En effet, les derniers propos du ministre de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, qui remontent au 7 janvier 2006 lors du forum d’El Moudjahid consacré au bilan et aux perspectives du secteur dont il a la charge, arrêtaient le nombre d’ordinateurs «vendus à 92 000, principalement aux ?uvres sociales des grands comptes».
{{92 000 PC pour 2 000 licences Windows XP}}
L’une des particularités des ordinateurs produits en Algérie par Alfatron, Kourty Informatique, Sacomi Informatique, KLC et l’EEPAD, destinés à alimenter le «circuit OusraTic», est l’authenticité non seulement des composants électroniques entrant dans l’assemblage de la machine (comme la gamme Intel en ce qui concerne les microprocesseurs) mais aussi celle du système d’exploitation (Windows XP) pour lequel Microsoft Algérie a beaucoup fait afin de ramener son coût d’acquisition à une échelle supportable par le consommateur final, peu habitué à payer le prix réel d’un logiciel. D’ailleurs, OusraTic, dont l’objectif principal est d’édifier la société de l’information, notamment par la massification de l’utilisation des TIC par chaque citoyen, quel qu’en soit le milieu social ou le niveau d’instruction, constitue une aubaine pour Microsoft afin de faire intégrer ses logiciels dans un circuit légal, jusque-là étouffé par la copie piratée. C’est pour cette raison que lors du lancement officiel de l’opération OusraTic, le 22 octobre 2005, les parties prenantes se sont engagées à offrir au citoyen algérien une licence Windows d’origine achetée auprès de Microsoft Algérie par le biais notamment de Southcomp Distribution Algérie (SDA), distributeur certifié de Microsoft.
Donc qui dit 92 000 PC acquis dit obligatoirement 92 000 licences Windows d’origine achetées. Est-ce le cas ? Pas du tout si l’on se réfère aux dires de M. Lahouari Belbari, directeur général de Microsoft Algérie, qui, contacté, a maintenu sa dernière déclaration parue dans la presse qui faisait état d’un volume de 2 000 licences livrées. Chiffre confirmé par M. Rachid Saib, directeur commercial chez SDA, et qui englobe Sacomi, avec 1 000 unités achetées, Kourty, avec 400 licences acquises, et l’EEPAD, qui en dispose de 600. Interrogé sur les commandes effectuées par KLC et Alfatron, M. Rachid Saib nous dira qu’il en est encore aux pourparlers avec le premier et avoue ne rien avoir reçu de la part du second, car empruntant, selon lui, un autre circuit tout aussi légal.
Pour ce mois-ci, SDA s’apprête à négocier un lot de 5 000 licences Windows une fois les responsables commerciaux des entreprises d’assemblage prêts à discuter, puisque cette dernière semaine a vu le départ en congé de beaucoup d’entre eux, partis fêter l’Aïd El Kebir avec les leurs.
Vu ces données, une interrogation s’impose : ne manque-t-il pas à l’appel 90 000 licences Windows d’origine pour corroborer les dires des uns et rejoindre ainsi les résultats commerciaux obtenus par les autres ? La même question est posée pour l’EEPAD, dont le président-directeur général, M. Harzallah, relayé par les journaux, affirme avoir «vendu 18 000 PC portables» suivant la formule OusraTic alors qu’il s’est porté acquéreur de 600 exemplaires Windows… seulement ?
{{Les chiffres des assembleurs}}
Sacomi Informatique, avec pas loin de 600 points de vente au niveau national que l’entreprise a agréés et à travers toute une logistique mobilisée pour répondre à la demande qu’induira OusraTic et être à la disposition du client, notamment à travers sa hotline (Call Center), a vendu au total 606 machines de fin 2005 à janvier 2006. Donc rien que pour janvier 2006, l’entreprise a livré 129 ordinateurs, comprenant aussi bien les PC de bureau, majoritaires, que les PC portables, avec une prédominance de la seconde variante, c’est-à-dire un microordinateur équipé d’un CPU Centrino, dont la plupart ont été réglés cash avec toutefois un engagement de paiement de la part des banques, représentant une centaine de chèques en instance. Pour leur part, le nombre de chèques présentés par les clients pour enlever leur commande est d’une centaine, principalement émis par la Banque nationale d’Algérie (BNA), très active dans le traitement des souscriptions, suivie de la Banque de développement local (BDL). C’est M. Kamel Djamakebir, chef de projet OusraTic au niveau de Sacomi, qui nous a présenté ces chiffres en nous confiant que les wilayas qui ont connu les plus forts taux de vente sont Tipasa, Tizi Ouzou, Alger, Constantine, Béjaïa, Tamanrasset, Béchar, citant 1 cas à Biskra, 1 autre à Sétif et encore 1 à Bouira.
