mise à jour. Elle élargit sa panoplie aux cartes d’identification et aux systèmes de sécurisation et de contrôle biométriques. «La biométrie est la technologie du futur. Nous sommes parfois considérés comme des savants fous !», nous confie, avec amusement, Jamel-Eldine Zerouk, directeur général délégué aux opérations. Lors d’une communication tenue au sein du hall des expositions, il a présenté le principe du fleuron de sa société. De ce fait, la biométrie offre une alternative infaillible contre la contrefaçon et la duplication de documents. De nombreuses applications lui sont possibles telles que les identifications civiles et criminelles, le commerce en ligne, l’accès aux réseaux informatiques, la surveillance. Ainsi, une carte physique biométrique est hautement sécurisée et comprend des données physiologiques de son détenteur en plus du fichage et de la traçabilité. Le principe de la fabrication du passeport ou d’une carte biométrique se fait sur la base d’une matière appelée polycarbonate. Les données de sécurité y sont gravées grâce à un laser, des brûlures profondes, non modifiables. L’avantage d’une carte biométrique aux normes est qu’elle est garantie de six à dix ans. La photographie de l’identifiable, en noir et blanc, subit une impression de l’ordre de 20 microns, accompagnés de microtextes en caractères lisibles. La guilloche est l’un des procédés de sécurité les plus caractéristiques de ce type de cartes high-tech. C’est un élément graphique très complexe composé de lignes incurvées, gravées au laser à partir de calculs d’algorithmes mathématiques. On distingue aussi sur la carte des hologrammes en trois dimensions ou des kinégrammes visibles sous lumière ultraviolette. Il est certain qu’une telle technologie ne manque pas d’appoint, cependant l’obstacle majeur pour son application à grande échelle reste sa cherté. Déjà soumissionnaire pour la carte Vitale de la CNAS, HB Technologies a reçu la visite remarquée d’une délégation de la douane, apparemment intéressée par ces nouvelles technologies pour l’optimisation d’une carte électronique à destination des importateurs, a-t-on appris par l’ un des responsables de la société. Cette dernière verra son usine dernier cri de fabrication de produits de sécurité opérationnelle à la mi-mai. M. Zerrouk ne manquera pas d’insister «sur les enjeux gouvernementaux et financiers colossaux qu’implique ce genre de technologie sachant qui tournent généralement autour des 200 millions d’euros».
{{Les TIC, le citoyen et l’Etat}}
En marge des expositions, s’est tenue, le mercredi 19 avril, une journée de travail sous le thème de «E-Gouvernance et TIC : présent et perspective». Tout au long de cette journée, se sont succédé des intervenants et experts de renom. Dans un contexte de marché concurrentiel aussi récent que la pérennisation d’une société de l’information, le rôle du régulateur indépendant et autonome est aux premiers plans afin de garantir le bon déroulement des opérations commerciales. M. Toufik Bessaï, chef du département juridique de l’ARPT, insiste sur le fait que «la régulation n’est pas du droit mais serait plutôt un concept juridique. Le marché sécrète constamment son contraire». L’Algérie a commencé à mettre en ?uvre sa réforme dont les textes juridiques essentiels sont prêts, notamment la loi 2000-03 du 5 août 2000 qui «institue, entre autres, une Autorité de régulation qu’elle dote d’un statut spécifique, de missions et de prérogatives originales censées rassurer et donc attirer l’investissement et ainsi développer le marché». Elle permettra aussi d’asseoir un droit de communication et un service d’accès universel aux TIC pour les e-administrés, de rassurer l’utilisateur et l’encourager à communiquer.
Pour M. Youcef Mantalechta, ancien directeur du programme intergouvernemental informatique de l’Unesco, il n’y a pas de spécificité algérienne mais une vitesse d’approche différente. La gouvernance en TIC reste un terme générique. La gouvernance électronique n’est pas l’apanage des autorités supérieures, qui doit s’appliquer à des échelles inférieures. Le e-learning n’est pas la meilleure des pédagogies. On met les équipements à la disposition des enseignants pour mettre du contenu à la disposition des apprenants.