A une question se rapportant au nombre de lignes ADSL acquises en complément d’un ordinateur, notre interlocuteur nous indiquera que ce sont 55 clients qui ont choisi un raccordement à Internet haut débit ; raccordement effectué par l’EEPAD, le fournisseur d’accès avec lequel Sacomi sous-traite. Il nous révèlera aussi le total des factures pro forma réclamées par la clientèle et qui dépasse les 150 000. Pour la même échéance et avec une mobilisation plus importante, Kourty Informatique a livré 96 ordinateurs, répartis entre 78 PC de bureau et 18 PC portables. Les paiements cash ont représenté pour Kourty la majorité pour ce qui est des ordinateurs de bureau (67) et constitué la minorité des crédits accordés, en grande partie par la BNA, suivie de la BDL et, cette fois-ci, talonnées par le CPA. En revanche, la tendance s’inverse en ce qui concerne les ordinateurs portables mais toujours avec la BNA en tête pour ce qui a trait aux achats par crédit. En revanche, Kourty Informatique, a délivré 12 997 factures et en termes de ventes prévisionnelles, il a transmis 8 492 dossiers aux banques, qui demeurent jusqu’à présent sans réponse «en raison de la non-collaboration des établissements financiers», dixit le service chargé de superviser, au niveau de l’entreprise, l’opération OusraTic, qui précise en outre que ses représentants les plus actifs se trouvent dans les wilayas d’Alger, Béchar, Constantine, Béjaïa, Ghardaïa, entre autres.
Pour sa part, l’EEPAD, par la voix de son département de la communication, tient à ses «18 000 PC portables Zala» vendus avant même l’achèvement de l’usine qui doit les assembler, même si, pour rappel, il n’a acheté que 600 licences Windows XP. En deux mois et à quelques semaines du troisième, c’est bien plus qu’une prouesse… c’est un miracle ! Nous trouvons seulement dommage que M. Mohamed Habib, directeur commercial et marketing, était aux abonnés absents malgré nos incessants appels, car son appréciation et ses éclaircissements auraient été plus qu’utiles.
En ce qui le concerne, King Line Computer (KLC), c’est avec embarras que la chargée de la communication s’est dit dans l’incapacité de nous communiquer quelque chiffre que ce soit. Quant à M. Karim Bibi Triki, président-directeur général d’Alfatron, entreprise clé dans l’opération vu son envergure et son réseau de revendeurs dans tout le pays, nous n’avons pu hélas le joindre.
{{Encore et toujours les banques !}}
Kourty Informatique est le premier à accuser le coup en la matière. Et pour cause ! 10 000 dossiers transmis aux banques pour traitement sont en souffrance et sur l’ensemble de ses ventes, il n’a vu aucun chèque CCP présenté par un client bien que des conventions aient été signées entre Algérie Poste et certaines banques pour que ces dernières prélèvent de la source les montants dus. Il est rejoint par ses pairs et tous pointent du doigt les établissements financiers, pourtant partenaires à part entière dans l’opération OusraTic. Réunion sur réunion, sous l’égide du comité de suivi de l’initiative gouvernementale, les choses peinent à évoluer dans le sens voulu par tous, celui de la célérité dans le traitement des dossiers transmis aux banques par les assembleurs eux-mêmes ou par leurs représentants dûment mandatés.
A ce propos, M. Boudjemaa Haïchour, abordant la question lors de la conférence de presse du 7 janvier dernier, a donné des indicateurs intéressants, voire des éléments qui «justifient» les lenteurs et autres tracasseries devenues le lot aussi bien des assembleurs que des citoyens ayant pourtant rempli toutes les conditions d’acquisition d’un ordinateur. «Orthodoxie bancaire, précautions et règles prudentielles» sont les expressions phares du ministre mais qui ne viennent pas pour autant à bout des appréhensions affichées par les intervenants impliqués dans cette opération. Le ministre fera également référence aux scandales financiers qui ont éclaboussé le secteur bancaire, ce qui exige, en conséquence, le respect strict de l’«aspect de prudence». Il ne manquera pas de rassurer les assembleurs, ceux qui étaient présents dans la salle de conférences en tout cas, en leur promettant de faire intervenir le ministre des Finances, voire le Premier ministre -appelé à présider un conseil interministériel dans ce sens- afin de booster l’opération, en comptant sur l’«apport» et le rôle qu’auront à jouer les syndicats et les comités d’entreprises, les ?uvres sociales, l’éducation nationale… pour devenir des clients potentiels et ainsi fluidifier et accélérer les chiffres de vente.
En attendant un sursaut «salvateur», il ne faut pas oublier, comme signalé à maintes reprises par M. Bibi Triki, que l’opération «Un PC par foyer» en est toujours «à sa phase expérimentale» et qu’il «ne faut surtout pas procéder à un bilan», pas avant six ou sept mois en tout cas.