Il en va de même pour les ISP qui ne sont pas là pour vendre du temps machine mais doivent apporter, eux aussi, leur pierre à l’édifice de la société de l’information. En parallèle, la vie en autarcie n’est plus possible. L’impérativité de créer un espace numérique du savoir passe par une triple priorité, celle de mettre en place les équipements, la matière (l’information) et le système de diffusion car «l’information statique n’est pas le pouvoir». Ce siècle sera marqué par les biotechnologies et l’Algérie sera obligée de s’y mettre. Le marché de l’information est énorme. L’information est devenue machine ; moins de 10% de coût contre 90% de matière. A contrecoup, le développement génère du développement et à regarder de plus près, les pays en tête d’affiche sont ceux qui maîtrisent l’information et ses outils. Selon les derniers chiffres du CERIST, 54% des internautes américains produisent et utilisent ce que produisent les autres et sont éditeurs du tiers des trois milliards des pages Web dans le monde. A contrario, l’Afrique reste loin derrière avec 13% seulement d’adeptes du Net, pour une dizaine de millions de pages. Le nombre de sites en nom de «domaine national» est aussi édifiant : 432 000 en «.fr» reservés aux entreprises. A partir du 20 juin, son utilisation sera étendue pour les particuliers. La Chine compte 1 400 sites en «.cn» pour 130 millions d’internautes, la Tunisie 4 000 en «.tn», le Maroc 6 000 en «.ma» et, enfin, l’Algérie 1 400 en «.dz», à mettre sur le compte d’une désaffection pour le «.dz» et d’un manque de confiance, comme le fait remarquer le Pr Mentalechta. «Serait-ce le CERIST qui gère mal ce nom de domaine ou bien les providers qui encouragent le ??.com »» ?, s’interroge encore l’ancien directeur du programme intergouvernemental informatique de l’Unesco. De toutes les manières, aucun représentant du CERIST ne fut présent au sein de la salle de conférences afin d’apporter un quelconque éclaircissement. «Les sites Web algériens sont tristes et ternes, leur mise à jour est bien trop irrégulière», indique Youcef Mentalechta. Il suggère en outre la création d’un espace numérique du savoir, un Intranet intergouvernemental en forme pyramidale pour une bonne interface de l’information, une réunion des webmasters pour un meilleur encadrement de cette génération Net. Dans un système très compétitif, une bonne gouvernance se doit de résulter d’une bonne écoute…
{{Un exemple à suivre ?}}
En Europe, il est question aussi d’administration électronique et de modernisation de l’Etat dans un vaste programme intitulé «i-2010». A travers celui-ci, les TIC se destinent à réduire l’exclusion, à faire levier pour réaliser des gains de production, à avoir un impact positif sur la liberté de circulation des personnes, la diversité culturelle, économique et la dynamique du travail. «La e-administration n’est pas uniquement Internet. C’est l’articulation de l’ensemble des outils de communication et la reconsidération des moyens dont dispose l’administration [Web, téléphone, guichets]», rétorque Odile Coppey, chef de mission à la Direction générale de la modernisation de l’Etat du ministère de l’Economie et des Finances (France). Depuis le 1er janvier 2006, et sous la conduite de la Direction générale de modernisation de l’Etat (DGME), le programme d’administration électronique (ADELE) est en application et pose comme principes de simplifier la relation des citoyens à l’administration, à valoriser la mission des agents publics et à améliorer l’efficacité du service public. Ne subsistent que certaines contraintes humaines, organisationnelles, techniques, juridiques et financières. Plus de 200 téléservices et 700 sites Web publics depuis 2000, 90% des formulaires administratifs sont remplis en ligne contre 74% en 2002, 1,2 million de contribuables ont payé leurs feuilles d’impôt en ligne, chiffre multiplié par dix depuis 2004 et plus de 50 millions de cartes Sesam Vitale (carnet de santé) ont été distribuées. Suite en page 11
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{{L’impératif de se protéger…}}
Autre volet et non des moindres, la sécurité des réseaux et des systèmes. «L’objectif de la sécurité est constituée de 70% de bons sens et de 30% de technique. Au moment où vous vous connectez à la Toile, vous ouvrez un portail aux intrusions les plus inimaginables !», s’exclame le Dr Hakima Chaouchi, enseignant-chercheur à l’Institut national des télécommunications de Paris. La sécurité est définie dès lors comme «la capacité d’un système de protéger ses objets contre leur modification ou leur utilisation par des sujets non autorisés». Parmi les menaces les plus courantes contre les systèmes informatiques, les virus, les spams, les worms (les vers), DOS/DDos, les softwares virtuels, le fishing, etc. De manière plus générale, un virus informatique est «tout programme d’ordinateur capable d’interfacer un autre programme d’ordinateur en le modifiant de façon à se reproduire à son tour». Selon une étude datée de 2003 d’une société américaine de consulting, menée sur 100 PME, 83% des entreprises adoptaient des politiques de sécurité, 11% n’en possédaient guère. Le Dr Chaouchi rappelait l’impérativité de suivre une politique de rigueur sécuritaire, en se prémunissant des mécanismes et des services de protection (Safeguard) certifiés par la norme ISO 7498-2 de 1989 qui établit la confidentialité, la disponibilité et l’intégrité des systèmes, réseaux et données. Avec l’ouverture sur les réseaux d’échange extérieurs, le réseau Intranet gouvernemental (RIG), les systèmes informatiques bancaires, l’Algérie est concernée par cette politique de sécurité à tous les niveaux. L’émergence des TIC instaure des usages originels, des applications inédites, des activités nouvelles telles que le métier d’administrateur de sécurité. En ce sens, «nous avons reçu en formation des agents d’Algérie Télécom et des stagiaires des universités d’Oran et de Annaba», nous signale Hakima Chaouchi. De cette indication, il est à relever, dans une dimension supérieure, la problématique de la formation et de l’encadrement, du développement des compétences liées aux TIC. Le Dr Hamid Bessalah, directeur du Centre de développement des technologies avancées d’Alger (CDTA), déplore, dans son intervention, l’insuffisance de valorisation et de suivi en matière de recherche et surtout l’absence d’un organe de chapeautage en IT. «Il faudrait créer un pôle de convergence des aptitudes et instaurer un environnement de conditions de bons usages des TIC en Algérie. La formation est fondamentale dans le but de générer un potentiel humain performant», soutient-il encore. Dans le cadre d’une société de l’information avancée, deux grandes écoles d’informatique et de télécommunications sont nécessaires au-delà de e-institutions ayant des missions de leadership. Dans son exposé sur la maintenance industrielle et la gestion des connaissances, l’Internet au service d’une société basée sur le savoir et le savoir faire, Mokhtar Sellami, docteur et directeur du Laboratoire de recherche en informatique de l’université de Annaba, conforte les propos du précédent intervenant en disant que «la gestion des connaissances est un défi pour ce millénaire. Il faut construire l’intelligence collective».

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